La forme courte
Sommaire
- divers musiciens : compilation Miniatures (vol. 1 et 2)
Initiée en 1980 par l'ancien Mott The
Hoople, Morgan Fisher, cette compilation rassemble de nombreux artistes et
groupes à qui il fut demandé de composer des morceaux au format très
court (de moins d’une minute). Andy Partridge du groupe XTC y enregistre
« The History of Rock’n Roll » : un résumé en 20 secondes de 40 ans de musique
rock, via un son ou instrument archétypal pour chaque décennie. Le format court
est ici complètement sublimé par la simplicité du propos. [DM]
- divers réalisateurs : compilation Le Court des grands
Même les plus grands réalisateurs ont emprunté
la voie du court-métrage pour faire leurs armes. Le court des grands compile
les premiers films de douze réalisateurs de renom parmi lesquels Robert
Zemeckis, Lars von Trier, Jane Campion ou encore Roman Polanski. L’occasion de
se plonger dans les prémices d’œuvres souvent exceptionnelles. [MA]
- en musique classique : Anton Webern
Si la musique classique occidentale regorge de miniatures, le champion toute catégorie de l’art condensé est sans conteste Anton Webern. Pour une durée totale d’à peine 5 minutes, les Six Bagatelles pour quatuor à cordes op.9 sont exemplatives de sa période dite « aphoristique » parmi laquelle on compte les œuvres les plus courtes de sa production. Écrites de 1910 à 1912 dans un langage dodécaphonique – dix ans avant que Schönberg ne le théorise –, ces pièces sont d’une concentration extrême. Elles sont construites en moyenne sur moins de dix mesures.
Dédiée à
Alban Berg, la première parution porte la mention « Non multa, sed
multum » (Peu en quantité, mais beaucoup en intensité ». [NR]
- Naked City : Torture Garden
Le saxophoniste-compositeur John Zorn se prête volontiers au jeu de la composition d’interludes et autres morceaux courts. On retrouve de manière récurrente dans sa discographie un nombre important de morceaux dont la durée ne dépasse pas les deux minutes. La compilation Torture Garden, premier opus de son projet Naked City, fait figure d’exception et regroupe quarante-deux morceaux dont aucun ne dépasse la minute. C’est probablement l’influence de la culture japonaise (qu’il admire) et l’envie de mettre en musique l’énergie du haïku, cette forme de poésie japonaise concise et fulgurante, qui le motivera à réaliser ce genre d’expérience bruito-musicale. [BB]
- The Red Krayola : Coconut Hotel
Toujours en activité, Red Krayola, entité musicale aux contours changeants rassemblée autour de son seul membre permanent, Mayo Thompson (1944), peut se targuer aujourd’hui de presque quarante-cinq années d’aventures musicales depuis sa création en 1966 par trois étudiants texans en arts plastiques. Quatre décennies et demie et presque autant de « vies » passées à questionner, de manière radicalement singulière, les marges de la pop – ou du rock.
Décomplexés par leurs écoutes et lectures de John Cage ou la connaissance des expérimentations dans le domaine du jazz des années 1960 , Mayo Thompson, Rick Barthelme et Steve Cunningham vont encore plus loin que sur leurs premiers albums lors des sessions d’enregistrement de Coconut Hotel en abandonnant quasiment le chant – en tout cas intelligible – et carrément toute forme de chanson. La réponse de leur label, International Artists, ne se fait pas attendre : « Niet ! Invendable. » Le disque ne sortira finalement qu’en 1995 au début de la longue et fructueuse collaboration de Red Krayola avec le label Drag City de Chicago. À côté de plus longues pièces lorgnant vers les points de rencontre entre musique contemporaine et musique pour films imaginaires ou entre sonorités d’instruments à cordes non occidentaux et les disques à venir du guitariste anglais Derek Bailey, on peut surtout y entendre trente-six « One-Second Pieces » pour trompette, batterie et piano. Autant de plages de quatre à douze secondes – blanc (silence) compris – interrompues à chaque fois par un éclat, une petite déflagration sonore d’une seconde. [PD]
- Ivor Cultler : Dandruff
Écossais par accident, Ivor Cutler s’est lancé à 42 ans dans une carrière de poésie musicale. Tout chez lui est un mélange du plus grand sérieux et du plus grand comique, du plus tragiquement sombre au plus calmement exalté. Avec son chant monocorde, sa voix traînante, son éternel harmonium un peu poussif, il enchaîne les chansons les plus dépressives (« All i could see was a bubble or two ») aux chansons les plus optimistes (« We have a beautiful cosmos, you and me »), pointant dans les deux cas avec la même méticuleuse exactitude les détails que seul un rêveur minutieux pouvait dénicher. [BD]
- Otomo Yoshihide : The Night Before The Death of The Sampling Virus
En marge de sa carrière à la tête de l’ensemble Ground Zero, Otomo Yoshihide publie en 1993 un disque inclassable, consacré au concept de sampling. En 77 plages courtes (de 00:01 pour la plus courte à 02:15 pour la plus longue), toutes intitulées du nom d’une firme japonaise, il explore son propre univers sonore dans des pièces ouvertes, volontairement inachevées. Le principe du disque est de miser sur la création automatique, en profitant de la lecture aléatoire permise par le format cd. Chaque fragment peut ainsi s’associer à d’autres pour des mutations spontanées, imprévisibles et inattendues. Au-delà du concept, c’est aussi une excellente exposition de la palette sonore de Yoshihide. [BD]
- Chanson : les meilleures sont les plus courtes
Certains chanteurs francophones ont eu, un moment donné, le fantasme d’écrire la chanson la plus courte du monde. D’autres – et c’est souvent les mêmes ! –, ont réalisé toute une collection de chansons courtes qu'ils ont défendues au travers d’un spectacle (sous forme de one-man-show pour la plupart) et/ou de l’enregistrement d’un album. Découvrez notre playlist qui fait la part belle aux pépites de Raymond Devos, François Corbier, Claude Cérat, Gérald Genty, Philippe Katerine, Wally, Pascal Assy, Gérard Delaleau et Daniel Ravier !
Mais déjà, voici deux petits avant-goûts… Tout d’abord, la « Chanson du pompier en train de repeindre un pont » qui ne dure pas plus de 2 secondes et qui est l’œuvre du bon barbu François Corbier, virtuose de la chanson flash, qui vient de nous quitter ce 1er juillet 2018. Paix à son âme !
Michael Avenia, David Mennessier, Nathalie Ronvaux, Bertrand Backeland, Benoit Deuxant, Philippe Delvosalle et Guillaume Duthoit, .