Des mondes différents du nôtre : des joyeux délires absurdes comme dans L’ours qui n’était pas là et Le zarbi zoo, deux livres jeunesse qui nous emmènent là où il fait bon vivre autrement ; une nouvelle vision de la réalité créée par Jacques Brodier sur ses machines triturant les ondes hertziennes ; des relectures du pays des merveilles d’Alice de Lewis Carroll au cinéma bien sûr mais aussi dans un opéra impressionnant d’Unsuk Chin ; des films encore qui nous plongent dans des mondes où la réalité nous surprend à chaque instant (Le voyage de Chihiro de Hayao Miyazaki et la série La quatrième dimension de Rod Serling) ; sans oublier le monde cauchemardesque d’Orphée aux enfers de Jacques Offenbach. Des perceptions différentes de notre monde : notre monde vu au travers d’un filtre chamanique (Le reak soundanais) ; notre monde au travers des yeux et des dires de Jean-Claude Ladrat qui a construit deux soucoupes volantes en bois pour rejoindre les extraterrestres ; un regard décalé sur la ville de Foix, sans doute la bourgade la plus ringarde de France par le réalisateur Luc Moullet ; Et enfin, une playlist consacrée aux chanteurs qui se sont mis, le temps d’une chanson, à voir le monde autrement.

DEUX LIVRES JEUNESSE QUI NOUS EMMÈNENT LÀ OÙ IL FAIT BON VIVRE AUTREMENT

Voici deux livres qui emmènent les enfants (dès 5-6 ans) et leurs parents dans des mondes délicieusement absurdes où rien ne se passe comme on l’attend. Deux invitations à vivre ses délires et à accepter les différentes manières de penser le monde.

 

Oren Lavie et Wolf Erlbruch : « L’ours qui n’était pas là » (La joie de lire, 2015)

 

L’ours qui n’était pas là est le premier livre d’Oren Lavie, talentueux touche-à-tout israélien qui est aussi connu en tant que musicien, chanteur, metteur en scène et réalisateur de clips. Derrière cette histoire qui parlera autant aux enfants qu’aux adultes, derrière les réactions et les répliques pleines de nonsense des personnages, on sent qu’Oren Lavie veut transmettre sa conception du bonheur ainsi que son besoin de sortir des perceptions du monde formatées.

On retrouve cette philosophie, cette poésie, cette liberté à chaque page merveilleusement illustrées par, j’ose le dire, le ‘génial’ Wolf Erlbruch. Souvenez-vous des dessins inoubliables de Les cinq affreux, de De la petite taupe qui voulait savoir qui lui avait fait sur la tête, ou encore de Olek a tué un ours, pour n’en citer que trois parmi tant d’autres… Erlbruch a su donner encore une fois à ses personnages une grâce (une bonté, une beauté) qui côtoie la fantaisie, l’étrange et l’insolite avec un naturel grisant. (GD)

Lisez la chronique dans son intégralité...

 

Olive et moi : « Le zarbi zoo » (Actes sud junior/Tôt ou tard, 2010)

 

Dans le Zarbi Zoo, on rencontre des animaux insolites comme un Chat perché, une Poule mouillée, une Vache-qui-pisse, … mais aussi et surtout le Chépakoi qui est malin comme un singe et peut courir après deux lièvres à la fois. Un zoo excentrique qui ne plaît pas à tout le monde. Avec beaucoup d’originalité, Olivier Costes a su créer un bestiaire des plus cocasses. On s’amuse de cette histoire absurde qui met en boîte les étriqués d’esprit. C’est frais, bien senti et bien envoyé. La narration de François Morel est truculente, les chansons d’Olive et moi s’écoutent en boucle et les illustrations de Vincent Bourdgourd sont sublimes. Indispensable ! (GD)

JACQUES BRODIER

Quelque part, au Havre, au fond d'un garage, une machine étonnante fabrique de la musique à partir de la cacophonie des ondes hertziennes. Appareil unique, mélange de technologie et de poésie, le filtre de réalité a été entièrement conçu et réalisé par Jacques Brodier. Il se nourrit des ondes radios captées par ses antennes et en utilise les vibrations pour faire résonner une série de cordes. Il ne possède pas de clavier, mais est au contraire contrôlé par un modulateur optique réagissant à la lumière et à l'ombre. Parcourant la planète par rebond, les transmissions radiophoniques nous parviennent réfléchies par l'ionosphère, dont la surface irrégulière les déforme et les module, les parasitant quelquefois, les mélangeant souvent. Elles nous reviennent comme un crépitement, un nuage que Brodier qualifie de " stochastique ", en un chaos au rythme lent, variant selon les saisons, selon l'alternance du jour et de la nuit. Ces différents cycles combinant bruit brut et communication humaine, rayonnement solaire et champs magnétiques de tous ordres, une fois aspirés par la machine, sont ensuite " filtrés " et transformé en un écheveau harmonique, une tapisserie sonore complexe qui garde encore imperceptiblement la trace de son contenu langagier, le souvenir de son origine dans l'activité de l'homme. En les additionnant ainsi et en les sculptant par le biais de ses photodiodes, Brodier tire du tumulte de la Babel radiophonique une nouvelle vision de la réalité, dépassant les barrières de langue, d'idéologie, d'opinions. Œuvre de toute une vie, le filtre de réalité ne répond qu'à son créateur. (BD)

DES RELECTURES DU PAYS DES MERVEILLES D’ALICE : DES FILMS ET UN OPÉRA

Jan Svankmajer : « Alice » (1988)

Le plus génial des animateurs tchèques s’empare ici du célèbre texte de Lewis Carroll et en tire une œuvre polymorphe faite de prises de vues réelles et d’images animées. Il nous donne à voir une vision des plus oniriques de l’histoire d’Alice ou s’entremêlent surréalisme et visions fantastiques. (MA)

 

Lisez aussi notre dossier « Alice au pays de Méliès » 

 

UNSUK CHIN : « Alice in Wonderland »

C’est à un véritable voyage initiatique que nous convie cet opéra de la jeune coréenne Unsuk Chin, une exploration portée par une musique fluide et colorée, exprimant tour à tour la féérie du conte et son mystère.

