L’immigration italienne en Belgique et en Europe
Sommaire
Régis Cael : L’épopée du charbon, vol.1. L’épopée du charbon en Lorraine (2000)
Cette série aborde différents aspects de l’histoire des mines de charbon et de la vie quotidienne de leurs travailleurs en Lorraine. Après la Deuxième Guerre mondiale, la demande croissante en charbon exige toujours plus de main-d’œuvre. Allemands, Italiens, Polonais ou Marocains descendent dans les entrailles de la terre de Moselle pour en extraire le charbon. De facture classique, le film est structuré en six épisodes d’une trentaine de minutes, puisant dans des images d’archives et des témoignages récents. Il se révèle donc être un outil idéal en vue d’une exploitation pédagogique (fin de primaire, secondaire). L’épisode le plus original est sans conteste celui consacré à l’immigration, dont la trame narrative est scandée par les rythmes des chansons évoquant les souvenirs des anciens mineurs réunis à l’occasion d’une fête traditionnelle. Ici, point de nationalités, seule subsiste la célébration de la solidarité face à un travail harassant et dangereux, les luttes contre les conditions de travail dégradantes. (MB)
Laurent Dehossay : 1000 Jours dans l’Histoire : L'immigration italienne ne démarre pas en 1946 (01/08/17) - pas en collection
Un podcast à mettre entre toutes les mains ! En effet, il tord le cou à de nombreuses idées reçues sur l’histoire de l’immigration italienne en Belgique. Pour cela, rien de mieux qu’un voyage dans le temps en compagnie du journaliste de la Première Laurent Dehossay et de l’historienne Anne Morelli ! Nous l’ignorons souvent, mais il existait déjà une communauté italienne en Belgique avant la Première Guerre mondiale. À l’époque, ce sont des gens qui exercent des petits métiers. À Bruxelles, on les retrouve essentiellement dans le quartier Botanique. Ils sont extrêmement pauvres et ont la réputation d’être des anarchistes. Après la Seconde Guerre mondiale, en 1946, l’Italie et la Belgique signent un accord dans lequel les deux pays s’engagent à échanger du charbon contre des mineurs. Des milliers d’Italiens, après avoir répondu à un certain nombre de critères et satisfait à des examens médicaux très stricts, arrivent pour travailler dans les charbonnages belges. L’arrivée dans ces contrées brumeuses n’est pas aussi idyllique que prévue : l’accueil est aussi glacial que le temps, les logements insalubres, le travail pénible.... (MB)
https://auvio.rtbf.be/media/1000-jours-dans-l-histoire-1000-jours-dans-l-histoire-2335807
Véronique Mériadec : Un siècle d’intégration (2004)
Tout l’intérêt de ce film est de se pencher sur l’histoire de l’immigration en France par le prisme du vécu de familles issues de différentes communautés (Portugal, Kabylie, Italie, Turquie). Certes, les raisons de leur migration sont propres à chaque communauté, mais leur désir d’une vie meilleure leur est commun. Le cas de la famille italienne est très représentatif. Originaire d’un petit village pauvre du Piémont, le père est venu clandestinement à pied à travers les montagnes pour rejoindre la France où il exercera plusieurs petits métiers. Viscéralement attachés à la France, à qui ils disent devoir tout, ces immigrés italiens ont éduqué leurs enfants dans un souci d’ascension sociale et d’adaptation à leur patrie d’adoption, sans pour autant rejeter leur identité italienne (importance de la famille, des fêtes, de la cuisine partagée…). En introduction, une courte séquence d’archives résume l’histoire de l’immigration de chaque communauté, ce qui en fait un outil à exploitation pédagogique pertinent. (MB)
Frédéric Geilfus, Lucien Deroisy : Brevet pour le fond. La vie quotidienne dans les mines de Wallonie (1954-1959)
Ce film est un programme regroupant quatre films documentaires réalisés par la Sofidoc, en coproduction avec les Charbonnages de Monceau-Fontaine, le plus important bassin minier de l'arrondissement de Charleroi, à la fin des années cinquante. Les mineurs jouent ici leur propre rôle et sont mis en situation. Il s’agit donc d’une vision idéalisée de la vie à la mine, dont l’objectif est de montrer que tout est pensé pour assurer une sécurité optimale dans les charbonnages, de convaincre les mineurs de suivre des cours de qualification (formations aux nouvelles techniques de creusement des galeries et d’extraction du charbon), mais aussi – et surtout - que tout est mis en place pour accueillir dans les meilleures conditions la main-d’œuvre venue de l’étranger. L’esthétique y est forcément travaillée, le processus narratif n’échappe pas aux codes du film de propagande. Et le paternalisme est omniprésent : « J’ai bien cru que tu n’y arriverais jamais ! » dit un ingénieur carolo lors de la remise de son brevet à un mineur italien… (MB)
