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Londres en musiques

Derek Bailey et Evan Parker à Londres 1975
Malgré la concurrence nationale - avec Manchester, Bristol, ou Liverpool - ou internationale - avec Paris ou avec New-York -, Londres reste aujourd’hui encore un des grands centres de création musicale de la planète. Ville-monde, capable de dicter la mode au reste du globe, la capitale britannique est aussi un repère d’excentriques. Ce qui s’y invente ne passe pas inaperçu et les oreilles attentives y guettent l’apparition de nouvelles formes.

Sommaire

Concerts Bach-Abel (1765-1881) : du public des « grands » au grand public

(…) Profitant du vide laissé par la disparition de Händel, les concerts Bach-Abel draineront pendant plus de quinze années un public de plus en plus fasciné par une musique élégante et inventive. Celle-ci se montre en phase avec la nouvelle mondanité bourgeoise et libérale d’une ville devenue laboratoire d’un art qui s’achète, se vend, s’exporte et surtout tend à jeter aux oubliettes les règles esthétiques jusque-là en vigueur.  [JL]

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London is The Place For Me : la diaspora afro-caraïbe d’avant le reggae

(…) Intitulé d’après un morceau composé par Lord Kitchener, un de ces passagers de l‘Empire Windrush, London is the Place For Me est une très belle série de disques, parus sur le label Honest Jons, qui explore les musiques des diverses communautés noires de Londres et documente l’histoire et l’héritage culturel de la diaspora noire de Grande-Bretagne. Les quatre volumes de cette anthologie retracent l’histoire d’une musique afro-cubaine d’avant le reggae, ou en tous cas avant que le reggae ne détrône les autres formes de « musique caraïbe »  [BD]

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(Re)découvertes pop

 Kaleidoscope: Tangerine Dream (1967)

1967 est une année faste pour ce qui est de voir sortir des albums marquants. Les exemples ne manquent pas: Sgt. Pepper's Lonely Heart Club Band, The Velvet Underground & Nico, Forever Changes, The Piper at the Gates of Dawn, Something Else by The Kinks, Are You Experienced?. Il n'y avait semble-t-il presque pas de place pour le premier album des Kaleidoscope anglais, Tangerine Dream. Le groupe du chanteur londonien Peter Daltrey se distingue par l'ajout d'atmosphères typiques du psychédélisme rapprochant les climats des chansons des premières compositions de Pink Floyd, période Syd Barrett tout en prenant de l'avance sur les Kinks qui allaient un an plus tard rendre leur plus belle copie avec The Kinks are The Village Green Preservation Society. L'ambiance est onirique, voire féérique (les textes de Daltrey y sont pour beaucoup), comme sur « The Sky Children », sorte de comptine acidulée traversée d'éclairs électriques et stylistiques qui en fait l'une des plus belles chansons des années 1960.  [DM]


Graham Gouldman: The Graham Gouldman Thing (1968)

Bien avant d'être membre de 10cc, Graham Gouldman était surtout reconnu en tant que compositeur et parolier. C'est ainsi qu'on lui doit entre autres le « No Milk Today » popularisé par le groupe Herman's Hermits mais aussi « For Your Love » des Yardbirds, « Bus Stop » des Hollies et « Pamela, Pamela » et « The Impossible Years » de Wayne Fontana. En 1968, il revisite ces compositions légendaires et publie sous son nom The Graham Gouldman Thing. Enregistré au Olympic Studios de Londres et avec l'aide de Eddie Kramer et surtout du bassiste de Led Zeppelin, John Paul Jones. A cette époque Jones excelle dans la confection d'arrangements de cordes qui ici subliment admirablement les compositions de Gouldman. Cet album réunit tous les éléments du son Swinging London alliés à une sophistication baroque de toute beauté. Un disque à ranger aux côtés du Odessey and Oracle des Zombies ou du splendide album de Billy Nicholls, Would You Believe.  [DM]


Penguin Cafe Orchestra: Music from the Penguin Cafe (1976)

Le Penguin Cafe Orchestra fut avant tout créé par le multi-instrumentiste anglais Simon Jeffes. Le groupe intégrait à ses compositions des éléments de musiques ethniques ainsi que du folk, du jazz et de la musique classique. Brian Eno sorti en 1976 leur premier album via son label Obscure. Des musiciens comme Steve Nye et Annie Whitehead firent leurs armes au sein de ce combo à géométrie variable. Sans les disques de Simon Jeffes, des groupes issus de la scène alternative américaine comme Rachel's, Clogs, Town and Country ou Boxhead Ensemble n'auraient sans doute jamais vu le jour. Mais cette belle aventure prit fin avec la disparition en 1997 de son mentor. Quatorze ans plus tard en 2011, Arthur Jeffes (fils de Simon) reprit les choses là où son père les avait laissé en réactivant le groupe sous le nom de Penguin Cafe qui ont depuis sorti trois albums dans le même esprit que ceux des années 1970 et 1980.  [DM]



