Le New Orleans (1897-1930)
Sommaire
Storyville, quartier chaud de la Nouvelle-Orléans
Storyville est un quartier historique du centre-ville de La Nouvelle Orleans. Il concentre, entre 1897 et 1917, les activités liées à l'alcool, le jeu et la prostitution. Son nom d'origine, The District, est rapidement supplanté par l'usage populaire du surnom de Storyville. Le quartier est bordé par la célèbre Basin Street où nombre de bars et maisons de maître étaient réputés pour leur musique.
Il n'existe ni enregistrements ni films de l'époque 1897-1917 à la
Nouvelle-Orleans. Sur base de témoignages et récits de musiciens ayant vécus là durant cette période, et sur base d'archives et de photos, nous pouvons reconstituer, comme sur les images qui suivent, des scènes d'époque donnant une idée de l'ambiance des bars et de la musique qui s'y jouait. Le quintet typique susmentionné (clarinette, cornet/trompette, trombone, piano, batterie) est ici augmenté d'une contrebasse.
Le style Chicago des années 20
À la fermeture de Storyville en 1917, les musiciens au chômage quittent La Nouvelle-Orléans pour rejoindre les grandes villes du Nord. Chicago devient un pôle important de cette migration, véritable chambre d'écho du style New Orleans. On parle alors du style Chicago, translation géographique donc du style New Orleans. Le style est alors marqué par une importance accrue des solos individuels. Il ne tarde pas, hors de ses frontières (comprenez qu'il était jusqu'alors confiné à La Nouvelle Orleans, on pourrait presque employer le terme "ghettoisé"), à devenir à la mode. Bon nombre d'enregistrements de l'époque nous sont parvenus, documentant une période bouillonnante de cette époque (années folles) qu'on pourrait comparer sur une échelle du temps à "l'enfance du jazz". L'impact et l'envergure du style Chicago sera le véritable tremplin vers le swing à venir des années 30.
En Août 1922, le cornettiste King Oliver invite un certain Louis Armstrong (tout jeune) à rejoindre son groupe. Un line up d'exception où Lil Hardin sera la première femme à s'imposer comme instrumentiste (piano) dans ce milieu très masculin. La place des femmes n'étant jusqu'alors réservée qu'aux chanteuses. C'est la formation la plus fameuse du début des années 20. Enregistré à Chicago le 6 avril 1923.
Pianiste et compositeur, Jelly Roll Morton est un leader très influent du style Chicago. Il fait parti de la génération des musiciens ayant quittés La Nouvelle Orleans pour Chicago. Enregistré à Chicago le 4 juillet 1927.
Un peu dans l'ombre de King Oliver, le cornettiste Freddie Keppard n'en reste pas moins un musicien de premier plan. Selon la légende il aurait refusé d'enregistrer ce qui aurait été le premier disque de jazz en 1915, préférant rester discret pour décourager les imitateurs. Enregistré à Chicago le 22 juin 1926.
Le Scat
Selon Mezz Mezzrow (dans Really the Blues, son autobiographie), c'est Louis Armstrong qui a inventé et pour la première fois enregistré du scat. Lors de la session du 26 février 1926 avec son Hot Five, Louis entame Heebies Jeebies, fait le clown, et du coup lâche le papier où étaient écrites les paroles. Il doit alors inventer le reste pour finir le chorus et improvise des onomatopées.
Le Dixieland
Le Dixieland est l'expression blanche du New Orleans.
Pour rappel, les Etats-Unis sont à l'époque sous le joug d'une ségrégation raciale virulente. Une ligne de démarcation sépare la communauté blanche de la communauté afro-américaine. Malgré les efforts réciproques de quelques uns en vue d'un rapprochement, c'est le cas du cornettiste blanc Bix Beiderbecke, le clivage touche tous les niveaux de la société, musiciens compris. De cette manière on attribue aux musiciens noirs le terme New Orleans et aux musiciens blancs le terme Dixieland. Reste toutefois une zone grise où les appellations se brouillent, certains musiciens blancs utilisant le terme New Orleans et vice versa... L'écoute en blind test (écoute aveugle) révèle qu'il est impossible de dire si les musiciens sont noirs ou blancs. Hormis quelques spécialistes qui pourront déceler des particularismes. Globalement New Orleans et Dixieland sont deux mots définissant le même mode d'expression (les noirs une tête en avance copiés par les blancs).
New Orleans revival
Aujourd'hui, le style New Orleans perdure principalement dans sa forme primaire c'est à dire la fanfare (brass bands). Ce style traditionnel et emblématique de la ville de New Orleans influence encore aujourd'hui nombre de jeunes fanfares dans le monde entier. On parle alors de New Orleans revival. En musique le terme revival, littéralement renouveau, indique la recrudescence d'un style ancien (voire révolu).
Treme, haut lieu de la culture afro-américaine et créole
La Nouvelle-Orleans a récemment été remise à l'honneur à travers une série télé Treme (2010-2013) où différentes intrigues impliquent des musiciens (en fait la musique tous genres confondus est assez présente à travers toute la série). Treme est historiquement, à l'époque de l'esclavage, le quartier des noirs
non-esclaves de La Nouvelle-Orleans. C'est un lieu symbolique de la culture afro-américaine et
créole. Voici un extrait de cette série montrant une fanfare qui clôt un cortège funèbre entonnant un hymne vibrant.
Playlist réalisée par Bertrand Backeland (conseiller jazz PointCulture).
Image de la bannière : l'ensemble du cornettiste King Oliver, le King Oliver's Creole Jazz Band, photographié au début des années 20, avec de gauche à droite Honore Dutrey (trombone), Baby Dodds (batterie), King Oliver (cornet), Louis Armstrong (à genou à l'avant plan avec un trombone qui n'est en fait pas son instrument, il joue du cornet), Lil Harding (piano), Bill Johnson (banjo) et Johnny Dodds (clarinette).