Ensemble Ballades : Mémoires d’Italiens – Canto dell’Immigrante (2008)
Présenté sous forme de spectacle par la compagnie Ballade, l'opus Mémoire d'Italiens, Canto dell'Immigrante rassemble des chants d'exil, des chants de travail, ainsi que des chansons populaires italiennes. Il a été édité sous forme de livre-disque (longbox comprenant un magnifique livret de 40 pages, en couleurs), produit par Ballades, et est sorti chez Arion en avril 2009 en édition limitée. Au chant, Catherine Catella, de culture française et italienne, y aborde les questions de l'exil et de l'interculturalité. Ses domaines de prédilection se refléteront dans d’autres créations musicales, mais aussi cinématographiques. En 2014, elle coréalise le remarquable documentaire Un paese di Calabria sur la commune de Riace en Calabre, ce petit village endormi qui va se transformer avec l'arrivée et l'accueil de deux cents réfugiés kurdes, comme un écho à son histoire familiale et à celle de tous les travailleurs immigrés italiens en France. (MB)
Graindelavoix & Björn Schmelzer : Muntagna Nera (2012)
Muntagna Nera était un groupe de chanteurs amateurs originaire de Genk (autrefois composé principalement de mineurs) et qui a été sur le devant de la scène entre 1978 et 1983. Björn Schmelzer, du collectif d’artistes Graindelavoix, a permis aux différents membres de se retrouver pour un disque de chansons populaires italiennes dans la veine de la Nuova Compagnia di Canto Popolare. Le disque, réalisé par ce partenariat et distribué par EMI Europe, atteint le sommet du Top 30 des albums de musique classique les mieux vendus en Flandre. Cette collection de chansons populaires siciliennes, de café chantant napolitain et de polyphonie sarde est chantée par des migrants d'origine italienne ; Graindelavoix a pris en charge l'accompagnement instrumental, réalisé par des luths et des guitares rythmiques. Livret en plusieurs langues, dont le français. (MB)
Casi - Bella ciao : Amarcord d’emigrazione (1996)
Sur ce recueil de chansons racontant l’émigration, réinterprétées par la chorale « Bella Ciao », Marcinelle fait figure de titre tristement célèbre dans notre histoire minière. La chanson évoque l’explosion de grisou qui se produisit en août 1956 au Bois du Cazier, puits Saint-Charles de Marcinelle (près de Charleroi), tuant 262 mineurs dans la mine de charbon ; parmi ceux-ci, 136 étaient italiens. La chanson Marcinelle clôt le premier album. Cette position dans l’ordre des chansons est symbolique, car elle évoque un épisode fondateur pour la formation de cette culture et de cette conscience commune d’immigré italien. L’ensemble des musiques de l’album est issu des traditions populaires, mais les textes ont été réécrits par des jeunes bruxellois issus de la deuxième génération pour transmettre leur vécu, leurs espoirs, leurs incompréhensions. La volonté des auteurs « n’est pas de faire du beau », mais bien « de faire du vrai ». (MB)
« Morts de Marcinelle, cette fosse n’est plus une tombe, mais un emblème. Mineur, camarade, notre histoire, ta mémoire la fait conscience. »
Fernand Melgar : Album de famille (1993)
À l’instar de la Belgique, la Suisse connaît après-guerre un essor économique sans précédent. Elle va donc faire appel à de la main-d'œuvre étrangère, principalement dans le sud de l'Europe. Ce film retrace l’histoire de l'émigration d'une famille espagnole venue s'établir en Suisse dans l'espoir d’une vie meilleure, mais pas n’importe laquelle : celle du réalisateur. S’instaure alors un échange entre les parents et le fils, entre ceux qui ont dû se battre pour se faire accepter et la génération des « nés sur place ». Une narration nuancée, sans jamais verser dans l’écueil du pathos, passant sans cesse de l’intime (photos personnelles) au collectif (films d’actualité). Malgré des moments heureux, pour les parents du réalisateur, le bilan va s’avérer amer (solitude, mépris) et 27 ans après leur arrivée, leur décision de retourner en Espagne est sans appel. À travers ce récit universel sur les questions de mémoire et d’identité (omniprésentes dans la filmographie de Melgar), cette famille immigrée nous interpelle sur notre capacité à accueillir l’altérité. (MB)
