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En ville ! Festival de cinéma - Bruxelles

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La troisième édition du festival En Ville ! s'ouvre ce vendredi 7 octobre

Sommaire

Accueilli dans dix lieux et cinémas bruxellois - Cinematek, Nova, Palace, Vendôme, Pianofabriek, etc. - le festival En ville ! présente des films et courts-métrages, principalement documentaires, touchant aux problématiques de la société, mais aussi à celles de la création. Parmi eux, treize premières belges. Le festival propose aussi une exposition, des rencontres et conférences et un documentaire radiophonique. En invité d'honneur, il recevra le réalisateur américain Frederick Wiseman, titulaire d'un Oscar d'honneur pour l'ensemble de sa carrière.

Petit tour d'horizon sur cette programmation...

Invité d’honneur du festival : Frederick Wiseman

Frederick Wiseman - (c) John Ewing / Zipporah Films

En 1966, Wiseman décide de tourner son premier film dans un lieu qu’il a visité plusieurs fois avec ses étudiants : l’hôpital-prison pour criminels aliénés de Bridgewater (dans l’État du Massachussetts). Pour ce faire, il décide d’emboîter le pas à quelques pionniers du « cinéma direct » (tels que Robert Drew, D.A. Pennebaker, Robert Leacock ou Albert et David Maysles) qui, depuis le tout début des années 1960, ont profité de la conjonction de trois avancées techniques (caméras 16 mm portables et silencieuses ; magnétophones portables et synchrones ; pellicule plus sensible permettant de tourner presque sans lumière additionnelle) – et d’un contexte idéologique et intellectuel où, quinze ans après la fin de la seconde guerre mondiale, de plus en plus de gens n’en peuvent plus du ton de la propagande – pour aborder le réel par des tournages à la fois plus légers, plus souples et moins intrusifs. (…) Lire la suite [PhD]

http://festivalenville.be/-Invite-d-honneur-Frederick-Wiseman-

By the Throat - Effi Weiss et Amir Borenstein - Belgique - 2021 - 75'

Effi & Amir sont deux réalisateurs bruxellois d’origine israélienne. Leurs précédents films traitaient de migration (Chance) ou de précarité (Sous la douche, le ciel).

Basé sur leurs travaux antérieurs (l’installation « five obstructions » entre autres), ce nouveau film semble parler de variété linguistique, d’orthophonie et de centralisation culturelle. Mais au travers des cas évoqués, le sujet réel se révèle rapidement : les différences de prononciation, les petits détails qui distinguent les locuteurs et les manières de dire sont des frontières. Chaque signe sonore, la manière d’énoncer un « s », un « th » ou un « ph », distingue un ethnolecte d’un autre, ou un sociolecte de son voisin. Partant de l’exemple biblique du « shibolleth », le mot de passe (équivalent hébreu du « schield en vriend » flamand) qui distinguait les juifs de leurs ennemis, les réalisateurs montrent comment l’articulation juste peut avoir des conséquences très graves, voire être une question de vie ou de mort. A travers plusieurs cas de par le monde, ils montrent comment une même langue peut être une frontière entre des nations, des ethnies, des religions ou des genres. Le phrasé juste réclame généralement de se conformer à la culture d’un état-nation, et en rejette les variations. Comme le dit un intervenant : « Tout cela peut sembler anodin, mais pour moi, c’est un combat personnel, invisible et politique au sujet de l’identité ». Ainsi aujourd’hui, la dialectologie est employée pour trier les réfugiés, contrôler leur origine, et des programmes automatisés tentent de deviner à leur accent leur lieu de naissance. Cet équivalent sonore de la « reconnaissance faciale » pose évidemment de sérieux problèmes quant à l’interprétation des résultats, et souligne les attentes parfois déséquilibrées de l’observateur soi-disant « neutre » dans le traitement de l’autre. (BD)

