Compte Search Menu

En poursuivant votre navigation sur ce site, vous acceptez l’utilisation de cookies permettant d’améliorer le contenu de notre site, la réalisation de statistiques de visites, le choix de vos préférences et/ou la gestion de votre compte utilisateur. En savoir plus

Accepter
Pointculture_cms | playlist

La Géorgie en musiques et films

Tbilissi.jpg
Située au carrefour de l’Europe et de l’Asie, la Géorgie se démarque par sa langue et son écriture, ainsi que par le chant polyphonique profane et sacré, lié à la religion chrétienne. Il existe également un répertoire de chants urbains, une scène rock et électronique peu connue internationalement, ainsi que des compositeurs et interprètes de musique classique. Cette médiagraphie propose également en six films un premier contact (tributaire de la disponibilité de films géorgiens en DVD) avec le cinéma national, entre francs-tireurs poètes de l’époque soviétique et conteuses et conteurs d’histoires d’une Géorgie capitaliste à nouveau plus ouverte à l’Occident.

Sommaire

MUSIQUE

Drinking horns & gramophones 1902-1914 (2001)

Les musiques traditionnelles qui ont survécu aujourd’hui en Géorgie ont été transmises oralement durant des siècles. Un maillon important dans cette diffusion est la Gramophone Company qui avait au début du 20e siècle une antenne à Tbilissi. Sans relâche, les agents de cette maison de disques ont enregistré en 78 tours les chants et musiques de la capitale ainsi que des de différentes régions du pays, en Gourie, Iméréthie et Kakhétie, gravant ainsi entre 1902 et 1914 un répertoire qui ne connaît pas encore le lissage imposé par le régime communiste et vierge des influences des mélodies occidentales. Ce sont essentiellement des chœurs – ce qui implique malgré tout déjà une certaine modernisation des sons traditionnels – qui interprètent du chant polyphonique pour diverses occasions, des chants de travail, des chants liturgiques et des chants de tablées. Ces morceaux sont souvent improvisés et donnent l’impression d’une certaine dissonance. Un disque important édité par le label américain Traditional Crossroads. (ASDS)

Songs of survival. Traditional music of Georgia (2007)

La Géorgie a connu au fil du temps une vie culturelle très riche, à la croisée des influences entre Orient et Occident. Ce double disque présente des enregistrements de terrain réalisés par Michael Church entre 1999 et 2006 dans toutes les régions du pays. Il propose un panorama de la musique et des chansons traditionnelles, reprenant surtout des musiques vocales, les polyphonies, qui sont au centre de la vie culturelle géorgienne. Le disque se divise en deux parties, la première s’attardant sur les chants de travail, les lamentations et les airs de célébration, la seconde se consacrant aux chants de la vie quotidienne et aux chants sacrés et calendaires. Quelques instruments sont également présentés comme les luths à long manche pandouri et chongouri, le hautbois doudouk, la cornemuse chiboni, l’accordéon et des percussions. Les artistes présents sur cet album sont connus ou moins connus et proposent les traditions anciennes ou, au contraire, des morceaux influencés par les harmonies européennes. (ASDS)

Ensemble Marani : Polyphonies de Géorgie (2016)

Les chants traditionnels géorgiens sont marqués par la polyphonie, au contraire des pays voisins qui ne connaissent que l’homophonie. Leurs origines sont lointaines et mystérieuses et précèdent le développement de la polyphonie occidentale. Ces chants sont en général interprétés par les hommes, même s’il existe des groupes de femmes. Souvent la mélodie principale est interprétée par la voix du milieu tandis que les basses la supportent et les aigus créent des mélodies secondaires qui s’entremêlent aux premières. L’auditeur peut être dérouté et surpris par les progressions souvent inattendues des voix et leurs modulations abruptes, allant dans des directions opposées. L'Ensemble Marani, un chœur d'hommes basé à Paris, a enregistré ce disque dans l'église Saint-Laurent de Laval-en-Brie et propose des chants traditionnels (chants religieux, épiques, d'amour, de danse, de tablées, de deuil, de travail…) interprétés a cappella et en polyphonie. (ASDS)

