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L'artiste, un personnage de roman

L'artiste, un personnage de roman

Artistes au travail

publié le par Françoise Vandenwouwer

Au XIXème siècle le thème de l’art et de l’artiste passionne les écrivains au point que nait un genre de roman, qui sera reconnu en Allemagne où il prend son origine dès le XVIIIème siècle comme Kunstlerroman ou roman de l’artiste.

L’Italie au XIXème siècle est  reconnue comme berceau de la culture et le voyage en Italie est de mise dans les milieux aristocratiques et intellectuels européens et anglo-saxons. Le statut de l’artiste a changé,  jusqu’alors attaché à une cour ou protégé par un mécène, il est maintenant libre, conscient de sa qualité particulière qui va désormais le distancier de la société, ne participant plus directement à son activité, n’étant pas reconnu comme utile à son évolution. Livré à lui-même, au questionnement de son art et de son devenir, il sera souvent représenté dans la tradition romantique allemande comme le vagabond, allant de ville en ville, amoureux de la nature et observant le monde.  Mais le personnage de l’artiste sera le plus souvent cet être tourmenté, conscient de son génie, confronté à la société, en désirant cependant la reconnaissance. Il ne cesse depuis d’intéresser les écrivains dont les questionnements, les tourments, les préoccupations philosophiques quant au sens de la création, atteignent la même intensité que ceux des protagonistes de leurs fictions. Nombre d’écrivains seront aussi critiques d’art et publieront des essais sur le sujet.

Du XIXème à nos jours, voici quelques romans ou récits choisis parmi une abondante floraison d’œuvres relevant de ce type de fiction.

Roderick Hudson (1875) - Henry James

Un jeune-homme fortuné s’apprête à partir pour l’Europe lorsqu’il fait la connaissance d’un jeune sculpteur, Roderick Hudson, dont le talent l’émeut au point qu’il lui propose de l’accompagner pour découvrir Rome et y séjourner le temps de réaliser pour lui une série de statues. Le jeune artiste réalise rapidement une première œuvre très admirée mais ne peut s’accorder à ce qu’on attend de lui. Confronté à son caractère, aux caprices de l’inspiration, aux relations avec les autres, il ne parviendra pas à s’élever à la hauteur de son idée de l’art. Ma statue me paraît si laide, quand j’entre dans mon atelier, que j’ai bien des fois envie de la briser sur le champ, et je perds trois ou quatre heures assis-là, à broyer du noir et à m’habituer à elle. Henry James analyse la relation mécène-artiste et les tourments de l’inspiration, de la confrontation de la nature libre et ambitieuse de son personnage avec les autres artistes et la société qui l’entoure.

L’œuvre (1886) – Emile Zola

l'oeuvre - zola

L’art occupa une place importante dans la vie et l’œuvre romanesque d’Emile Zola qui fut aussi un critique d’art avisé. Ami de nombreux artistes, il fréquentait les ateliers et l’expérience de ces rencontres fécondes en observation du travail de l’artiste et en réflexions sur l’art doublée de sa propre expérience d’écrivain, inspirèrent la rédaction de l’Œuvre. Deux amis, le peintre Claude Lantier et l’écrivain Pierre Sandoz en sont les personnages principaux. Ils travaillent avec acharnement, discutent passionnément de leur art, d’une vision idéale de l’œuvre et de leurs projets. Zola cerne le travail de l’artiste, l’obsession de son art et du chef-d’œuvre. Malgré la qualité de son travail, Claude, le peintre, se mesure sans cesse à lui-même, se juge impuissant à réussir, et se heurte au refus de ses œuvres auprès des marchands de tableaux et au Salon. Zola cerne aussi le monde de l’art d’une époque, celle des salons officiels et celle de l’avant-garde des peintres impressionnistes. L’Œuvre est un des plus beaux romans sur le travail de l’artiste.

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L'artiste Pejac (street art) à l'oeuvre

http://www.2tout2rien.fr/le-street-art-poetique-de-pejac/

Le portrait de Dorian Gray (1890) – Oscar Wilde

C’était assurément une merveilleuse œuvre d’art, un portrait d’une ressemblance extraordinaire. On ne peut lorsque l’on évoque des romans d’artiste, ignorer ce célèbre livre d’Oscar Wilde qui fut aussi critique d’art.  Le caractère fantastique de l’histoire est prétexte à une profonde réflexion sur l’art et l’inspiration de l’artiste mais aussi sur le concept de la beauté qui obsédait l’écrivain. La  tension entre beauté apparente et beauté intérieure, symbolisée par l’histoire tragique de Dorian Gray possédé par l’image de sa propre beauté représentée sur un tableau.

Oreiller d’herbes (1906) -  Sôseki

Je rouvre mon carnet d’esquisses. Ce paysage peut devenir un tableau, il peut devenir un poème. Au cours d’un voyage dans les montagnes, un peintre et poète, marche, médite, observe la nature. L’artiste s’arrête dans une auberge et les rencontres nourrissent ses réflexions et son inspiration. Récit philosophique et poétique, Oreillers d’herbes est une méditation sur l’art. Un roman-haïku, d’après son auteur. Ce voyage-ci  n’avait pour but que de me détacher des sentiments banals, pour que je n’existe qu’en tant que peintre, et, par conséquent, tout ce que je vois, je ne dois le voir que comme un tableau.

