Femmancipation 2 !
Sommaire
Résistantes, opiniâtres, têtues presque, les héroïnes des films de cette deuxième Femmancipation (1) recherchent obstinément la justice, la non-discrimination, l’égalité de leurs droits, une place où elles peuvent vivre et exister telles qu’elles le souhaitent.
Pour l’honneur des siens, pour leur travail toujours moins considéré dans la totalité du monde, pour s’intégrer dans la société encore patriarcale qui voudrait leur fixer une place ou tout simplement pour quitter la famille, les carcans et les manipulations de leur entourage, celles-ci vont secouer la famille, les amis, le quartier, le village et jusqu’au bout de la terre s’il le faut.
Ces courageuses, ces énergiques, ces déterminées mais aussi toutes les autres, sont, j’en suis bien sûr, comme ne le chante pas un certain (2), l’avenir de l’humain.
L’Affaire Josey Aimes (2005 – 124 min) - de Niki CARO
Inspiré d’une affaire opposant Lois Jensen à son employeur, la compagnie minière Eleveth, en 1984.
Josey quitte son mari violent pour s’installer chez ses parents. Grâce à une vieille amie, elle se fait embaucher à la mine locale. Elle se rend vite compte que les travailleuses sont constamment les cibles des collègues masculins. Humiliée, victime de rumeurs, harcelée et agressée, malgré les plaintes à la direction, Josey n’aura d’autre choix que de porter l’affaire en justice.
Face au harcèlement quotidien, les ouvrières se résignent. Aucune ne pense à contester. Et lorsque Josey réagit, elles se désolidarisent de celle-ci par peur de représailles et de perdre leur emploi.
La réalisatrice raconte une histoire de personnes complexes, de parcours sinueux et difficiles. Elle met en avant la fragilité et l’humanité de Josey, qui mène seule le combat, autant par revanche sur ses blessures du passé que pour dépasser sa condition sociale. Charlize Theron interprète superbement ce portrait de femme avec beaucoup de retenue et de naturel.
Papicha (2019 - 105 min) - de Mounia MEDDOUR
Inspiré de faits réels.
Dans les années 1990, la guerre civile, la "décennie noire", écorche l’Algérie. Nedjma, étudiante bien dans sa peau, vit dans une petite cité universitaire et, de temps en temps, tente de s’aventurer au dehors pour s’amuser avec ses copines et vendre ses créations de jeune styliste. Cependant, les intégristes se déploient dans la ville, lui enlèvent sa sœur, imposent le haïk (3), élèvent un mur transformant sa cité en prison et détruisent ses créations.
Nedjma ne peut pas se résigner. Elle entraîne ses amies à organiser un défilé de mode avec des haïks blancs, symbole de l’élégance algérienne, contrastant avec le niqab noir de l’intégrisme.
La réalisatrice présente un poignant portrait de jeunes femmes attachantes qui veulent s’émanciper et dépasser la tradition. Elles hésitent et doutent mais restent soudées et déterminées devant les obstacles. L’amitié y est toujours présente. L’émotion aussi.
Made in Bangladesh (2019 – 95 min) - de Rubaiyat HOSSAIN
Inspiré de l’histoire vraie de Daliya Akhtar Dolly.
Le cinéma américain affectionne les histoires vraies de femmes ordinaires qui s’émancipent de leur condition et prennent la défense des plus faibles. Mais ici, on est à Dhaka en 2013, au Bangladesh, et Shimu ne participe pas au rêve américain. Enfuie de chez elle à treize ans, elle trouve un emploi pour un salaire de misère dans une usine de vêtements, comme les 3,6 millions d’ouvrières du textile du pays, comme celles qui ont péri dans l’effondrement de l’immeuble Rana Plazza.
Shimu rencontre une journaliste qui lui apprend ses droits et l’invite à créer un syndicat. Prudente au début, elle exprimera une énergie et une détermination à défendre ses collègues, malgré les intimidations, le poids de la tradition, le devoir d’obéissance à son mari et le frein de l’administration.
Made in Bangladesh dresse un portrait terrible de la condition féminine au travail. La réalisatrice montre que ces ouvrières sont les figures incontournables de l’économie du pays. Et aussi celles du changement de société.