1966-1970: les débuts de la scène londonienne de musique improvisée

Au deuxième tiers des années 1960, une série de musiciens pour certains fraîchement débarqués à Londres (parmi d’autres, le guitariste Derek Bailey, né à Sheffield en 1930, arrivé dans la capitale en 1966 ou le saxophoniste Evan Parker, né à Bristol en 1944 et arrivé lui aussi vers 1965) se réunissent autour du batteur John Stevens (Brentford, banlieue londonienne, 1940) au Little Theatre Club (Garrick Yard, St Martin’s Lane) au centre de la ville. D’abord très influencée par le free jazz afro-américain (en 1966, le premier album de leur Spontaneous Music Ensemble comporte un morceau intitulé « 2.B.Ornette »), leur musique s’en affranchira progressivement, inventant ses propres méthodes et valeurs, prônant le sens du collectif avant l’égo de l’individu, découvrant dans l’action - en jouant, en improvisant - sa propre palette sonore… En 1970, certains d’entre eux créent le label indépendant Incus pour sortir Topography of the Lungs, le album d’Evan Parker avec Derek Bailey et le batteur amstellodamois Han Bennink. La pochette de ce disque comporte la déclaration d’intention suivante : « The bulk of the revenue from any Incus recording will go directly to the musicians.... Once the basic cost of each record is recovered, thus providing the finance for the next, the vast bulk of all income will be paid in royalties to the artists. Incus has no intention of making profits in the conventional sense. ». (…)
- Cinquante ans plus tard, la scène londonienne de musique improvisée a muté, s’est renouvelée mais vit toujours (cf. ci-dessous) ! [PhD]




Post-punk et Do-it-Yourself

Anthologies Messthetics #101 + #102 + #107 (1977-1984)

Initiée par l'américain Chuck Warner, la série de compilations "Messthetics" (du nom d'une chanson de Scritti Politti) se focalise sur les productions discographiques issues de la pratique du "Do it yourself" dans la scène Post-Punk britannique. Ces anthologies peuvent se comparer au travail effectué par le guitariste Lenny Kaye lors de la conception des compilations "Nuggets" pour la scène Garage et psychédélique américaine dans les années soixante. Les Messthetics n°101, 102 et 107 se concentrent sur des morceaux enregistrés entre 1977 et 1984 par des formations londoniennes. A noter que chacun des volumes comprend un livret très documenté avec une biographie et de nombreuses informations au sujet de chacun des artistes sélectionnés."  [DM]


The 49 Americans: We Know Nonsense

Également présent sur une des compilations Messthetics, le projet 49 Americans. En dépit de son line-up étendu et variable, ce groupe n'est pas composé de 49 musiciens, et un seul d'entre eux est en fait américain. Né en Floride Andrew « Giblet » Brenner s'est installé à Londres dans les années 1960. Quelques années plus tard, il a rassemblé autour de lui un groupe hétéroclite de musiciens, confirmés comme amateurs, voire de complets néophytes, concevant son projet comme une expérimentation démocratique et égalitariste. Au fil de son existence, le groupe a vu défilé en ses rangs des musiciens de la scène improvisée comme David Toop, Steve Beresford, Max Eastley, Lol Coxhill, Peter Cusack, des punks comme Nag et Bendle de The Door And The Window, ou Viv Albertine des Slits, la journaliste Vivien Goldman, et bien d'autres encore parmi lesquels Mme Brenner, la mère de Giblet. Résolument indépendants, les 49 Americans étaient de fervents défenseurs de l'idéologie et de l'esthétique DIY, et ont réalisé deux albums et un single. En marge des genres, ils ont choisi avant tout de réaliser une forme de pop sans prétention, embrassant chanson, doo-wop, disco et samba, qui soit légère et sautillante, sans être toutefois simpliste ni stupide, une mission entièrement résumée dans la formule « Happy music doesn't have to be dumb. »  [BD]


Peter Cusack (2001) : une carte sonore subjective de la ville

(…) Peter Cusack a demandé à une série de Londoniens quels étaient les sons préférés de leur ville. Sélectionnant 40 réponses, il réalise une photo acoustique des lieux et instants précis où l'on peut entendre ces sons. Comme pour une photo, une prise de son se caractérise par plusieurs particularités techniques et décisions de l'artiste: spécificité, position et orientation des micros, visée des détails ou profondeur de champ, etc. Il en ressort 40 récits acoustiques dynamiques où les sons ne sont jamais purs, isolés, mais se contaminent, s'enrichissent de leurs interconnexions.  [PH]