By the Throat sur le site du festival


Clean With Me (After Dark) – Gabrielle Stemmer – France – 2019

Pour son travail de fin d’étude, la documentariste Gabrielle Stemmer a opté pour la forme du « desktop documentary », un documentaire monté exclusivement à partir d’images d’écran d’ordinateur et sans voix off. Tout au long du court-métrage, le spectateur, placé en position d’internaute, navigue parmi des tutoriels de nettoyage postés sur la chaine Youtube. Le rythme de la navigation est soutenu, à l’image de ces femmes énergiques frottant, briquant et récurant de haut en bas leur logement. Images accélérées et musiques entraînantes font partie du spectacle qu’elles veulent donner. Si elles semblent animées d’une véritable passion pour la propreté des lieux, elles peuvent aussi faire preuve d’une abnégation sans borne en astiquant leur intérieur parfois de nuit pour ne pas déranger mari et enfants ! Mais, entre deux conseils de cette pratique maniaque de l’hygiène ménagère, elles expriment aussi leur mal-être et l’angoisse qu’elles tentent de soulager en nettoyant. De clic en clic, on s’insinue dans leur intimité, à la recherche d’autres détails de leur vie privée. Outre les gains parfois astronomiques que les youtubeuses peuvent obtenir du partage de leurs vidéos, les raisons qui poussent ces femmes à témoigner de l’aspect le plus prosaïque de leur quotidien se révèlent souvent bien plus complexes. Un film qui va au-delà des apparences. (NR)

Clean With Me (After Dark) sur le site du festival


Copacabana Madureira - Leonardo Martinelli - Brésil - 2020 - 18'

Ce court métrage politique, d’une ironie corrosive, met en regard le discours d’évangélistes et autre « garants » de la morale, des paroles du président Jair Bolsonaro, la réalité d’une jeunesse déclassée (des favelas) et celle des violences policières. Formellement, le film peut en déconcerter plus d’un·e. Nous sommes dans un registre proche du cinéma expérimental tant les trouvailles filmiques se succèdent (incrustations d’images, effets spéciaux, mixage d’images d’archives et prises de vue directes), le son venant le plus souvent infléchir le sens de ce que nous percevons, voire détromper ce qui est montré, et, dès les premières secondes, on est frappé par un montage du son et de l’image incisif, percutant, qui rythme tout le film.

L’intérêt de cinéastes brésiliens actuels pour la politique – une des caractéristiques historiques du cinéma brésilien – s’est intensifié au cours de la dernière décennie, qui a connu divers bouleversements sociaux et politiques, dans un monde devenu plus dur et plus violent. Les fausses rumeurs font partie de l’attirail de déstabilisation des populistes, mais ce genre de manipulation ne se réduit pas au monde politique, à l’instar de ce qu’expose Leonardo Martinelli au début du film. Les fake news dont il est question concernent la communauté homosexuelle, coupable, apparemment, du délitement moral de la nation. Ici, de curieux biberons distribués dans des crèches, dont la tétine aurait une forme suspecte. Les images qui suivent, parodies pornographiques de la rumeur, sont très drôles… Là un évangéliste – voix off – annonce à ses fidèles qu’il a reçu un message : il y aurait un projet de loi pour modifier des billets de banque de 50 réals et y imprimer le visage d’une chanteuse drag queen ; la phrase « Louons le Seigneur » serait remplacée par « Brésil, nation LGBT » !

Bien que cette rumeur soit ridicule, la bande-son suggère une tension, une appréhension. Derrière un message bête et simpliste – les assertions de l’évangéliste sont soulignées par des émojis (content, fâché, fuck you, etc.), le cinéaste montre qu’il y a bien une construction de pensée dangereuse pouvant facilement être assimilée par des personnes crédules… La montée du conservatisme et de l'autoritarisme dans le pays se diffuse à travers les médias, soit insidieusement soit frontalement – images défilantes sur internet d’Olavo de Carvalho, une référence intellectuelle d’extrême droite brésilienne – et a des conséquences bien réelles et dramatiques dans le Brésil des années 2020. Les principales victimes sont – comme toujours – les minorités et les déclassé·es. Ce qui avait commencé (presque) comme une comédie satirique, se termine par une tragédie, notamment avec quelques « débordements » de Jair Bolsonaro, jamais avare de provocations. (MR)

Copacabana Madureira sur le site du festival


WTC, A Love Story - Lietje Bauwens et Wouter De Raeve - Belgique, Pays-Bas - 2021 - 61'

