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Free jazz (1961- )

pollock

publié le par Bertrand Backeland

Plus qu'un style, le free jazz est la bande son d'un véritable mouvement de société qui émerge début des années 60 aux états-unis. Il résulte de la concomitance de deux facteurs : le premier portant sur un aspect socio-politique, la musique comme véhicule et terrain de revendications (accrues) pour l'égalité des droits civiques de la communauté afro-américaine, le second portant sur un aspect d'expérimentations sonores (en grande partie liées à l'improvisation). L'album Free Jazz d'Ornette Coleman en sera le détonateur et aura une répercussion double. Tonitruant et exalté, il constituera pour certains un modèle indépassable, quintessence d'une expression qui se serait affranchie de ses propres règles, et pour d'autres, diamétralement opposés, il constituera l'image stéréotypée d'un style agaçant, brouillon et quasi-inaudible. C'est malheureusement cette dernière image qu'un large public retiendra, ne résumant que très mal la foisonnante et hétérogène multitude des musiciens qui prendront part au mouvement et qui dans leur singularité propre chercheront à dépasser le cadre même de leur expression. En deux mots le free jazz réuni une nébuleuse de musiciens dont la principale caractéristique serait de générer une musique exploratoire tendant à se libérer de ses propres règles.

Sommaire

Signes avant-coureurs

Des musiciens ancrés dans le hard bop vont explorer des voies d'improvisations inédites conduisant vers ce qu'on appellera bientôt free jazz.


     - Hard Driving Jazz (1958)

Les quatre plages qui constituent HARD DRIVING JAZZ, est le fruit d'une session enregistrée en Octobre 1958 et fut originalement réalisée par United Artists en deux version : HARD DRIVING JAZZ en mono, et STEREO DRIVE en stéreo. En 1962 l'enregistrement est rebaptisé COLTRANE TIME (plus vendeur ?) mettant John Coltrane à l'avant plan alors que c'était plutôt Cecil Taylor le leader de la session... Il s'agit de la première collaboration entre ces deux musiciens. Cet enregistrement constitue une charnière importante de la progression du bebop vers le free jazz (free bop). En interplay les deux musiciens jouent de complémentarité autour du thème. On y entend un condensé du jazz des années 50 (swing, bebop, mainstream) avec les prémices du free, cette chose bientôt nommée "new thing". La pochette originale (un bolide capté en pleine vitesse) illustre le propos du titre "hard driving" (conduite dure) où les deux musiciens pilotent solidement les nouvelles conceptions du jazz à venir. Enregistrement historique (un incontournable du free jazz naissant).

   

    - "Freedom now suite" (1960) de MAX ROACH

L'album We Insist ! Freedom Now Suite est emblématique de l'engagement politique appuyant les revendications de la communauté afro-américaine à faire valoir ses droits civiques. La pochette fera scandale car elle montre des afro-américains se faire servir par des blancs, rapport inadmissible à l'époque (début des années 60 !). Quant à la musique, les arrangements sont très ancrés dans le hard bop, laissant de multiples espaces à l'improvisation, en particulier pour la batterie qui prend de multiples solos. Le titre marquant reste la plage n°3 Triptych: Prayer/Protest/Peace triptyque poignant où la voix d'Abbey Lincoln dans la partie centrale protest nous glace d'effroi.


L'album Free jazz (1961) d'ORNETTE COLEMAN

C'est l'album qui ouvre (et donne le nom) à l'ère du free jazz. Deux suites d'une vingtaine de minutes, à l'image de la peinture de Jackson Pollock qui orne la pochette du disque, où lignes rythmiques et mélodiques s'entremêlent dans un tout improvisé. Tonitruant et exalté, il constituera pour certains un modèle indépassable, quintessence d'une expression qui se serait affranchie de ses propres règles, et pour d'autres, diamétralement opposés, il constituera l'image stéréotypée d'un style agaçant, brouillon et quasi-inaudible.