The Perfect Candidate (2019 – 100 min) de Haifaa AL-MANSOUR
Haifaa Al-Mansour a été la première Arabe à réaliser un film dans son pays avec l’excellent Wadjda. Depuis quelques années, le pouvoir monarchique s’est ouvert au cinéma et a autorisé les femmes à conduire. Mais serait-il possible pour une Arabe de se porter candidate aux élections municipales ?
C’est ce que Maryam, jeune doctoresse dans un hôpital de province, projette pourtant de réaliser, avec pour objectif principal de faire réparer et goudronner la route en piteux état qui mène à son lieu de travail.
Elle doit déployer de nombreux efforts et faire preuve d’ingéniosité dans un pays qui regorge de situations absurdes et révoltantes. Son opiniâtreté à contourner les écueils et sa ténacité à se focaliser vers son objectif rendent le personnage attachant, et ce film positif, teinté de réalisme et d’ironie, magnifie le combat pour les droits de la femme arabe.
Comme des garçons (2018 – 90 min) de Julien HALLARD
Inspiré de la création de la première équipe féminine de football française à Reims en 1968
Le journaliste Paul Coutard, playboy ridicule et piètre séducteur, doit trouver une idée originale afin d’éviter de se faire virer. Pour la kermesse annuelle, il propose un match de football féminin, idée plutôt saugrenue dans la France des sixties. Il recrute alors une équipe composée de filles, devient leur entraîneur, mais cela ne se fait pas sans mal.
Paul est un coach déplorable et les footballeuses n’ont pas vraiment besoin de lui pour se prendre en main. Emmanuelle, l’ex-secrétaire du journal, qui a toujours caché sa passion pour le foot, l’aide à manœuvrer l’équipe et à la sortir des difficultés car la période est encore peu propice à la libération des femmes.
Comme des garçons apporte un beau témoignage sur l’émancipation des femmes, traité avec humour et dérision. Une comédie rétro qui apporte un réel vent de fraîcheur.
Qiu Ju, une femme chinoise (1992 – 100 min) de Zhang Yimou
Dans un hameau du nord de la Chine en 1992, Qiu Ju et son mari survivent en cultivant des piments. Suite à un désaccord, le chef du hameau bat son mari violemment et le blesse également aux testicules. Elle demande des excuses, mais le chef refuse.
Qiu Ju, illettrée, enceinte de plusieurs mois, s’embarque alors dans un périple qui la plonge dans les méandres de la bureaucratie chinoise, passant du hameau au village, du chef-lieu à la capitale.
Personne ne saisit son entêtement à réclamer justice : pas d’argent, des excuses tout simplement. Elle représente la part humaine dans un système judiciaire sclérosé, qui refuse d’accorder de l’importance à l’individu, surtout si c’est une femme.
Proche du néoréalisme à l’italienne, le film de Zhang Yimou exalte le long et lent combat d’une paysanne simple, courageuse et humaine, qui s’émancipe pour défendre ses droits.
Noces (2016 – 94 min) de Stephan Streker
Inspiré de l’histoire de Sadia Sheikh en 2007
Jeune belgo-pakistanaise de dix-huit ans, Zahira vit heureuse au sein d’une famille aimante. Seulement, elle porte un enfant, et ses parents, par l’intermédiaire de son frère, lui ont fait comprendre qu’elle doit avorter. Pour éviter le déshonneur, sa famille, pourtant nourrie de bonnes intentions, lui impose un mariage traditionnel.
Tiraillée entre son amour pour les siens et son désir de liberté, Zahira choisit de se rebeller, de s’affranchir de la tradition et de vivre ses rêves, libre et responsable.
Le film décrit l’opposition entre deux cultures, un dialogue de sourds entre des personnes qui s’aiment mais ne peuvent se comprendre. Zahira mène cependant son combat envers et contre tout... jusqu’à sa fin.
(1) Voir Femmancipation, la première playlist sur l’émancipation des femmes.
(2) Un certain Brel, dans « La Ville s’endormait », répondait à Jean Ferrat, qui lui-même paraphrasait Aragon « L’avenir de l’homme est la femme » (Le Fou d’Elsa, 1963).
(3) Vêtement féminin porté au Maghreb, recouvrant tout le corps. Il peut être blanc ou noir.
Cet article fait partie du dossier 8 mars 2021.
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