Antchis Chati Chor : Voyage en Géorgie. Musique vocale profane et sacrée (2004)

En Géorgie, les répertoires profanes et religieux sont entremêlés et les chœurs interprètent sans distinction l’un ou l’autre. Si la religion chrétienne est présente dans le pays depuis le 1er siècle, les chants sacrés ont souffert des diverses invasions et de l’ère communiste pendant laquelle les églises ont été fermées et saccagées. Ces chants anciens sont aujourd’hui ressuscités, retranscrits et à nouveau interprétés, notamment par le Chœur Antchis Chati qui a fait de nombreuses recherches dans les archives. Il réinterprète ces chants a cappella qui sont une prière et une célébration de la gloire de Dieu, et qui restent sobres et sans effets artistiques ou sentimentaux.

En 2003, Sebastian Pank a entrepris un voyage en Géorgie, à bord d’un minibus VW, accompagné de la photographe Berit Mücke. Il a enregistré le chœur Antchis Chati dans une église à Tbilissi, ainsi que le choeur Tsinandali en Kakhétie et trois musiciens âgés de Gourie qui interprètent le répertoire profane. (ASDS)

Ensemble Basiani : Géorgie. Polyphonies vocales profanes et sacrées (2012)

Parallèlement aux chants liturgiques existe un large répertoire de chants profanes, eux aussi interprétés en général en polyphonie et en trois parties. Ils sont liés au cycle des saisons, aux travaux des champs ainsi qu’aux événements de la vie quotidienne. Parmi ces traditions, un genre se démarque : le chant de tablée. Ces banquets ou supra sont toujours menés par un personnage particulier, le tamada qui organise les toasts selon certaines règles et coutumes et selon un certain ordre. Les Géorgiens d’aujourd’hui s’adonnent toujours activement et bruyamment à cette coutume, souvent entre hommes, ou entre femmes, parfois en groupe mixte. Les repas peuvent durer longtemps, jusqu’à six heures, et les nombreux plats s’accumulent et se superposent sur la table, tandis que le chacha, l’alcool local, ou le vin, coulent à flots. L’Ensemble Basiani présente ce répertoire sur cet album, ainsi que de nombreux chants sacrés. (ASDS)

Ensemble Mzetamze : Ensemble Mzetamze – vol. 1 (1996)

Si les polyphonies géorgiennes sont en général interprétées par les hommes, il existe un répertoire typiquement féminin composé de berceuses, de chants de guérison pour les enfants, de chants liés au monde des esprits, de chants rituels pour influencer la météo, de chants de travail, de chants de funérailles et de deuil et de danses (en cercle). L’Ensemble Mzetamze, fondé en 1986 par des femmes musicologues du Conservatoire de Tbilissi, se consacre à ce répertoire. Elles ont pour cela effectué des collectages et consulté les archives avant d’enregistrer plusieurs disques. Elles interprètent des morceaux en solo ou en groupe (avec polyphonie), et sont parfois accompagnées d’instruments comme le luth pandouri. Ces chants sont originaires de diverses régions du pays, de la Svanétie isolée plusieurs mois de l’année à cause de son relief montagneux à la Kakhétie connue pour sa production de vin, en passant par la Touchétie et la Gourie. (ASDS)

Ensemble Odila : Traditional songs from a Georgian village (2007)

Les chants polyphoniques sont de styles différents selon qu’on soit dans l’Est, l’Ouest ou les montagnes de Géorgie. Il y a une grande diversité au niveau de l’intonation, de la structure harmonique et de l’ornementation. Les musicologues reconnaissent principalement trois types de polyphonie : un style riche et sonore de Kakhétie et de Kartlie (est du pays), des morceaux complexes et virtuoses, mais aussi plus libres en Gourie, Mingrélie et Iméréthie (Ouest), avec l’utilisation du krimanchuli, un genre de yodel, et les traditions anciennes de Svanétie (Nord-Ouest). L’Ensemble Odila est composé de cinq chanteurs originaires d’un même village, Kitskhi, situé en Iméréthie. Sur ce disque, ils interprètent les chants polyphoniques locaux, qui n’ont pour la plupart pas été enregistrés auparavant : chants de travail, de voyage, de mariage, de tablées, chants calendaires et liés aux fêtes chrétiennes, chants en style urbain. (ASDS)

