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Le cinéma au féminin 2/2 (Animations, documentaires et séries)

cinéma au féminin

série, femme cinéaste, cinéma documentaire, réalisatrice, médiagraphie, cinéma d'animation

publié le par Catherine De Poortere

Là où l’industrie cinématographique peine à intégrer la diversité des expériences, les films qui forgent notre imaginaire se font pour la plupart du seul point de vue des hommes. Dans un contexte où l’économie et les méthodes de travail fonctionnent en leur défaveur, les réalisatrices qui parviennent à imposer leur regard dans des récits où les personnages féminins prennent un rôle actif ont toutes les chances de bousculer l’ordre esthétique dominant. Depuis le début, elles participent d’un mouvement d’ouverture et de renouvellement du Septième Art. À travers un choix de films et de séries venant du monde entier, la présente médiagraphie propose un premier tour d’horizon – bien loin d’être exhaustif – de leur travail passé et actuel.

Sommaire

Une médiagraphie de PointCulture rédigée à l’initiative du B3 à Liège dans le cadre des conférences-ateliers Le clap du mardi.


DOCUMENTAIRES

Chantal Akerman : Un jour Pina a demandé (1983)

D’une rencontre entre deux femmes célèbres, l’une réalisatrice belge (Chantal Akerman), l’autre chorégraphe allemande (Pina Bausch), émerge un film singulier, construit sur plusieurs semaines, en différents lieux. Les visages très expressifs et les mouvements tout en retenue des danseurs sont filmés au plus près, en de longs plans-séquences, lors des répétitions et représentations. Ces chorégraphies, qui expriment la difficulté de la communication humaine, sont sublimées par ce double regard féminin. Un diamant brut, mystérieux, qui ne correspond en rien aux codes du documentaire sur le processus de création. (EB).

Hélène Lapiower : Petite conversation familiale (1999)

Comédienne de théâtre d’avant-garde, actrice chez Szlingerbaum, Lehman, Desplechin, Chantal Akerman, Claire Denis, Yolande Zauberman, etc. avant d’être emportée à 45 ans par un cancer, Hélène Lapiower a réalisé un seul film. Un film de 65 minutes mais sur lequel elle aura travaillé plus de sept ans, souvent en solitaire ! Armée au départ d’une petite « caméra vidéo de touriste », elle questionne non sans humour l’éclatement de sa famille « de petits tailleurs juifs » entre la Pologne, la Belgique et les États-Unis. Elle y explore le passé militant des aînés, le poids de l’Histoire, la tension entre l’ouverture aux amours non-juifs et le risque d’effacement de toute trace de judéité… [PD]

Emmanuelle de Riedmatten : Carole Roussopoulos, une femme à la caméra (2001)

Juste après mai 1968, Jean Genet conseille à Carole Roussopoulos, une jeune valaisanne montée à Paris, d’utiliser son indemnité de licenciement de chez Vogue pour acheter une caméra vidéo. Avec ce nouvel outil audiovisuel maniable par une personne seule, la vidéaste sera très vite au cœur des luttes féministes, aux côtés du MLF et du FHAR (Front homosexuel d’action révolutionnaire). Tout au long de ses 100 films, croisant le chemin de Brigitte Fontaine ou de Delphine Seyrig, elle donnera la parole à celles et ceux à qui les médias traditionnels n’offrent presque aucune attention (« Ma caméra est là pour ceux qui ont juste le droit de la boucler ») : ouvrières et ouvriers, prostituées, immigrés, etc. [PD]

Sarah Moon Howe : En cas de dépressurisation (2010)

En cas de dépressurisation, c'est d'abord aux parents que les hôtesses de l'air conseillent de placer le masque à oxygène. Face à l’annonce du handicap de son enfant, et pour survivre à l’indicible, Sarah Moon Howe exerce périodiquement son ancien métier de strip-teaseuse, véritables moments « bulles d’air ». Elle offre également au regard les images de son quotidien, sous forme de puzzle éclaté – bricolage fait d’archives familiales, images de ses spectacles, scènes oniriques, animations. Une réalisatrice-maman digne et généreuse, qui refuse de subir le poids du chagrin et les regards de pitié. (EB)

Naomi Kawase, Genpin (2010)