Octet formé d'un "double quartet" réunissant Ornette Coleman (saxophone) et Eric Dolphy (clarinette basse), Freddie Hubbard (trompette) et Don Cherry (trompette de poche), Charlie Haden (contrebasse) et Scott La Faro (contrebasse), Billy Higgins (batterie) et Ed Blackwell (batterie).


"New Thing" JOHN COLTRANE et cette nouvelle chose

Le style du saxophoniste John Coltrane va, au cours de son parcours, aller crescendo vers une sorte de transcendance musicale. Son jeu va progressivement s'abîmer avec les limites (physiques) du jouable et influencera des générations de saxophonistes à venir. Une musique en forme d'exutoire dont le concert New Thing at Newport reste une date mémorable de cette "nouvelle chose" (voyant par ailleurs le tout jeune Archie Shepp apparaître sur scène).


Free jazz et voie spirituelle (Spiritual jazz)

Croyances et marques spirituelles (hors de la religion chrétienne dominante) s'affirment dans bon nombre de productions jazz de la fin des années 60 et début 70. L'appellation spiritual jazz regroupe cette forme de jazz revendiquant (bien souvent transparaissant dans les titres) une connexion spirituelle. De manière générale la forme musicale se caractérise par de longues mélopées introspectives sur base d'un jazz modal .

L'influence de l'Inde aux Etats-Unis (particulièrement à New-York) sera perceptible dans le jazz dès la fin des années 60. Journey In Satchidananda est emblématique de cette influence.


La rupture pianistique de CECIL TAYLOR

Cecil Taylor développe au piano un jeu percussif entre abandons et retenues de son toucher. Pionnier dans cette exploration du piano, il va être un acteur très influent du free jazz.


A.A.C.M (Association for Advancement of Creative Musicians)

Fondée par le pianiste Muhal Richard Abrams, cette association basée à Chicago entendait reprendre en main l'éducation musicale des jeunes issus de la communauté afro-américaine (leur éducation musicale jugée alors à l'abandon). La musique y sera tournée vers le free jazz et le jazz expérimental (utilisant des modes d'écriture issus de la musique contemporaine : polytonalité, atonalité, sérialisme...). L'association en 2018 existe toujours et jouit d'une notoriété internationale.


L'emprunte africaine

Le titre Say It Loud, I'm black and I'm proud (dites le fort, je suis noir et je suis fier) de James Brown sorti en 1968 va (re)souder la communauté afro-américaine et fédérer un véritable regain de fierté de cette communauté. Les références et liens à l'Afrique vont alors se multiplier.

    - ART ENSEMBLE OF CHICAGO

   

    - JULIUS HEMPHILL


Côté Européen

    -L'improvisation libre

L'improvisation libre (instant music en anglais) va réunir la/les pratique(s) d'une série de musiciens qui au gré des rencontres vont jouer une musique en totale improvisation (sans codes prédéfinis, ni préparation ni répétition), privilégiant le concert à l'enregistrement studio. L'improvisation libre est considérée comme une branche du free jazz, les deux appellations tendent à se mélanger.

   

   -Le label FMP

Né de la volonté de garder une indépendance artistique face aux grosses maisons de disques, le label FMP (Free Music Production) est fondé en 1969 à Berlin par Jost Gebers, Peter Brötzmann, Peter Kowald et Alexander Von Schlippenbach. Le label va enregistrer et produire tout une série de musiciens jazz (principalement basés en Allemagne, Bénélux et Angleterre). Il constitue un patrimoine enregistré important de la mouvance jazz et musiques improvisées en Europe des années 70 et 80.


Jazz core

Le jazz core allie l'énergie de souffleurs (souvent influencés par le free jazz) aux rythmiques binaires lourdes et massives du rock. Il s'agit dans la majeure partie des cas de trio saxophone/basse/batterie.


Playlist réalisée par Bertrand Backeland (conseiller jazz PointCulture).

Image de la bannière : peinture de Jackson Pollock "number one" 1949.