Taking the Dog For a Walk
(2012) : la scène improvisée 45 ans après sa création

Ce passionnant documentaire de plus de 2h30 se focalise essentiellement autour de la parole, des témoignages, souvenirs et pensées (artistiques, politiques, triviales… ou philosophiques) d’acteurs de la scène britannique des musiques improvisées. Une partie conséquente des interviews sont menées de main de maître, avec un rapport quasi magique d’érudition et de générosité curieuse, par le comédien de stand up Stewart Lee. Commençant « en fanfare » par un duo – forcément aléatoire - entre le batteur Mark Sanders et Mrs Boyes, tireuse de bingo, le film est parcouru d’un certain humour ‘so british’. Taking the Dog For a Walk (autre clin d’œil – à « trois spectateurs et un chien », sorte d’équivalent local de notre « trois pelés et un tondu » faisant référence au public parfois clairsemé de certains concerts improvisés du passé) évoque aussi la ville de Londres, p.ex. par le lien qu’un autre batteur, Roger Turner, établit entre l’exiguïté des appartements, la proximité des voisins et la musique jouable dans de telles conditions (petites espaces, petits instruments, une caisse claire ou un violon, de petits gestes pour une petite musique – une « musique d’insectes ») puis, bien sûr, dans l’évocation des lieux clés de la scène : du Little Theatre Club au QG d’Incus en passant par l’ancienne cantine des cheminots de Camden Town qui abrita le London Musicians Collective (« Il n’y avait pas de toilettes, il fallait aller au pub en face. Mais c’était le paradis ! » se souvient Max Eastley) – jusqu’aux lieux actuels : l’incontournable Cafe Oto, le Vortex jazz bar, la péniche Boat-Ting, etc.[PhD]


Années 2010

Jamie XX / The XX 
+ le label Young Turks
(FKA Twiggs, Sampha, SBTRKT…)

Quatre ans après We’re New Here, disque de remix du dernier album de Gil Scott-Heron I'm New Here, Jamie Smith (aka Jamie XX) poursuit sa carrière solo avec  In Colour . Disque moderne, estival et très britannique, à la fois accessible et consistant, cet opus combine des beats Dubstep,  UK Bass et Jungle à des guitares électriques, des  nappes planantes et des steel-drums. Il en ressort une musique cohérente, hybride et moderne. En véritable figure londonienne de l’Indie-pop d’avant-garde, Jamie XX est également membre du groupe The XX et patron du label branché Young Turks (FKA Twiggs, SBTRKT, Sampha, etc. ) dont les sorties allient bien souvent R&B alternatifs, pop vaporeuse et musiques de club pointues.  [IK]





Mount Kimbie et King Krule

Après avoir sorti un EP sous le pseudonyme Zoo Kid et un deuxième sous son nom actuel, collaboré avec le duo post-dubstep Mount Kimbie, Archy Marshall s'érige avec ce premier LP en enfant prodige du rock anglais. À 19 ans à peine lors de la sortie de ce 6 Feet Beneath the Moon, Zoo Kid possède déjà un style qui lui est propre: le Blue Wave, un mélange de pop dépouillée, de new wave, de blues et de jazz. Avec peu de moyens, une guitare électrique, quelques beats et sa voix si particulière, le jeune slacker londonien réalise un album classieux et délicieusement désinvolte.

Trois ans après le réussi et influent Crooks & Lovers les londoniens Dominic Maker et Kai Campos du duo Mount Kimbie sont de retour avec Cold Spring Fault Less Youth sur lequel ils délaissent les sonorités dubstep (sans pour autant oublier l'électronique) pour se tourner vers une musique plus pop au format  « chanson ». S'essayant eux-même au chant, ils collaborent par deux fois avec le jeune et talentueux King Krule dont le flow nonchalant se mêle à merveille à leurs beats paresseux.  [IK]



Little Simz

La rappeuse londonienne Simbi Ajikawo alias Little Simz dévoile son second album Stillness in Wonderland (en référence à Alice au pays des Merveilles). La jeune femme habile avec les rimes nous propose seize titres de Rap sombres et mélodiques aux teintes R&B, Trap, Soul, Grime et Jazz. Les morceaux parsemés de spoken-word mettent en scène la demoiselle face à la célébrité et à ses nombreux pièges. Le projet compte de nombreuses collaborations ( Syd de The Internet, Chronixx, Josh Arcé ou encore Tilla).  [CL]



une playlist collective de PointCulture signée :

David Mennessier, Igor karagozian, Céline Lepinois, Jacques Ledune, Philippe Delvosalle, Benoit Deuxant et Pierre Hemptinne.

- photo du bandeau: Derek Bailey et Evan Parker à l’arrêt du bus (années 1970) - dos de la réédition CD de London Concert.

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