Une maternité au cœur d’une forêt japonaise. Loin des tumultes de la ville, des femmes choisissent d’y accoucher de façon naturelle, accompagnées dans cette démarche par le Docteur Yoshimura, âgé de 78 ans. Ce dernier prône une activité physique soutenue et des moments d’échanges entre les futures parturientes. Le film offre une véritable réflexion sur les cycles de la vie et les saisons qui passent, ainsi qu’une échographie de l’équilibre précaire entre pratiques modernes et un retour au « naturel » en matière d’accouchement. Une expérience visuelle captivante, sur fond méditatif et poétique. (EB)

Yolande Zauberman : Would You Have Sex With an Arab ? (2011)

Née à Paris en 1955, ayant commencé par travailler au cinéma avec Amos Gitaï, Yolande Zauberman tourne son premier film Classified People (1987) clandestinement en Afrique du Sud où elle raconte déjà l’amour d’un homme blanc pour une femme noire sous l’Apartheid. En 2011, elle aborde à nouveau le politique et le collectif par le prisme de l’intime, des sentiments et des désirs les plus personnels. La nuit, dans les bars ou à la sortie des boites de nuit à Tel Aviv, en équipe réduite (une caméra numérique, un éclairage à la lampe de poche), elle pose la question taboue qui donne son titre au film et fait germer le doute ou le questionnement autant qu’elle ne révèle des positions péremptoires. [PD]

Aude Pépin : A la vie (2019)

« Je suis prête à mourir pour l’avortement ! » A septante ans passés, Chantal Birman sait de quoi elle parle, elle dont le métier est d’accompagner les femmes après l’accouchement. Commencé au service des infectées – où l’on plaçait les femmes atteintes de maladie vénériennes, mais aussi celles qui s’étaient fait poser une sonde –, son parcours professionnel se poursuit à la maternité des Lilas et la voici, à la veille de la retraite, officiant en libéral à Saint-Denis. En la suivant dans ses visites à domicile, le documentaire met en lumière l’état de fragilité, d’abandon parfois que désigne le post-partum. Les échanges de Chantal Birman avec une stagiaire ainsi qu’avec des collègues et amies font remonter ses engagements et ses luttes, notamment au sein du MLAC. C’est une vision politisée du métier de sage-femme qui se dégage de ce portrait faisant le lien, de manière argumentée, entre maternité et avortement. Il s’agit d’accompagner les femmes dans tous leurs choix : « Entre la vie et la mort, les femmes choisissent toujours la liberté ». (CDP)

Laura Poitras : Toute la beauté et le sang versé (2022)

Après son dérangeant Citizenfour, Laura Poitras témoigne d’une autre affaire à scandale, celle de l’épidémie d’opioïdes aux Etats-Unis. La documentariste parvient à approcher au plus près d’une problématique déjà maintes fois abordée par le cinéma, tout en adoptant un angle neuf. Ainsi, la photographe et activiste Nan Goldin devient le prisme par lequel le spectateur prend acte de la catastrophe sanitaire ayant causé le décès de près de 500 000 citoyens américains. Toute la beauté et le sang versé alterne alors entre lutte pour la justice et diapositives du travail photographique de cette artiste militante. (SD)

ANIMATIONS

Suzie Templeton : Pierre et le loup (2006)

Entre un loup tenaillé par la faim et une brigade d’hommes armés, quelle est la pire menace ? Cette adaptation du célèbre conte musical écrit par Sergueï Prokofiev donne lieu à un sombre renversement. Tout enfant qu’il est, Pierre comprend l’essentiel : le loup n’est pas le méchant. La prédation n’est plus ici le fait de l’animal sauvage, elle est dans la nature même des chasseurs. En se servant de l'animation en 3D pour donner vie à de magnifiques marionnettes, la réalisatrice anglaise crée une œuvre complexe, récompensée par l’Oscar du meilleur court métrage en 2008, et par le grand prix du festival du cinéma d’animation d’Annecy en 2007. (CDP)

Zabou Breitman et Eléa Gobbé-Mévellec : Les Hirondelles de Kaboul (2019)