Paul Meyer : Déjà s'envole la fleur maigre (1960)
Au départ d’une commande de l’Etat belge qui voulait mettre en avant les aspects positifs de sa politique d’immigration, Paul Meyer réalisa une œuvre saluée par ses pairs et la critique cinématographique internationale, mais le film demeurera invisible des décennies durant. Tourné en noir et blanc et dans une veine poétique (y compris dans les voix et dialogues « très écrits ») et quasi documentaire, Déjà s'envole la fleur maigre débute par l’arrivée en gare d’une famille italienne rejoignant le père, (ex) mineur, habitant un quartier ouvrier de Quaregnon, dans un Borinage déjà frappé par les fermetures de mines. Alors que des anciens parlent de retour au pays, les gamins apprennent que l’école est encore le meilleur endroit pour se faire des copains, même s’ils ne parlent pas ta langue. Par ailleurs, même si le boulot se fait rare et les promesses d’un avenir radieux remises à plus tard, c’est bien dans le jeu (la descente de terrils en traineau improvisée par des enfants) et la fête (une kermesse triste en début de récit, enjouée à la fin) où Italiens, Polonais, Belges francophones (et flamands) dansent et boivent ensemble que se cimente une société solidaire. (YH)
Jorge Amat : 1968 Soulèvements Ciao "Bella Ciao" (1998)
En 1997 – un an avant la réalisation de ce documentaire – le philosophe et (ancien) militant marxiste italien Toni Negri (décédé en 2023) rentre de son propre chef de pratiquement vingt années d’exil en France dans son pays pour y être incarcéré. Un cas symptomatique de ces jeunes sympathisants appartenant à différentes branches de la nébuleuse qu’est alors la gauche radicale, engagés dans un bras de fer avec les institutions de l’État italien à la fin des années 1970 et qui se verront, après l’assassinat du président du conseil Aldo Moro (1978) soumis à une impitoyable répression. Arrestations préventives, enfermements sans jugement, privations diverses et tortures deviennent monnaie courante dans un pays démocratique appartenant à l’Union européenne. Certain.es entrent dans la clandestinité et/ou quittent leur pays pour une France qui ne leur reconnait pas un statut de réfugié politique. Ces « apatrides » y ont refait (plutôt bien) leur vie sans jamais remettre en cause leurs engagements politiques premiers et militent encore et toujours pour une amnistie généralisée. (YH)
Robert Guédiguian : Rouge Midi (1984)
Avec ce film, Robert Guédiguian suit le parcours sur près de soixante années et trois générations d’une famille immigrée et de leurs proches à l’Estaque, ce quartier périphérique nord de Marseille. Depuis l’arrivée dans les années 1920 d’une famille de paysans italiens, jusqu’au départ définitif du dernier représentant de la dynastie (l’arrière-petit fils) vers 1975, et avec comme fil rouge la figure de Maggiorina (Ariane Ascaride). Dans un style sobre et « kaurismakien », Guédiguian filme une histoire d’intégration lente et tendre - mais non idéalisée - que ce soit via la langue (les enfants apprennent rapidement l’idiome local), l’amour (par des mariages), le travail ou la lutte (sociale, syndicale et politique). Sans nostalgie et en écho direct aux évènements majeurs qui ont jalonné le siècle (Front populaire, Seconde Guerre mondiale, Golden Sixties…), le cinéaste nous montre un monde certes révolu, mais où les reliquats de culture italienne se sont naturellement ajoutés aux cinquante nuances de Marseillais. (YH)
Andréa & Antonio Frazzi : Au cœur du brasier (2003)
Le 8 août 1956, le site du charbonnage du bois du Cazier à Marcinelle va se transformer en convoi souterrain vers la mort. Un puissant incendie. Une erreur humaine dans une mine qui allait bientôt être abandonnée. Elle ne méritait pas d’investissements supplémentaires selon les propriétaires.