Géorgie: polyphonies de Svanétie (1994)

En Svanétie, une région au nord-ouest du pays, dominée par les montagnes du Grand Caucase, les traditions les plus anciennes ont survécu. Les coutumes et rituels ont des origines préchrétiennes et la religion orthodoxe locale est mâtinée de nombreuses croyances venant du paganisme. L’organisation sociale est encore clanique, et chaque groupe possède ses propres rituels, lieux sacrés et répertoire de chants. Hommes et femmes chantent séparément, ce qui correspond à la division du travail. La musique a des côtés archaïques et sévères, avec des airs lents et mélancoliques, souvent en polyphonie. Les Svanes possèdent un répertoire de chants rituels en honneur au soleil et à Saint Georges et ils sont également célèbres pour leurs danses en cercle très rythmées ainsi que leurs lamentations funéraires remplies d’émotions. Ce disque présente des enregistrements de terrain réalisés en 1991 par Sylvie Bolle-Zemp. (ASDS)

Léla Tataraïdze : Janghi - Morning fog (2000)

A côté du chant polyphonique profane et sacré, il existe un style urbain. Les villes, et en particulier Tbilissi, étaient bien plus ouvertes aux influences étrangères que les campagnes, et de nombreux types de chants s’y sont croisés. Après l’annexion de la Géorgie à l’Empire russe en 1801, les musiques européennes et russes pénètrent dans le pays. Au fil des ans, le goût du public change et l’attrait pour les musiques occidentales (des opéras de Verdi aux romances russes) devient de plus en plus important. De nouvelles chansons sont composées, aux harmonies occidentales et accompagnées à la guitare, comme « Suliko », une ballade triste d’amour perdu, la chanson favorite de Staline. Léla Tataraïdze, le quatuor Kesane, l’Ensemble Soinari ou encore les Sœurs Gogochurebi interprètent ce répertoire. La première chante également des compositions inspirées de la tradition locale des montagnes de Touchétie, le plus souvent en solo, s’accompagnant au garmoni, l’accordéon géorgien, ou au pandouri, un luth traditionnel à trois cordes. (ASDS)

Ensemble Soinari : Idjassi. Chants et musiques de Géorgie (2000)

Même s’il existe une grande variété d’instruments traditionnels en Géorgie, cette musique populaire est peu représentée dans les enregistrements édités en disques. Parmi les plus répandus, on peut citer la flûte de pan soinari, la flûte stviri, la cornemuse gudastviri, la harpe changi, les luths chongouri et pandouri ainsi que nombreuses percussions. Le doudouk, l’instrument phare arménien, est également très répandu en Géorgie, avec un répertoire local, dérivé à la base des styles orientaux et inspiré du chant polyphonique rural mais en partie occidentalisé. Il est en général joué en solo, et accompagné d’un second instrument qui fournit le bourdon, et d’un percussionniste qui est également le chanteur, jouant du tambour doli. Parfois, un accordéoniste les rejoint. L’Ensemble Soinari interprète sur ce disque enregistré à Paris en 1998 de la musique instrumentale et des chants traditionnels, ancrés dans la tradition urbaine, avec la participation de Léla Tataraïdze. (ASDS)

TBA (Natalie Beridze) : Annule

TBA est un des noms de scène de la musicienne Natalie Tusia Beridze, signifiant à la fois « lac » en géorgien et « to be announced » en anglais. Elle rejoint dès ses débuts le collectif Goslab, un réseau de musiciens géorgiens avec qui elle partage une approche particulière de la musique électronique, faite d’audace et de débrouille. Après la chute du régime soviétique, les artistes se retrouvent face à une liberté nouvelle, débarrassée de la censure et de la surveillance précédente, mais aussi face à une situation économique instable, avec un cruel manque de moyens et d’infrastructure. En 2002, elle publie ses premiers disques en Allemagne sur le label Max-Ernst, et choisit alors d’établir sa base à Cologne où elle réside jusqu’en 2008. Elle revient ensuite à Tbilissi, où elle vit et travaille aujourd’hui. En parallèle à sa production solo, elle a collaboré avec des figures comme Thomas Brinkmann, Gudrun Gut, AGF, Joerg Follert, Marcus Schmickler, Nika Machaidze, Ryuichi Sakamoto ou encore Gacha Bakradze. (BD)

