Gand au cinéma
Sommaire
Hoppla ! (Wolfgang Kolb, 1988)
Tourné dans la bibliothèque de l’Université de Gand, conçue par l’architecte belge Henry van de Velde (1863-1957), le film de Wolfgang Kolb reprend deux chorégraphies d’Anne Teresa De Keersmaeker, créées sur des musiques de Béla Bartók : Mikrokosmos et le Quatuor à cordes n°4.
Si le décor de l’espace de lecture est dépouillé, voire austère – uniquement composé de lignes droites – il sert totalement les chorégraphies, elles aussi minimalistes, et souligne discrètement les mouvements des corps. Dans un processus de recréation de l’œuvre, la caméra scrute les interactions qui se créent entre les danseurs et les musiciens présents dans la salle: aux deux pianistes de Mikrokosmos, répondent deux danseurs, tandis que quatre danseuses dialoguent avec les instrumentistes du Mondriaan Quartet. [MR]
Kruiswegstraat 6 / 6 rue du Calvaire (Jean Daskalidès, 1973)
Arrivé de France à la demande d’Octave Verbrugge, influent entrepreneur gantois, afin de résoudre un problème de construction, Hugo est logé chez ce dernier, dans une ancienne demeure bourgeoise où il vit aux côté de ses mystérieuses sœurs, Aurélie et Françoise. Mais bientôt la romance naissante du Français et de Françoise tourne court quand secret de famille et meurtres à l’arme blanche se conjuguent dans une spirale infernale qui perturbe la tranquillité d’une cité provinciale pas si tranquille, qui travaille à son avenir (le chantier en question est un tronçon autoroutier) dans un cadre historique (légèrement) décati (la pollution se voit sur ses façades), et alors pleinement soumis aux diktats de la voiture reine ! [YH]
Turquaze (Kadir
Balci, 2010)
Un cinéaste issu de la Kask, école gantoise du cinéma, adapte une trame connue (Roméo et Juliette, West Side Story, Pierre et Djemilla, etc.) aux communautés turque et flamande de Gand. Entre Küçükkoy (quartier d’Istanbul) et le Rabot (quartier de Gand), il raconte l’histoire d’amour entre Timur, un jeune gardien de musée (incarné par son frère Burak Balci, le personnage travaille dans la salle du Musée des Beaux Arts de Gand où est exposé L’Espagnol à Paris de Henri Evenepoel) et Sarah, jeune employée d’une agence de voyage (Charlotte Vandermeersch). Plutôt bien filmé (par Ruben Impens, le chef-op’ attitré de Felix Van Groeningen), le film évite les ornières du « feel good movie » pour se focaliser sur un moment particulier de l’histoire de Timur et Sarah (la première année de leur relation était laissée hors du film) où le pacte trouble entre l’indicible, le secret et l’hypocrisie se heurte à la nécessité d’une forme de « coming out »… Dressant au passage une série de beaux portraits féminins (la mère et la belle-sœur de Timur), le film cristallise aussi certains éléments de la tension latente dans des formes socialement connotées de musique : concert classique dans l’abbaye De Bijloke, fanfare populaire dans un quartier à la population changeante… [PD]
Belgica (Felix Van Groeningen, 2016)
Deux frères aussi différents que complémentaires décident d’ouvrir un bar branché dans la ville de Gand, le Belgica. Sans être biographique, Belgica est sans doute le film le plus personnel de Felix van Groeningen qui puise son inspiration dans sa jeunesse gantoise. Le bar en question s’inspire d’un lieu célèbre de Gand (Le Charlatan) où le réalisateur et ses amis avaient leurs habitudes. Et pour rajouter encore une petite touche locale, la musique du film a été composée par le groupe électro-pop Soulwax qui provient également de Gand. [MA]
Rabot (Christina Vandekerkhove, 2017)