Il faudra plusieurs mois afin d’extraire et de remonter les 262 corps des galeries tentaculaires. Tutti Cadaveri. Au cœur du brasier, production italo-belge, (les deux nationalités les plus impactées par la tragédie) retrace le parcours de ces êtres humains quittant leur Italie natale par peur, par amour, par chagrin. Mais aussi et surtout avec l’espoir de pouvoir tirer profit des avantages promis par l’accord charbon signé entre les deux pays juste après la Deuxième Guerre mondiale. Le heurt des rails, les kilomètres qui les séparent des entrailles de la terre s’amenuisent. De belles promesses, soleil trompeur camouflant des pénibles conditions de travail et pour certains, la mort. (StS)
Claude Barzotti : « Le rital » (1983)
Quand ‘Claude Francesco’ Barzotti était petit, il n’avait pas beaucoup d’amis à l’école. Il aurait voulu s’appeler autrement. Il souhaitait aussi avoir une autre apparence physique. Des yeux plus clairs, une autre couleur de peau. Il en voulait à son père. Pourquoi ? Car celui-ci était un immigré italien. Un réfugié. Un rital. Il esquisse dans cette chanson la gêne de ses racines étant enfant. Mais au fur et à mesure qu’il grandit et que la voix prend confiance, cette honte se transforme peu à peu en fierté, en honneur. Les symboles qui font la richesse de l’Italie (même si ceux-ci sont remplis de clichés et de raccourcis dans les paroles) façonnent sa personnalité. Une reconnaissance s’installe entre les deux contrées. Même s’il est rital et qu’il le reste, dans ses colères et dans ses prières, les saisons belges sont aussi devenues les siennes. Quand la chanson de variété devient un hymne à la diaspora italienne. (StS)
Mélanie De Biasio : Il viaggio (2023)
En 2021, le festival Europalia collabore avec Mélanie De Biasio sur le thème du train et de l’immigration. Elle s’approprie les deux sujets, les enlace. L’ombre se façonne. La vapeur du souvenir reprend forme, comme celle du train qui part du sud de son Italie natale en direction de nouveaux horizons. L’inconnue d’une nouvelle vie que l’on appréhende avec angoisse, crainte et espoir. Le bruit des rails souffle dans l’oreille. La sonorité se fait entendre lentement, comme une confidence. Des mots grésillent aussi. Les paroles de l’interprète à l’intérieur d’une chronique contemplative du passé. Une invitation intime où l’on s’enfonce, où l’on tente de transformer les sons en images. C’est un travail de mémoire à transmettre de génération en génération. Et c’est également une immersion dans l’univers confidentiel de l’artiste, une quête existentielle. L’ensemble des morceaux forme un carnet de voyage mental. Une préparation à un voyage, Il viaggio. (StS)
Alain Ughetto : Interdit aux chiens et aux italiens (2022)
Par ce long métrage hybride – entre animation et prises de vues réelles – Alain Ughetto relate la trajectoire de ses grands-parents, de leur déracinement à la fin du XIXème siècle, jusqu’à leur naturalisation par un Etat français peu regardant sur l’origine de ses conscrits à l’aube de la Seconde Guerre mondiale. Un parti pris de réalisation qui permet, en sus du ton humoristique, d’une part de s’affranchir de l’emploi d’images d’archives, d’autre part d’opérer la distanciation nécessaire à la retranscription d’une histoire dont on oublie parfois le caractère tragique. De la même façon que, dans une veine surréaliste, les arbres se voient figurés par des brocolis, le film s’amuse du libellé d’un écriteau placardé à la porte d’un café dans la France d’entre-deux-guerres : « Interdit aux chiens et aux italiens ». Ironie suprême pour des individus qui fuient le fascisme de retrouver, sur cette terre d’accueil, une xénophobie non moins décomplexée, alors même que l’ouvrier italien, comble du cynisme, est particulièrement recherché par le patronat pour sa… flexibilité, dirait-on aujourd’hui. (SD)
Donato Rotunno : Terra Mia Terra Nostra (2012)