Lisa Batiashvili, Esa-Pekka Salonen : Echoes of Time (2011)

Fille de parents musiciens, Lisa Batiashvili nait en 1979 à Tbilissi. L’effondrement de l’URSS provoque dès 1991 une guerre civile opposant les indépendantistes ossètes aux autorités qui plongera le pays dans une instabilité politique, économique et sociale de plusieurs décennies. La famille se réfugie en Allemagne dès le début du conflit. Lisa y reçoit des cours de violon d’un ancien élève de David Oistrakh, étudiant notamment sur la partition annotée par Oistrakh du Premier concerto de Chostakovitch. Echoes of time est un pèlerinage dans l’histoire personnelle de la violoniste, retraçant les périodes clefs de sa vie par les œuvres qui l’ont jalonnées : Kantcheli pour sa Géorgie natale, Chostakovitch pour son univers familial et ses cours à Hambourg, Pärt pour évoquer les pressions du pouvoir soviétique et Rachmaninov pour la nostalgie de la grande Russie. Le choix de travailler avec Esa-Pekka Salonen se veut aussi un témoignage de ses affinités culturelles éprouvées pour la Finlande. (NR)

Georgian Chamber Orchestra Ingolstadt : Georgian Miniatures (2011)

Voici un panorama éclectique de la musique classique géorgienne de la seconde moitié du XX° siècle, portant sur trois illustres compositeurs. Sulkhan Nasidze (1927-1996), détenteur d’une chaire au Conservatoire de Tbilissi, a composé de nombreuses pièces instrumentales ainsi qu’un oratorio et un cycle vocal. Le climat d’oppression qui accable alors le pays affleure dans sa Symphonie de chambre, offrant certaines similitudes avec l’écriture de Chostakovitch. Originaire de Batumi, Joseph Bardanashvili (1948 - ) est aussi considéré comme un des plus importants compositeurs d’Israël, où il a émigré en 1991. Le concerto pour piano Quasi una Fantasia offre une alternance de moments paisibles, dans un langage tonal, avec d’autres, plus modernes et à la limite de l’abstraction. Parmi l’imposante production de Miniatures pour quatuor à cordes de Sulkhan Tsintasadze (1925-1991), certaines furent transcrites pour orchestre de chambre. Elles doivent leur caractère bucolique à la musique populaire dont elles sont inspirées. (NR)

Giya Kancheli : Chiaroscuro (2015)

L'album Chiaroscuro constitue une excellente carte de visite pour qui veut découvrir l'œuvre du compositeur géorgien Giya Kancheli. Sa musique se déroule en longues lignes mélodiques ponctuées çà et là par des harmonies dissonantes ou des éruptions de percussion, sans que l'on puisse parler de modèle traditionnel, de minimalisme ou de modernisme. Les deux pièces enregistrées ici par Gidon Kremer, Patricia Kopatchinskaja et Kremerata Baltica ne sont pas à proprement parler des concertos, bien qu'elles mettent en présence un instrument soliste et un orchestre de chambre. Twilight a été conçu lors d'un séjour à Anvers où le compositeur a été inspiré par le passage du temps marqué par les changements de parure d'un peuplier qu'il voyait depuis sa fenêtre. Au-delà du côté descriptif que pourrait avoir la pièce, c'est l'écoulement inexorable du temps auquel nous renvoie l'artiste, écoulement ciselé aussi par la musique dont le temps est une des composantes principales. (AG)


CINEMA

Otar Iosseliani : Avril (1961)