Dès l’introduction, le spectateur se trouve plongé dans un monde décalé : utilisation de masques disproportionnés pour recouvrir les visages, mouvements de danse sans musique, mains qui tiennent un livre invisible, bras sans corps et éventail flottant dans l’espace, personnages défiant l’apesanteur…

Une très belle relecture des contes de Lewis Carroll. (NR)

DEUX FILMS, DEUX MONDES OÙ LA RÉALITÉ NOUS SURPREND À CHAQUE INSTANT

Hayao Miyazaki : « Le voyage de Chihiro » (2001)

Avec Le voyage de Chihiro, Miyazaki nous fait basculer de l’autre côté du miroir dans un univers poétique et chimérique où les règles et les conventions sont bien loin de celles du monde rationnel des adultes. (MA)

Rod Serling : « La quatrième dimension » (1959-1964)

Célèbre série d’anthologie créée par Rod Serling, The Twilight Zone (La quatrième dimension en français) a vu défiler les plus grands noms de la littérature fantastique comme Richard Matheson par exemple. Chaque épisode était l’occasion de découvrir une réalité bien différente de celle que nous connaissons. (MA)

JACQUES OFFENBACH :« ORPHÉE AUX ENFERS »

Les Enfers… Ah, rien qu’à en évoquer les ténèbres, son sombre Styx ou encore ses flammes inextinguibles, on en a les genoux qui flanchent ! On a cru un temps qu’on pouvait en revenir, mais l’expérience a avorté : Orphée n’a pu s’empêcher de se retourner pour contempler sa belle et l’a ainsi renvoyée dans l’empire de la mort. Et si c’était faux ? Si, en réalité, Eurydice avait préféré rester dans le monde d’en bas ? Car selon Offenbach et ses librettistes, Hector Crémieux et Ludovic Halévy, la bonne humeur y régnait en maître… (NR)

LE REAK SOUNDANAIS

Chamanisme, soufisme, possession… Ces rituels religieux, mystiques, amènent un état de transe. Ils invitent les personnes qui les pratiquent dans un autre monde, une autre réalité, un autre être. Dans le reak soundanais (Java), l’esprit des adolescents s’efface et est remplacé par quelque chose d’invisible et de sauvage. Leur identité est entre les mains du chamane ; ils ne sont plus là ; ils sont autres. (ASDS)

Une vidéo réalisée par Les Cartes Postales Sonores et Aural Archipelago.

JEAN-CLAUDE LADRAT

Jean-Claude Ladrat a connu la célébrité quand en 1993, l’émission TV Strip-Tease en a fait un personnage culte. On le suivait lui, en train de construire une soucoupe volante dans son jardin, ainsi que sa mère, Suzanne Saget, avec qui il parcourait les marchés de Charente pour y vendre des poireaux des vignes.

Dans le livre que lui a récemment consacré Jean-Charles Chapuzet, on en apprend davantage sur ce marginal aux mille vies, tour à tour marin, menuisier, numismate ou encore aventurier, dont le rêve cosmique se termina derrière les barreaux. (IK)

Livre : http://editions-marchialy.fr/mauvais-plan-sur-la-comete/

Pour approfondir : le livre écrit par Ladrat

Pour en savoir plus :

LUC MOULLET : « FOIX » (1994)

Lorsqu’il était passé pour la première fois à Foix (département de l’Ariège), en 1973, le cinéaste avait été étonné par le lieu ; son impression était que tout allait de travers dans cette ville qui était mal organisée – des embouteillages monstres pour une ville de 10.000 habitants ! – et semblait être un peu en ruines ; rien ne correspondait, on était complètement perdu…  Un des traits caractéristiques était la maison de la culture… coincée entre la prison et le cimetière !

Vingt ans plus tard, après avoir parcouru quantité d’autres villes, il revient à Foix pour y réaliser ce court métrage, sûr de ses impressions premières : Foix est bien la ville la plus ringarde de France ! Le principe du film est de ne rien dire « contre » la ville mais laisser l’image parler. Le ton adopté pour nous présenter les lieux – en voix off – est celui des films touristiques, positif comme il se doit… Mais l’image trahit à chaque fois le commentaire… (MR)

QUAND LES CHANTEURS  VOIENT LE MONDE AUTREMENT

Voici une playlist de 19 chansons où des chanteurs francophones jouent le rôle de personnages qui ne voient pas (plus) le monde comme il est, qui s’imaginent évoluer dans des mondes meilleurs ou qui se réfugient dans des mondes parallèles. Des chansons-univers qu’il n’est pas étonnant de retrouver chez les grands enfants (Jacques Prévert, Charles Trenet, Mathieu Boogaerts, Philippe Katerine, Pascal Parisot), les inadaptés (Léo Ferré, William Sheller, Blair), les lunaires (Charles Trenet, Féloche, William Sheller) et les allumés (Antoine, Evariste, Thomas Fersen, Philippe Katerine). (GD)

Une playlist de PointCulture
coordonnée par Guillaume Duthoit

avec la participation de Guillaume Duthoit, Benoit Deuxant, Michaël Avenia, Nathalie Ronvaux, Anne-Sophie De Sutter, Igor Karagozian et Marc Roesems.