Situées dans le quartier du Rabot à Gand, trois tours de logements sociaux promises à la destruction sont le sujet de ce documentaire d’une facture très esthétique. Alors que le relogement des locataires est programmé, quelques-uns parmi ceux-ci se sont laissé filmer dans leur activité quotidienne. Au cœur de la journée, la nourriture, constitue, avec la bière, les cigarettes et les écrans de télévision, l’unité substantielle d’un style fondé sur le plan séquence. La qualité de la photographie confirme un dispositif visant à convoquer l’imaginaire du spectateur. Le propos s’appuie entièrement sur les images, à tel point que les paroles prononcées portent elles aussi un élément visuel. Une esthétique profondément réfléchie par laquelle la décrépitude s’impose sans violence, sans cri, sans la consolation d’une feinte révolte. [CDP]
Article plus long sur le film :
Coup de foudre à Moscow Belgium (Christophe van Rompaey, 2008)
Dans les faubourgs populaires gantois, l’existence de Matty, une mère de 41 ans, va être bouleversée suite à un banal accident de voiture. Si cette comédie romantique n’est pas à proprement parler un film sur ce quartier ouvrier de Gand (qui tient son nom de la forte proportion d’immigrés russes qui s’y sont installés), la ville a pourtant toute son importance. Ainsi les acteurs sont tous issus de Gand et n’ont donc aucun problème à parler le dialecte gantois, ce qui donne au récit un supplément d’authenticité. (MA)
Une des capitales mondiales du cinéma expérimental
Pour des raisons qu’on ignore (même si elles ont sans doute à la fois à voir avec le hasard, la conjonction des bonnes personnes et des bonnes structures pour les suivre et les soutenir dans la durée) Gand est – via deux initiatives, Courtisane et Art Cinema OFFoff - une des capitales mondiales au niveau de la projection du cinéma expérimental (au sens large).
Surtout connue pour son festival printanier annuel organisé depuis 2002, sous-titré « Notes on Cinema », Courtisane est une plateforme de diffusion de films et de vidéos qui assume « une mosaïque kaléidoscopique de styles, de supports, de gestes, de langages et d’émotions » et qui – également tout au long de l’année, hors du festival ; parfois aussi ailleurs qu’à Gand – accorde une attention toute particulière à la question politique et à l’idée de résistance dans le champ du cinéma. Art Cinema OFFoff est une autre structure de réflexion et de projection d’œuvres audiovisuelles libres et aventureuses d’hier et d’aujourd’hui, ne rentrant pas dans les carcans habituels du cinéma narratif mainstream et art-et-essai. Sa programmation régulière (souvent plusieurs séances par mois) concerne à la fois l’écran de son propre lieu du Klein Begijnhof que ceux d’autres lieux de la ville (cinéma Sphinx, Herbert Foundation, Nest, projections en plein air, etc.). Les deux initiatives n’hésitent pas à également interroger les liens de la création audiovisuelle avec d’autres formes d’expression comme les arts plastiques ou la musique. [PD]
Le festival Courtisane 2018 (avec Wang Bing, Robert Beavers, Miërien Coppens, Marta Mateus, Ute Aurand, Mani Kaul, Joe McPhee, Joshua Abrams, etc.) a lieu à Gand du 28 mars au 1er avril.
Bande annonce du festival Courtisane 2017 :
Et en bonus, un studio gantois de jeux vidéo :
Larian Studios
Basé à Gand, Larian Studios a été créé en 1996 par Swen Vincke. Au départ, les moyens sont modestes – en tous cas en comparaison de concurrents comme Blizzard ou Bethesda – mais le jeu de rôle Divine Divinity, lancé en 2002 est un succès critique. Cette reconnaissance pousse le studio à lancer un financement participatif pour mettre sur les rails la suite, Divinity Original Sin. C'est un triomphe : 400.000 dollars étaient prévus, 940.000 dollars ont été collectés et plus de 500.000 exemplaires du jeu sont écoulés en moins de trois mois. En 2017, la série se complète avec Divinity Original Sin II, nommé au Game Awards dans la catégorie Jeux de rôle. (TM)
Une playlist de PointCulture
coordonnée par Anne-Sophie De Sutter
et réalisée par Michaël Avenia, Marc Roesems, Yannick Hustache, Catherine De Poortere, Thierry Moutoy et Philippe Delvosalle.
Photo de bannière: Hoppla! de Wolfgang Kolb, film de danse tourné dans la bibliothèque de l'université