Au début des années 1960, deux décennies avant d’émigrer en France afin d’y poursuivre son œuvre cinématographique et de s’y faire naturaliser, Otar Iosseliani réalise ce moyen métrage de fin d’études particulièrement virtuose. Sans paroles, mais non sans musique et bruitages, en écho au burlesque sonore de Jacques Tati ou Pierre Étaix, l’ex-étudiant de l’école de musique de Tbilissi signe une fable sur l’envahissement de nos vies par les objets. Les habitants d’une vieille ville aux masures de guingois déménagent vers une série de blocs d’habitation neufs construits en périphérie mais y remplissent vite leurs nouveaux logements de chaises, de porte-manteaux, de tables, d’armoires, de vaisselle et d’ustensiles électro-ménagers. Privilégiant le vécu de leurs sentiments, un couple de jeunes amoureux échappe d’abord à cette frénésie matérialiste puis finit par y succomber… Un propos qui ne fut pas au goût des services de censure soviétiques qui interdirent pendant plusieurs années la projection du film pour « abstraction et formalisme » ! [PD]

Gueorgui Chenguelaia : Pirosmani (1969)

Né en Kakhétie en 1862, Nikolos Pirosmanachvili, dit « Pirosmani » est un peintre naïf géorgien. Fils de fermiers pauvres, élevé par ses sœurs, il apprend à lire et à écrire en devenant domestique d’une famille aisée de Tbilissi. Jusqu’à sa mort dans le dénuement en 1918, il sera berger, épicier, peintre en bâtiment et calligraphe d’enseignes commerciales pour subsister, vu que son art seul ne le nourrit pas. Cinquante ans après sa mort, Gueorgui Chenguelaia lui consacre un film aussi singulier que convaincant dans les rapports qu’il noue entre peinture et cinéma. Construit sur une série de saynètes en forme de tableaux vivants, Pirosmani marque les esprits par son non-naturalisme, sa stylisation esthétique, la frontalité de sa mise en scène (mais, certes rares, les quelques travellings du film en sont d’autant plus beaux). Enfin, il doit beaucoup à Avtandil Varazi, artiste peintre lui-même, à la fois décorateur et acteur principal, qui, la tête légèrement baissée traverse le film comme une silhouette, comme une sorte de Buster Keaton triste. [PD]

Serguei Paradjanov et Dodo Abachidzé : La Légende de la forteresse de Souram (1984)

Né à Tbilissi en 1924 et mort à Erevan en Arménie en 1990, Serguei Paradjanov est un cinéaste soviétique qui, bien qu’il ne connaisse d’abord pas la langue de ses ancêtres arméniens, va petit à petit construire une œuvre en phase avec les traditions des régions où il tourne (Ukraine, Géorgie, Arménie) et, en parallèle, oser désobéir au régime. Il ne pourra pas tourner de 1968 à 1984 et sera emprisonné à plusieurs reprises et pendant plus de cinq ans. Au milieu des années 1980, il renoue avec le cinéma avec ce film soutenu par le Premier secrétaire du Parti communiste géorgien Edouard Chevarnadzé d’après une nouvelle et une légende sur une forteresse à la frontière turque dont la construction ne peut être achevée tant qu’un jeune homme n’y est pas emmuré vivant. Paradjanov et son fidèle ami Abachidzé répondent à la commande, à la fois en en questionnant les aspects les plus patriotiques et belliqueux (tirant le propos vers une certaine tolérance entre le Caucase et l’Orient) et en ne lâchant rien quant aux singularités stylistiques de leur cinéma visionnaire, poétique et lyrique. [PD]

Nana Djordjadze : Les mille et une recettes du cuisinier amoureux (1996)

Tandis qu’il accroche les tableaux d’une exposition Pirosmani (encore lui !), un galeriste géorgien de Paris se voit confier, pour qu’il la traduise, la correspondance amoureuse entre le cuisinier français du président de la République démocratique géorgienne (1918-1921) et une jeune aristocrate locale. Alors que Iosseliani, Chenguelaia et Paradjanov devaient composer avec le pouvoir soviétique, se frotter à sa censure et à son système répressif, Nana Djordjadze peut, quelques décennies plus tard, tourner des films marqués par la fin de la Géorgie socialiste : des films ancrés dans le régime d’avant 1921, montrant les liens d’alors entre le Caucase et l’Occident via des histoires d’amour entre un télégraphiste anglais (Les Tribulations de mon grand-père anglais au pays des bolcheviks, 1987) ou un grand cuisinier français, et des femmes géorgiennes. Dans cette coproduction internationale à l’esthétique malheureusement parfois proche d’un téléfilm, avec Pierre Richard en guise d’amoureux de tous les sens et plaisirs, le rendu de la révolution communiste est clairement « à charge », dépeignant les bolchéviques comme particulièrement incultes, grossiers, violents, etc. [PD]