Pour ce film documentaire, Donato Rotunno arbore à la fois les deux casquettes de cinéaste et d’intervenant. S’il est vrai qu’il est à la baguette, notamment en allant à la rencontre des individus qu’il entend faire parler, sa propre quête d’identité est également au cœur de Terra Mia Terra Nostra. En tant que fils d’immigrés arrivés jadis au Grand-Duché de Luxembourg en provenance du village de Montemilone, l’homme ne se sent ni tout à fait italien, ni exactement luxembourgeois. En filmant des tableaux – sortes de compositions où ses sujets posent devant des décors significatifs – Donato Rotunno contribue à figer cet instant charnière où tout ce qui faisait l’essence de ce minuscule bourg de Basilicate, région méridionale d’Italie, se délite doucement mais sûrement. Alors que les jeunes locaux tendent à partir pour la capitale, les anciens y ayant encore l’une ou l’autre propriété se résignent à vendre pour passer leurs vieux jours au contact de leur descendance, désormais luxembourgeoise jusque sur son passeport. (SD)
https://pointculture.filmfriend.be/fr/movies/terra-mia-terra-nostra
Stijn Coninx : Marina (2013)
Ce biopic belge couvre près d’une décennie du parcours de Rocco Granata, chanteur-compositeur et accordéoniste italien, depuis son émigration à la fin des années ’40 en Belgique jusqu’au succès international de son titre phare, intitulé « Marina ». Signé par Stijn Coninx, le film ménage une ellipse commode entre l’enfance et l’âge adulte de la personnalité qu’il entend cerner, et bien qu’il opère une incise sur le racisme dont est victime le jeune garçon à son arrivée dans le charbonnage flamand, l’écriture se concentre pour l’essentiel sur une version déjà mûre du musicien en devenir. Partant de là, le cinéaste déroule la thématique centrale de la réalisation, à savoir le sacrifice d’une génération pour la suivante, la mise en scène de la relation orageuse entre Rocco et son père mineur rendant cela tangible. Dans un contexte de déterminisme social exacerbé auquel la majorité des enfants d’immigrés n’ont pu se soustraire, le personnage de Rocco Granata devient ici le symbole d’un libre-arbitre qui n’a pas vocation à être représentatif des réalités du lieu et de l’époque. (SD)
Plusieurs cinéastes : Les Mines (1911-1980)
Ce livre-DVD édité par la Cinematek compile et met en perspective 14 courts métrages (documentaires, films d’entreprise, fictions, etc.) sur les charbonnages belges. L’immigration italienne (mais aussi espagnole, polonaise, turque, etc.) est y évidemment présente explicitement ou en filigrane. On retiendra p.ex. Tragédie à Marcinelle (8’) : une actualité cinématographique sur la catastrophe du 8 août 1956 au Bois du Cazier qui passait à l’époque dans les cinémas en Belgique. Très bien filmée mais n’échappant pas à un commentaire empreint d’emphase, le sujet aborde tant les premiers secours que les funérailles nationales des 6 premières victimes (« … les cercueils contenant les restes de trois Italiens, deux Belges et un Polonais »). Au total, sur les 262 victimes, 136 étaient italiennes (dont 29 originaires de deux villages voisins des Abruzzes) et ce très lourd tribut mit à mal les relations diplomatiques entre l’Italie et la Belgique. Cela mit fin à « l’accord charbon » (d’échange de main d’œuvre entre les deux pays) signé en 1946. (PD)
Armand et Stéphane Gatti, Hélène Châtelain et les ouvriers de Montbéliard : Le Lion, sa cage et ses ailes – Montbéliard est un verre – film italien (1975-1977)