Le quartier nord de Bruxelles a connu dans les années 1970 un bouleversement urbanistique, et le projet Manhattan, qui a demandé la destruction de l’ancien quartier, est considéré comme un des grands ratages de l’aménagement de la ville. Il existe aujourd’hui une volonté de réparer les dégâts mais la tâche est hautement complexe dans la mesure où elle doit prendre en compte, afin d’éviter les erreurs du passé, les demandes très diverses des promoteurs, des habitants, mais aussi des navetteurs qui y travaillent le jour et des transmigrants qui y dorment la nuit. Pour traiter du sujet, les deux cinéastes ont choisi de prendre la tangente et d’élaborer un dispositif particulier. A l’exception de quelques vues d’ensemble du quartier, le film est un huis-clos de fiction où des acteurs interprètent les différents intervenants de la nouvelle planification. L’idée a été de confronter à l’écran les « vrais » et leurs doubles, avant de passer au jeu de quelques scènes « typiques »: réunion, discussion à la machine à café, etc. Cette méthodologie devient très rapidement un filtre, une forme de facilitation. Alors que les acteurs imitant les mimiques et les discours du promoteur, de l’activiste, de la femme politique, du consultant, etc., pourraient sombrer dans la satire ou la caricature, ce sont les discussions de préparation (ou de débriefing) qui deviennent le centre de l’histoire, et le processus devient un révélateur, un intermédiaire qui facilite un dialogue indirect entre les différents responsables et acteurs sociaux. Le discours, généralement marqué par de nombreux non-dits, rongé par une méfiance réciproque, se relâche. Abandonnant un instant le soupçon de calcul et de manipulation de part et d’autres, chacun peut sortir de son rôle et de son langage officiel pour exprimer plus clairement ses intentions et les enjeux qu’ils représentent. (BD)

WTC, A Love Story sur le site du festival


Fluctuations du vide - Christophe Delbecq - Belgique - 2021 - 76'

A plus de 50 ans, Christophe Delbecq dévoile son premier long métrage. Un film qui lui ressemble, faisant se croiser trois de ses principaux centres d’intérêt (le cinéma, l’architecture moderne et la physique) dans un film tourné presque en solitaire (« Image, montage, son, textes, réalisation : Christophe Delbecq »), sur fonds propres, par nécessité impérieuse et non par plan de carrière. Dans un film très écrit (le choix des mots de sa voix off mais peut-être encore plus sa structure, le tissage des matières filmées), fort bien mis en musique par Eric Van Osselaer et Fred Vanlierde et qui n’oublie pas de nous raconter des histoires, le cinéaste réussit le pari de faire interagir au-delà de la distance qui les sépare (comme certaines particules de la physique quantique le font) des éléments apparemment disjoints : le documentaire, l’essai cinématographique et quelques bribes minimales de fiction ; Bruxelles, Berlin, Porto et une île finlandaise ; quelques bâtiments de Jacques Dupuis, Alvaro Siza et Alvar Aalto ; le bâti, le végétal et les corps humains qui y passent ou gravitent autour ; les horreurs de la guerre et les rêves de paix. Le résultat est bluffant d’audace, d’intelligence et – oserait-on l’écrire – d’aisance. Un grand directeur photo – qui ne sera peut-être que le cameraman de ses propres films – est né : sens du cadre (l’architecture filmée s’y prête particulièrement bien), esthétique du reflet (se résolvant dans la séquence finale d’une vitre brisée et remplacée), mouvements de caméra jamais gratuits et, surtout, un sens aigu de la lumière, tant naturelle qu’artificielle (en particulier des scènes vespérales et nocturnes). On a rarement filmé Bruxelles (le Parc de la Woluwe, la piste de ski artificielle d’Anderlecht, le quartier européen, la villa Parador de Stockel) aussi bien. (PhD)

Fluctuations du vide sur le site du festival

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Alpes - Naël Khleifi - Belgique/Palestine – 2021 – 65'

C’est au cœur des Alpes, durant l’hiver, que Naël Khleifi s’est installé pour suivre l’accueil et le départ de migrants au refuge de Briançon et alentours (Hautes-Alpes), et rendre compte de l’action militante de citoyennes et citoyens solidaires. Toutes et tous ces bénévoles s’organisent en toute illégalité, de jour comme de nuit, pour porter secours à des personnes qui tentent de pénétrer le territoire français au péril de leur vie (et prêt·e·s à tout pour quitter l’Italie de Salvini, qui a fait de la répression des migrants sa priorité). En hiver, la montagne ne pardonne pas l’imprudence.