George Ovashvili : L’autre rive (2009)

Quand l’Union soviétique commence à se déliter, que les Géorgiens réclament leur souveraineté, une partie de la minorité abkhaze pro-russe (l’Abkhazie est un territoire situé entre les montagnes du Caucase et la Mer noire) déclarent leur propre indépendance. Une guerre civile en 1992-1993 opposera d’une part les séparatistes abkhazes et l’armée russe et d’autre part l’armée géorgienne. Le conflit se conclura par un nettoyage ethnique contre les Géorgiens locaux, tués ou forcés à l’exil. Le film Keep Smiling (cf. ci-dessous) y fera allusion via un personnage de réfugiée et une séquence dans un camp de personnes déplacées. L’autre rive raconte le périple dangereux et formateur du petit Tedo, douze ans, réfugié à Tbilissi avec sa mère depuis qu’il a quatre ans et qui entreprend d’essayer de retrouver son père resté là-bas. « Filmer la guerre par les yeux d’un enfant » dépasse ici le cliché journalistique tant le regard du jeune garçon Tedo louche lorsqu’il a les yeux ouverts, et les ferme quand il a peur ou tente de fuir une réalité trop dure) est au cœur de la mise en scène. [PD]

Rusudan Chkonia : Keep Smiling (2012)

Continuer à sourire quand rien ne va, continuer à sourire parce que – non sans humiliation – on nous y oblige : la jeune réalisatrice Rusudan Chkonia signe une féroce satire sociale pour son premier long métrage, ponctué par la chanson guillerette « Baby Keep Smiling » de Lou Bega. Dix femmes participent à un jeu télévisé qui, au bout d’une série d’épreuves (« La meilleure cuisinière », « La super maman », « Le concours de talents », « Ma famille et moi »…) élira la « Mère géorgienne 2010 » en lui offrant un appartement et 25 000 dollars. Dans une forme classique, privilégiant la fluidité de sa narration, la cinéaste propose à la fois un beau portrait de groupe où la solidarité finit par surpasser la rivalité, un constat des conditions de vie ardues de la majorité de la population géorgienne (logements exigus et en mauvais état, précarité économique et endettement, etc.) et un portrait au vitriol des hommes et des nantis qui tiennent les rênes de ce triste show et l’organisent pour assouvir leur agenda caché, qu’ils soient politiques ou libidineux. [PD]

Mariam Khatchavani : Dede (2017)

Dans un village reculé des montagnes de Svanétie, les hommes reviennent de la guerre (d’Ossétie ou d’Abkhazie, en 1992). David retrouve sa promise, Dina, mais celle-ci est attirée par le meilleur ami de David, Gegi. Suite à divers événements, elle l’épouse et le suit dans son village, mais les traditions ancestrales pèsent sur le couple, et beaucoup de sang coulera suite à ce mariage. Dede est l’histoire d’une femme qui lutte par tous les moyens contre le conservatisme d’une société patriarcale et arriérée. L’essentiel de l’histoire se passe en hiver, ce qui accentue encore l’enfermement de Dina, la neige empêchant de circuler. C’est un film dur, à la violence contenue, mais il est en même temps très beau. Mariam Khatchavani signe ici un premier long-métrage filmé avec les moyens du bord mais dans de superbes paysages, et qui a eu son petit succès sur les écrans internationaux des festivals (de Sundance à Cannes). (ASDS)

Pas en collection.


Une médiagraphie réalisée par Philippe Delvosalle, Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant, Anne Genette et Nathalie Ronvaux dans le cadre d’Europalia Géorgie.

Crédit photo: Tbilissi, une photo d'Anne-Sophie De Sutter (en creative commons, via flickr)