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Des gens comme les autres (1969) – Alison Lurie

Oscar Wilde écrivait dans Le portrait de Dorian Gray, que les vrais artistes n’existent que dans leurs œuvres et sont, en tant qu’hommes, parfaitement dénués d’intérêt. Dans son roman, Alison Lurie pose son héroïne, auteure de nouvelles, dans une résidence d’artistes, échappant ainsi à la vie familiale qui l’empêche d’écrire. Sous la forme d’un journal intime, la narratrice observe les autres résidents. Entre les réflexions sur l’art, cynisme, prétentions et mesquineries animent les relations entre ces artistes et les pages de ce journal : je ne supporte pas de découvrir que les artistes sont des imposteurs – de penser que toute la philosophie hippie de Gerry, tout le radicalisme politique de Charlie, exprimés avec tant d’éloquence, ne les ont pas empêchés de se mêler à cette démonstration de privilèges.

La tour d’ébène (1974) – John Fowles

Un peintre et critique d’art anglais séjourne pour la rédaction d’une biographie, chez un vieux peintre génial et excentrique, retiré en Bretagne dans un manoir.  L’homme vit en compagnies de deux jeunes artistes,  jouant le rôle d’assistantes. Le vieux peintre commente ses tableaux, le récit est truffé de références à l’histoire de l’art, aux préoccupations de l’époque,  de l’opposition figuratif et abstraction pure.  Une ambiance étrange et sensuelle dans la relation des personnages tous préoccupés par l’art et dominés par le caractère irascible du vieux peintre dont ils respectent  le génie. D’où viennent mes idées, je m’en fous comme d’un pet, m’en suis toujours foutu. Faut laisser venir, c’est tout. Pourrais même pas dire comment ça commence. Pas ça de c’que ça signifie. Veux pas l’savoir.

Novecento : pianiste (1994) – Alessandro Baricco

Il l’était vraiment, le plus grand. Nous on jouait de la musique, lui c’était autre chose. Lui, il jouait… quelque chose qui n’existait pas avant que lui ne se mette à le jouer, okay ? Bébé abandonné dans une boîte, sur un piano de la salle de bal d’un navire, Novecento grandit sur le bateau et sans que personne ne sache comment, devient un pianiste extraordinaire qui joue du jazz s’il en a envie et s’il n’a pas envie, il te joue un truc, c’est comme vingt jazz à la fois. Barrico fut critique musical avant de devenir écrivain. Novecento est un  hommage à la musique, une histoire de musiciens. Le texte a été écrit pour une mise en scène théâtrale et musicale. Il connut ensuite le même succès que tous ses romans et fut adapté au cinéma par Frank Cassenti. http://pointculture.be/album/frank-cassenti-novecento-pianiste_443349/

novecento

Les sept noms du peintre (1997) – Philippe Le Guillou

Cheminement biographique et esthétique d’un peintre imaginaire, c’est l’histoire d’une vie d’artiste accomplie dont les œuvres sont désormais dans des musées, des galeries, chez des collectionneurs. Le dessin, l’éveil de la sensibilité esthétique dès la jeunesse, l’initiation chez un maître flamand à Anvers où il est aussi pensionnaire dans une académie. La première œuvre, un triptyque et puis Paris, le travail dans l’atelier,  le succès, les galeries, le monde de l’art… Le travail, le cheminement de l’inspiration entre les départs, les ruptures, les voyages. Un roman ample entre récit et pages de journal.

Le jour des morts (1998) – Cees Nooteboom

cees nooteboom

Réalisateur de documentaires, un cinéaste hollandais, séjourne à Berlin. Il marche, avec sa caméra il capte des instants, il filmait comme un écrivain prend des notes. Il réfléchit, se souvient d’une visite en compagnie d’un ami sculpteur, dans un musée abritant une collection de tableaux de Caspar David  Friedrich. Il évoque des amis, artistes pour la plupart, peintres, photographes, cinéastes, des rencontres, le projet de rassembler un jour toutes ces images capturées sur pellicule. A Berlin, il passe des heures dans l’atelier de Victor à le regarder travailler, il filme son travail. Et puis un jour, la rencontre d’une femme…  L’immense culture de Cees Nooteboom, son humanité et la qualité de son écriture font de chacun de ses romans un intense moment de lecture.

Un soir au club (2002) – Christian Gailly

La porte libéra une musique sous pression, enragée parce qu’enfermée. Ca aurait pu être de la soupe, c’était Coltrane. Quand on prend ça d’entrée, en pleine figure, ça secoue. Simon fut secoué. Un talentueux pianiste de jazz qui a arrêté de jouer, se retrouve un soir par hasard dans un club où se produit un trio de jeunes musiciens. Une irrésistible envie de retoucher enfin un clavier s’empare de lui. Christian Gailly connait le jazz, le jeu des musiciens, leur complicité dans l’interprétation  et l’on a envie d’être assis au club et d’écouter… Scott relève sa basse, Paul s’installe derrière ses caisses et en professionnels qu’ils étaient, sans la moindre hésitation ils ont sauté dans le train du swing.

un soir au club

http://pointculture.be/album/jean-achache-un-soir-au-club_445793/

Françoise Vandenwouwer

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