La première moitié de ce film choral se concentre sur des scènes de maraude (dont deux scènes nocturnes exceptionnelles) : les personnes solidaires prennent du temps, des risques, avec de possibles arrestations et gardes à vue, voire des condamnations. La tâche des secouristes (parmi lesquels l’ONG Médecins du Monde) est d’autant plus difficile qu’ils sont quelquefois pris pour la police ; les migrants s’en méfiant, ils se cachent.

Il ne s’agit pas d’un film militant pour autant ; l’expérience est brute, le spectateur est en immersion dans une action militante sans voix off pour nous dire ce que nous devons voir ou comprendre. La caméra, toujours flottante, est à l’affût. Les faits se vivent – presque – en direct (avec un montage ingénieux), et témoignent de nombreux moments d’une aventure citoyenne palpitante : l’attente sans savoir ce que l’on cherche, les questionnements, les échanges au téléphone, les lieux de rendez-vous incertains sans savoir quelles seront les personnes rencontrées durant ces nuits froides, aller dans des endroits sans être sûr que l’on y trouvera quelque chose ou quelqu’un – une trace, des pas dans la neige – avec la pression permanente de la police qui peut surgir à tout instant. Les contrôles sont constants le long de la frontière.

La seconde partie laisse place à la parole. Le refuge de Briançon est organisé pour accueillir ces exilé·e·s et les aider pendant quelques jours. On échange des mots, on donne des conseils et des papiers en cas d’arrestation, et on tente de les accompagner au mieux vers leur destination finale (ou la prochaine étape de leur voyage). Un temps est donné pour une rencontre avec ces personnes fragilisées par plusieurs années d’errance, pour la plupart, et des expériences difficiles et violentes. À l’instar de ces moments d’écoute, la caméra s’attarde sur quelques-uns d’entre eux, qui évoquent leur douleur et disent leur frustration de ne pas être considérés comme des êtres humains. (MR)

Alpes sur le site du festival


Luces del desierto - Félix Blume – Mexique, France - 2021 - 29'

Les nuits, dans le sud du désert de Chihuahua, au Mexique, il y a peu de lumière. Les villes sont rares, trop éloignées pour exhaler ce halo laiteux qui nous est familier. C’est dans cette quasi obscurité que le paysagiste sonore Félix Blume nous plonge. Seules la lune et les étoiles diffusent de pâles lueurs dans le ciel nocturne, tandis que les flammes des feux de camp semblent rendre l’ombre plus épaisse encore. A leur proximité, on décèle cependant des silhouettes fantomatiques : celle d’un arbre, d’une vache, de broussailles… Privés d’image, nous découvrons le monde sonore de ce lieu pas si isolé que ça. Au milieu du bruissement des animaux nocturnes, des tintements des cloches garnissant le cou des vaches, des stridulations des grillons, nous entendons des témoignages d’habitants décrivant des objets, des phénomènes, des lumières, des évènements qui ne seront jamais précisés. Compilées, ces bouts d’histoires finiront par tisser un récit nourri par notre imaginaire. Une belle expérience d’immersion sonore. (NR)

Luces del desierto sur le site du festival


Exposition : Carte blanche à Eyekinects et à l’option Architecture et cinéma (ULB)

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Dans le cadre du festival, le collectif Eyekitects et les étudiantes et étudiants de l'option Architecture et cinéma de la Faculté d'architecture de l'ULB proposent dans le foyer du bâtiment de l’école à la place Flagey une exposition, une performance, une table-ronde autour de « La magie du quotidien, entre cinéma et architecture ». Sans oublier la projection de 70 courts métrages tournées entre 2012 et 2021 au sein de la section. (PhD)

Programme complet du festival ici.

Ont participé à cette médiagraphie : Philippe Delvosalle, Benoit Deuxant, Marc Roesems et Nathalie Ronvaux

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