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Filmfriend : sélection janvier 2024 (spéciale musique)

bannière Filmfriend janvier 2024 - spéciale musique
Du festival de Dour à celui de Glastonbury, des Appalaches au Congo, six documentaires musicaux (entre rock, musiques électroniques, musiques improvisées, rumba, country et piano classique) présents dans le riche catalogue de la plateforme Filmfriend qui vous est désormais accessible gratuitement via votre compte PointCulture.

Sommaire

Vincent Philippart : From Toilets to Stage (2018)

Au mitan des années 2010, le festival de Dour vit ses dernières éditions en bordure de la localité qui lui donne son nom, avant son redéploiement un rien plus loin, « sous les éoliennes ». De raout autrefois très rock, l’évènement hennuyer voit sa programmation multi-scènes céder le pas au hip-hop et aux dérivés électroniques. En amont du rendez-vous, ses programmateurs courent salles et festivals en quête de nouvelles têtes et de sons prometteurs. Le boss (Damien Dufrasne) passe d’une réunion sécurité avec les forces de l’ordre et les acteurs locaux à une inspection des lieux en phase de montage et d’installation. Les bénévoles vérifient leurs affectations et horaires alors qu’arrivent les premiers festivaliers. La caméra passe alternativement du dédale en backstage (Croix-Rouge, services de nettoyage, mesdames pipi, etc.) au cœur de la joyeuse ruche festivalière et de porter un instant son regard vers les scènes (Victoria + Jean, Charlotte De Witte, etc.). Borné par quelques images du festival d’Amougies, premier évènement musical massif organisé en Belgique en 1969, From Toilets to Stage pose quelques questions sur ce que sont – du point de vue économique et écologique – nos festivals devenus. Le lundi matin, Dour est terminé. Des migrants et volontaires, ramassent, pour une poignée d’euros quantités de déchets et « objets perdus » abandonnés par la marée humaine… qui reviendra en masse l’an prochain ! (YH)

Christine Franz : Bunch of Kunst – A Film About Sleaford Mods (2017)

Autant, par la simplicité de sa formule, son impact, son côté droit au but, il est facile de se laisser aller à vivre l’expérience d’un concert du duo anglais Sleaford Mods, de s’abandonner à la furie de leur son, autant il peut être difficile d’en saisir toutes les subtilités textuelles (à cause du flow de paroles, de l’accent des Midlands, de l’argot) ou de décrire leur musique sans tomber dans les étiquettes réductrices. Jason Williamson écrit les textes et les interprète entre chant, déclamation et éructations. Depuis 2012, il est secondé par Andrew Fearn qui charpente leur assise musicale électronique. Leur présence sur scène est singulière et minimale : un ordinateur portable posé sur quelques bacs de bière, Fearn qui, une fois la musique lancée, dodeline à côté, une bière en main ou les mains dans les poches, Williamson qui s’adresse au public dans une chorégraphie bien à lui, tenant plus de la collection de tics que de la danse classique. Leur alliance quasi alchimique du verbe et des samples tient à la fois des musiques électroniques, du punk, du hip hop et du spoken word.

La réalisatrice berlinoise Christine Franz a filmé le groupe pendant plusieurs années, notamment autour d’une période charnière où leur musique qui raconte l’Angleterre working class loin de tout effet glamour touche un public de plus en plus large et les voit passer de l’underground au mainstream. Pour son documentaire qui est aussi un portrait de leur producteur et responsable de label Sam Underwood, Franz les accompagne notamment lors de deux tournées en Angleterre. Pour la première, ils écument les pubs et les petites salles, calés dans la voiture exiguë de leur manager. Pour la seconde, à peine un an ou deux plus tard, c’est dans un luxueux bus de tournée qu’ils vont d’une grande salle rock à la suivante. Au passage, la cinéaste enregistre les doutes et questionnements du trio pour ne pas se compromettre, pour ne pas perdre leur intégrité ou leur mordant – voire leur santé – lors de cette mue peut-être trop rapide, tout en captant le terreau de leur musique : les quartiers et la géographie humaine qui l’ont nourrie. (PD)

Film disponible en anglais, sous-titré allemand.

Antoine Prum : Taking the Dog for a Walk (2012)

Ce passionnant documentaire de plus de 2h30 se focalise essentiellement autour de la parole, des témoignages, souvenirs et pensées (artistiques, politiques, triviales… ou philosophiques) d’acteurs de la scène britannique des musiques improvisées. Une partie conséquente des interviews sont menées de main de maître, avec un rapport quasi magique d’érudition et de générosité curieuse, par le comédien de stand up Stewart Lee. Commençant « en fanfare » par un duo – forcément aléatoire - entre le batteur Mark Sanders et Mrs Boyes, tireuse de bingo, le film est parcouru d’un certain humour ‘so british’. Taking the Dog For a Walk (autre clin d’œil – à « trois spectateurs et un chien », sorte d’équivalent local de notre « trois pelés et un tondu » faisant référence au public parfois clairsemé de certains concerts improvisés du passé) évoque aussi la ville de Londres, p.ex. par le lien qu’un autre batteur, Roger Turner, établit entre l’exiguïté des appartements, la proximité des voisins et la musique jouable dans de telles conditions (petits espaces, petits instruments, une caisse claire ou un violon, de petits gestes pour une petite musique – une « musique d’insectes ») puis, bien sûr, dans l’évocation des lieux clés de la scène : du Little Theatre Club au QG d’Incus en passant par l’ancienne cantine des cheminots de Camden Town qui abrita le London Musicians Collective (« Il n’y avait pas de toilettes, il fallait aller au pub en face. Mais c’était le paradis ! » se souvient Max Eastley) – jusqu’aux lieux actuels : l’incontournable Cafe Oto, le Vortex jazz bar, la péniche Boat-Ting, etc. (PD)