Cette adaptation d’un roman de l’écrivain algérien Yasmina Khadra met en scène deux couples pris dans les rets du régime des talibans à la fin des années 1990. Tenue à distance par la délicatesse du dessin à l’aquarelle, la terreur qui règne sur la vie privée des personnages rejaillit avec une violence inouïe dans la mise en scène qui épouse, à tour de rôle, le point de vue de chacun·e. Conséquence : les plans du monde extérieur vu à travers le tissu grillagé d’une burqa portent un malaise beaucoup plus grand que le déroulement d’un récit dont le drame est le seul ressort. (CDP)

Domee Shi : Alerte rouge (Turning Red, 2022)

Récemment promue vice-présidente de la branche créative du studio Pixar, l’artiste canadienne Domee Shi a participé à l’élaboration de nombreux films de la marque avant de remporter, en 2018, l'Oscar du meilleur court métrage pour Bao. Avec Alerte rouge, elle devient la première femme du studio à accéder à la fonction de réalisatrice d'un format long. Inspiré de sa propre enfance, le film met en scène une jeune Chinoise vivant à Toronto. Ses problèmes familiaux, scolaires et physiologiques se cristallisent dans l’apparition fracassante d’un panda roux géant, avatar un peu encombrant de l’adolescente submergée par ses émotions. (CDP)

SÉRIES

Ilene Chaiken : The L Word (Etats-Unis, 2004-2009)

Marja-Lewis Ryan : The L Word Generation Q (Etats-Unis, 2019-2023)

Lors de sa sortie en 2003, The L Word est une révolution : pour la première fois dans une fiction grand public, les figures principales sont lesbiennes. Ilene Chaiken met en scène la vie de personnages dont l’arc narratif dépasse largement leur orientation sexuelle. Inspirée par sa propre expérience, Chaiken dit écrire sur le monde qu’elle connaît ; c’est probablement ce regard interne qui a fait le succès de la série.

Dix ans plus tard, Marja-Lewis Ryan réactualise le propos dans Generation Q, faisant cohabiter des personnages queer âgés d’une petite trentaine d’années avec ceux de la première génération. (MDR)

Lena Dunham : Girls (2012-2017)

Pas mince, pas blonde, Lena Dunham n’a pas le physique hollywoodien et c’est une chance. Lancée par HBO à l’âge de 24 ans, elle se met en scène dans un remake furieusement antiglamour de Sex and the City. De cette série autoproclamée féministe du début des années 2000, elle se fait une joie d’évacuer tout ce qui relève encore et toujours d’un point de vue masculin, hégémonique et objectivant, tant il est vrai que, couplée à l’humour, la forme sérielle représente un outil idéal pour changer les regards. Dans la peau d’Hannah, aspirante écrivaine, la showrunneuse crève l’écran, projetant l’image incisive d’une jeune femme dans l'air du temps, désirante et désirable (CDP)

Phoebe Waller-Bridge : Fleabag (2016-2019)

Fleabag, « sac à puces », est le surnom donné au personnage principal de cette comédie. La jeune femme y traine une vie compliquée, qu’elle décrit dans ses détails les plus embarrassants. On y apprend plus qu’on n’en voulait savoir sur ses problèmes d’argent, de famille, de relation. La créatrice a élaboré la série à partir d’un one-woman-show qu’elle avait écrit précédemment. Cela explique en partie les ressorts particuliers qui font la force de sa narration : Fleabag s’adresse au spectateur directement, commentant l’action qui se déroule sous ses yeux, y ajoutant ses réflexions les plus déplacées et les plus inavouables. (BD)

Nida Manzoor : We Are Lady Parts (2021-)

We are Lady Parts, c’est à la fois l’histoire d’une bande de filles et d’un groupe de punks. Toutes issues de la communauté musulmane londonienne, les protagonistes jonglent entre la musique, leur foi ainsi que leur vie professionnelle et amoureuse. Loin des clichés, Nida Manzoor propose des personnages avec une réelle individualité, des caractères bien trempés, des aspirations, un rapport à la tradition propres à chacune. La série ne manque pas d’humour et la bande originale est décapante : on est pile dans ce que l’on pourrait qualifier de série feel good et intelligente. (MDR)

Cette médiagraphie a été réalisée par PointCulture avec le concours de : Emmanuelle Bollen, Philippe Delvosalle, Simon Delwart, Catherine De Poortere, Marion De Ruyter, Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant, Marc Roesems.