Kinshasa au cinéma
Sommaire
Félicité (Alain Gomis, 2017)
Dans le dernier film du réalisateur franco-sénégalais de L’Afrance, Alain Gomis, il y a d’abord la longue et secouante scène d’ouverture : une séquence de musique – et de beuverie – dans un bar de nuit de Kinshasa. Quelques musiciens et quelques buveurs et auditeurs sous un auvent dans la nuit ; la fumée des cigarettes, les vapeurs de l’alcool… puis la puissance – lancinante, entrainante et bouleversante – de la musique. Vero Tshanda Beya Mputu joue la chanteuse, le Kasai All Stars (« traditionnels et modernes, un mélange de cambouis et de forêt, à l’image de la ville d’aujourdhui » - Gomis) incarne le groupe dans ce portrait de femme et l’électrocardiogramme d’une ville. Entre les bleus, les bruns et les ocres, entre la frénésie, la transe et des moments de contemplation, la directrice de la photo Céline Bozon filme miraculeusement les rues, le bar, l’hôpital, le marché « [d’] une ville extraordinaire, paradoxale, qui réconcilie sans cesse le possible et l’impossible » (Gomis) et la Mère courage qui l’arpente. [PhD]
- film récent, pas encore en DVD, pas encore dans nos collections -
mais la musique du film est déjà disponible :
La Vie est belle (Mwezé Ngangura et Benoît Lamy, 1987)
« Moi aussi un jour, je ferai de la musique électrique » : ainsi s’exprime Kourou, un musicien villageois – joueur de likembé (piano à pouce / sanza) qui ne tardera pas à tenter sa chance à la capitale – au tout début du film. Le personnage principal est incarné par papa Wemba, le célébre co-fondateur du groupe mythique Zaïko Langa Langa. Trente ans avant Félicité, La Vie est belle prend aussi le pouls musical de Kinshasa – mais dans un tout autre registre, celui de la comédie et de la fable picaresque, d’un cinéma volontairement populaire inspiré à la fois des thèmes de la musique congolaise et du maboké, le théâtre populaire. Tournée par Mwezé Ngangura et son professeur Benoit Lamy, la comédie aborde des questions telles que l’exode rural, le décalage entre les modes de vie rural et urbain (et entre musiques traditionnelles et amplifiées), les relations entre maris et épouses, le décalage entre les coups de foudre et l’amour de raison, etc. Le film connu un succès important dans de nombreux pays africains. [PhD]
Kinshasa Symphony (Claus Wischmann et Martin Baer, 2010)
Ce film pose un regard chaleureux sur la façon dont vivent certains
habitants de l’une des villes les plus chaotiques du monde – Kinshasa –
qui ont réussi à créer un des systèmes les plus complexes de coopération
humaine : un orchestre symphonique. Une séquence montre une panne de courant qui intervient quelques mesures
avant l’achèvement du dernier mouvement de L’Hymne à la joie de
Beethoven... Peu importe pour les 200 musiciens du seul orchestre symphonique
du Congo (R.D.C) qui poursuivent leur interprétation… En quinze ans d’existence,
la formation de l’Orchestre symphonique kimbanguiste a survécu à deux coups
d’État et une guerre civile. [MR]
[Sept ans après ce documentaire, on reverra l'Orchestre à l'écran... dans Félicité d'Alain Gomis - cf. ci-dessus]
La Danse de Jupiter (Renaud Barret et Florent de la Tullaye, 2004)
Une plongée dans
les ghettos de Kinshasa, à la rencontre de ses innombrables musiciens qui se
battent pour sortir du néant : rappeurs, bluesmen handicapés, griots, enfants
des rues, inventeurs d'instruments... Tous avec leurs mots, racontent Kinshasa
et ses combines. Leur talent, leur énergie vitale et leur humour face à
l'adversité forcent le respect. Parmi eux, Jupiter Bokondji, leader
charismatique du groupe Okwess International. Personnage à la Don Quichotte, il
nous raconte sa ville et son combat de vingt ans pour faire sortir sa musique
du ghetto. [MR]
voir aussi le long article de Benoit Deuxant sur deux films de Barret et de la Tullaye:
Kinshasa Kids (Marc-Henri Wajnberg, 2013)
Initialement pensé par son réalisateur comme un documentaire, le film a finalement évolué jusqu’à cette forme hybride, un film de fiction avec de vrais moments de vie filmés sur le vif. Kinshasa Kids suit un groupe d’enfants livrés à eux-mêmes dans les rues grouillantes de Kinshasa. Mais à travers ces tranches de quotidien, le film nous fait surtout découvrir cette capitale congolaise rapiécée de toutes parts où le bruit assourdissant des rues côtoie les rires d’enfants et les mélodies pleines de vie des musiciens itinérants. [MA]
Mémoire belge au Congo (Balteau et Lammens, 2005)
Cinq mini-documentaires (et un sixième dans la partie suppléments du DVD), autour de l’épineuse question des relations belgo-congolaises. Deux séquences, en noir et blanc, reviennent sur les principales étapes de la colonisation et les évènements-clés qui ont mené à l’indépendance de 1960. L’état très préoccupant du patrimoine architectural laissé par les coloniaux et celui du délabrement d’un système de santé maintenu à bout de bras par les ONG sont abordés dans deux autres reportages. Enfin, l’action positive de la communauté Wallonie-Bruxelles dans les domaines culturels et social au Congo et le travail réalisé en commun autour pour une expo appelée « confrontation de mémoires » au musée de Tervuren se placent dans une perspective nouvelle d’échanges réciproques. [YH]
une playlist de PointCulture réalisée par Philippe Delvosalle, Marc Roesems, Michaël Avenia et Yannick Hustache.
photo de bannière:
Félicité, Alain Gomis (direction de la photo: Céline Bozon), 2017