Né en 1924 à Monaco d’un père éboueur anarchiste et d’une mère femme de ménage, tous les deux originaires d’Italie, le poète et dramaturge engagé Armand Gatti tourne au milieu des années 1970 – accompagné de son fils Stéphane et de l’actrice et cinéaste etterbeekoise Hélène Châtelain – une série de films en vidéo avec les ouvriers immigrés des usines Peugeot à Montbéliard. « Imaginez un film dont la perspective ne consiste pas à assigner des identités et à confirmer des découpages sociaux, mais à affirmer des singularités : opinions, croyances, sentiments, présences à soi-même et aux autres. » (Nicole Brenez). Parmi ces huit épisodes très organiques et libres dans leur forme, l’un est plus particulièrement consacré à la communauté des immigrés italiens (d’autres volets sont consacrés aux Polonais, Marocains, Espagnols, Géorgiens et Yougoslaves de la ville). Abordant d’emblée les différences – voire les tensions ou le quasi-racisme – entre Italiens du Nord et Italiens du Sud, le film évoque la nourriture, le rapport aux femmes, la question de l’italianité, la musique, le travail, l’occupation de l’espace urbain, la politique… Il contient aussi en lui-même les traces de sa fabrication compliquée, des tensions ayant émaillé sa réalisation. (PD)
Franco Brusati : Pain et chocolat [Pane e cioccolata] (1974)
D’un emploi relativement correct dans un restaurant de luxe (qu’il perdra pour avoir uriné en plein air), à la survie au milieu d’un groupe de clandestins dans un élevage de poules qu’ils doivent plumer et tuer, Franco Brusati nous fait suivre le parcours compliqué de l’émigré Nino (incarné par Nino Manfredi) en Suisse… Un tel sujet, relevant plutôt du drame, peut-il être abordé via la comédie ? C’est le pari que tentent – globalement avec succès – le réalisateur et sa coscénariste Jaja Fiastri. La « comédie à l’italienne » a été un genre florissant du cinéma italien dès les années 1950. Les années 1970 marquent son chant du cygne : le filon s’épuise… Mais quelques dernières œuvres importantes, abordant par l’humour une série de sujets sociaux (le boom économique du pays, la morale catholique souvent hypocrite, la corruption, les bidonvilles… ou l’immigration) sont passées au filtre d’un humour de plus en plus caustique. Au-delà des éléments purement économiques et de l’opposition riches-pauvres, Pain et chocolat convoque aussi les ressorts d’une série de contrastes entre une Suisse propre mais ennuyante (Nino dit avoir l’impression d’y vivre « dans un cimetière ») et d’une Italie peut-être plus sale et désordonnée mais beaucoup plus vivante… (PD)
Sonia Pastecchia : Champ sacré / Campo sacro (2007)
Au tout début de ce film tourné par la cinéaste belge d’origine italienne, des enfants et des adultes dévalent joyeusement la pente d’un terril (hommage à Déjà s’envole la fleur maigre de Paul Meyer ?) avant de poser pour une photo de famille dans ce même paysage minier liégeois. Une femme (la cinéaste) sort du groupe, des enfants courent jouer et la caméra qui les suit entame un panoramique qui, 360° plus loin, revenu dans son axe de départ, filme cette fois un groupe plus large, une communauté d’exilés italiens qui, dans leur langue d’origine ou dans le français de leur pays d’accueil, disent leur nom, leur âge, leur date d’arrivée en Belgique, leur village d’origine. Cut ! Suit un plan paysager similaire sur les collines autour d’Esanatoglia, le village d’origine de la grand-mère de la cinéaste. Paysages, mouvements de caméra, bouts de vies humaines : tout le film à venir est déjà annoncé dans ces cinq premières minutes. Refaisant le trajet en train de ses parents immigrés en sens inverse, la cinéaste part « retrouver ce territoire devenu à son tour une terre d’accueil d’où s’élève le récit de nouveaux arrivants » (équatoriens, argentins, macédoniens, ukrainiens, etc.) (PD)
https://laplateforme.be/search?term=champ%20sacr%C3%A9
Image de bannière : L’arrivée d’une famille italienne en gare de Vivegnis, près de Liège (1956) © Photographie, Musée de la Vie wallonne.
Une médiagraphie réalisée par Manu Bollen, Philippe Delvosalle, Simon Delwart, Yannick Hustache, Stanis Starzinski.
En collaboration avec le Delta et la Bibliothèque de Beauraing
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