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Le chansonnier de la Révolution française

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Au cours de la Révolution française, une énorme production de chansons s’est développée sous la plume de musiciens aguerris comme sous celle de parfaits amateurs. Nous en avons sélectionné quatre, méconnues mais qui expriment des idéaux et tourments en cours pendant la Révolution française.

Sommaire

Si les chansonniers ont de tout temps fleuri en France pour commenter l’actualité, celui-ci est remarquable par son abondance : environ 3000 chansons recensées.

" Libres de toute censure, elles étaient écrites sur des feuilles volantes, imprimées dans les journaux locaux ou dans les almanachs, transmises de bouche-à-oreille, apprises dans les écoles. — "

On les chantait dans les théâtres, sur les places ou au coin d’une rue. Elles se répandaient comme la poudre pour commenter la vie politique et sociale, la guerre aux frontières, les conflits de classes, la guerre civile, les oppositions au sein de l’Assemblée et les nombreuses célébrations. S’adressant à tous, lettrés et illettrés, nobles ou paysans, hommes ou femmes, elles étaient également l’expression des préoccupations de la vie quotidienne et des idéaux de la Révolution, comme en témoignent les quatre chansons que nous avons sélectionnées.

La guillotine permanente (Anonyme)

On estime à plus de 13.000 le nombre de personnes exécutées par la guillotine pendant la période révolutionnaire précédant le Directoire. C’est dire si la décollation faisait partie du quotidien des Français ! Si ce mode d’exécution n’était pas neuf, il était auparavant réservé à la noblesse et s’accomplissait au fil de l’épée ou à la hache. Les autres condamnés étaient pour la plupart pendus. On recourait parfois encore à l’écartèlement et au supplice de la roue. La mise au point d’une machine à décapiter permettait une mort plus propre, limitant les souffrances et garantissant l’égalité des hommes et des femmes sans distinction de classes face à la peine capitale. Partisan de l’abolition de la peine de mort, c’est dans un but essentiellement philanthropique que le député et médecin Jean-Ignace Guillotin suggéra l’usage de cet instrument à l’Assemblée. Plusieurs chansons se réfèrent à cet outil tristement célèbre. « La Guillotine permanente » en vante l’usage « pour purger le corps français ». Le purger de quels délits ? Les plus courants étaient la rébellion, la trahison, le fédéralisme, les délits d’opinion et le vol. Chaque couplet évoque un des maux que le « rasoir national » peut évincer. Sa dernière utilisation date du 10 septembre 1977.

La liberté des nègres (Chevalier de Piis sur une musique de François Devienne)

Depuis la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen de 1789 s’opposant à la propriété de l’homme par l’homme, et le décret de 1791 stipulant que tout individu vivant sur le territoire français est libre, l’esclavage négrier représentait une incohérence devenue assourdissante et témoignait bien de la difficulté à concilier les idéaux humanistes et les intérêts économiques.

Le chevalier de Piis, fils de colon, connaissait bien la question de la traite négrière et du système esclavagiste. Il en souligne ici toute l’horreur

" On vendait jusqu’à son enfant – Le sucre était teint de son sang — "

et fait un parallèle entre l’insurrection des esclaves de Saint-Domingue en 1791 et la Révolution menée en métropole. Le dernier vers semble, hélas, devoir être répété encore et encore…

" La couleur tombe, et l’homme reste. — "

La chanson fut interprétée à la section des Tuileries le 8 février 1794, pour célébrer la signature du décret abolissant l’esclavage pour la première fois en France et dans le monde. Décret qui sera lui-même révoqué par Bonaparte en 1802, puis rétabli définitivement en 1848.

Le divorce (Anonyme)

En septembre 1791, l’Assemblée législative vote un décret reconnaissant le mariage comme un contrat civil. Conséquence logique, un an plus tard, une loi ratifie le divorce. C’est, pour les femmes, un énorme progrès qui leur permet d’échapper au mariage forcé, en vigueur pour une majorité d’entre elles. La chanson dénonce le mariage imposé par l’Église

" En dépit de nos calotins - Avec leux quatre mots latins - Du mariage, ils font eunn' galère. — "

et par le père, sans souci aucun d’inclination sentimentale ni même de compatibilité entre les époux

" La jeune fille n'en veut pas - Mais papa l'veut ; faut sauter l'pas. — "

Cette union non désirée représente souvent une tyrannie, voire un martyre pour la jeune épousée, à qui on ne pourrait tenir rigueur de rendre cocu son mari si un amant plus avenant venait à croiser sa route.

" Faut d'la vertu, pu gros qu'un ange, - Pour que l'mâtin n'soit pas cocu. — "

Le progrès fut hélas de bien courte durée. Au vu du nombre explosif de demandes de divorce qui a suivi la promulgation de cette loi, demandes émanant aux deux tiers des femmes elles-mêmes, ainsi qu’en raison de la perte de pouvoir de l’homme au sein du couple, une série de restrictions sont bien vite venues entacher cette belle avancée. La loi sera totalement abrogée sous la Restauration en mai 1816. Le divorce sera à nouveau permis sous d’étroites conditions en juillet 1884.

Le maximum (Ladré)

La France révolutionnaire, dont la situation économique était déjà catastrophique, doit faire face à de nouvelles difficultés engendrées par son entrée en guerre en avril 1792. Outre le ravitaillement nécessaire aux armées, les problèmes d’approvisionnement des grandes villes alors que les chevaux sont réquisitionnés sur le front, le manque à gagner des familles privées de bras, les famines se succèdent et la misère enfle. Les fermiers et les marchands, pour survivre, préservent une part de leurs productions pour les offrir au meilleur prix. En mai 1793, la Convention signe la loi du Maximum, fixant la limite supérieure du prix du grain, ainsi que les places de marché comme seuls lieux de vente. C’est une première entorse au principe de liberté économique, mais qui était fort attendue par la population, comme l’atteste la chanson :

" Et vous, Messieurs les gros fermiers – Qui murmurez de la loi sage – Il faudra de vos pleins greniers – Par force, en faire un bon usage. — "

Si, sous la pression des sans-culottes, la loi va s’étendre à 39 produits « essentiels », elle va aussi s’appliquer aux salaires, se référant à ceux de 1790. C’est une perte pour beaucoup. La loi s’avérera finalement désastreuse et sera annulée après la chute de Robespierre.

Nathalie Ronvaux

Image de bannière : Isidore Pils : Rouget de Lisle chantant la Marseillaise pour la première fois (1849)

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