David Nadeau-Bernatchez et Sammy Baloji : Rumba Rules, nouvelles généalogies (2020)

Malgré son titre, ce documentaire coréalisé par David Nadeau-Bernatchez et Sammy Baloji n’est pas tant un portrait de la scène actuelle de la rumba congolaise mais plutôt une tranche de vie, filmée dans les coulisses de l’orchestre de Brigade Sarbati. Ancien musicien des groupes Quartier Latin International de Koffi Olomide et de Wenge Musica Maison Mère de Werrason (qu’il a dû quitter dans des circonstances complexes), Brigade Sarbati a passé quelques années à Paris avant de retourner au Congo lancer sa propre formation. Le film suit le chanteur mais aussi ses musiciens, ses danseurs et danseuses, et son entourage, à travers un quotidien rythmé par les répétitions, les concerts et les séances d’enregistrements. Sans commentaires ni distance, il montre, au plus près, de manière très réaliste, presque crue, les difficultés rencontrées par la troupe, les dissensions, les divergences, mais aussi les enthousiasmes et l’amour partagé de la musique. Autoproclamé gardien de la tradition, Brigade Sarbati veut défendre sa vision de la rumba congolaise, nourrie de l’héritage des grands anciens, une lignée qui irait de Franco, Tabu Ley, Grand Kalle, Papa Wemba à Werrason, puis à lui. Dans le monde ultracompétitif de la musique africaine, le succès des efforts de l’animateur Sarbati dépend de la cohésion, de la loyauté et du travail de tout l’orchestre. (BD)

Marieke Schroeder : Country Roads : The Heartbeat of America (2014)

Dans ce documentaire de 2014, la réalisatrice allemande Marieke Schroeder est partie à la recherche des sources de la musique country mais s’intéresse aussi aux interprètes actuels. Le chanteur Justin Townes Earle lui sert de guide dans cette histoire qui commence dans les Appalaches, avec la Carter Family, puis Hank Williams. Quelques autres grands noms sont cités ; Nora Guthrie et John Carter Cash racontent les vies de leurs illustres pères, et pour le second, sa propre manière d’aborder la country. Le tableau est assez impressionniste mais donne une idée des particularités du genre.

Schroeder a parcouru les routes du Tennessee et de l’Alabama en hiver, s’arrêtant dans les cafés de Nashville où jouent les groupes d’aujourd’hui. Mais elle s’interroge aussi sur la vie des locaux. La pauvreté est omniprésente, et comme le souligne Justin Townes Earle, la région est fortement touchée par la crise des opioïdes. Comme les bois sont touffus et inextricables, ils sont le lieu idéal pour produire des méthamphétamines mais aussi pour chasser le gibier et mettre de la nourriture sur la table quand on est sans revenus.

C’est un portrait assez sombre de l’Amérique profonde mais il est illuminé par la country de l’ancienne et de la nouvelle génération qui continue à produire des chansons parlant d’amour, d’alcool, de divorce mais aussi d’espoir en une vie meilleure et de compassion. C’est d’autant plus poignant que Justin Townes Earle est lui-même décédé d’une overdose d’opioïdes en août 2020. (ASDS)

A regarder aussi:

Stéphanie Argerich : Bloody Daughter - Martha Argerich (2012)

Fille de la pianiste prodige née à Buenos Aires en 1941, Stéphanie Argerich possède depuis le plus jeune âge une caméra vidéo dont elle consacre l’usage sur ses proches. Ses enregistrements, regroupés ici en un documentaire qui fait la part belle aux témoignages, montrent sa profonde fascination pour une mère, il est vrai, unique en son genre, « toujours au travail et toujours en voyage ». On voit comment la question de la place des enfants – question le plus souvent adressée aux femmes – s’invite assez naturellement dans une vie vouée à l’art. Mais comme nombre d’éléments biographiques que le sujet convoque nécessairement, l’enjeu est à peine effleuré. Ce qui anime le geste de Stéphanie Argerich relève de l’intime, du questionnement personnel. Avec ses deux sœurs, Lyda et Annie, nées de mariages différents, la réalisatrice s’interroge sur la personnalité riche en paradoxes de sa mère, et dépeint une expérience familiale proche d’un mode de vie communautaire construit sur des horaires décalés, une géographie planétaire et un entourage de jeunes pianistes toujours prêts à dépanner. Si les pères sont absents, c’est que, pour la pianiste virtuose, ce n’est pas la maternité qui pose problème, mais la vie de couple. « La rébellion, dira une des filles, c’était 'Je vais à l’école'. ». Les images ont la saveur des confidences incongrues dont la musicienne s’avère prodigue apparaissant en gros plans, sans maquillage, en pyjama, au lit, à table, tout en cheveux, pieds nus – « la mèche et l’orteil, une caricature de maman ». Quant à la musique, elle s'invite partout autour et à l’intérieur de ces moments de vie dont l’extravagance tranche allègrement avec la solennité de la salle de concert. (CDP)

Une sélection de Catherine De Poortere, Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant,Philippe Delvosalle et Yannick Hustache (PointCulture)

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