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Moondog – Le Viking de la sixième avenue

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Pour la plupart des gens qui le connaissent, le musicien américain Moondog sera toujours « le Viking de la sixième avenue ». Cette image de musicien outsider, qu’il a cultivée soigneusement, jouant dans les rues de New York des instruments de son invention, dans un costume de guerrier complet, avec lance et casque à corne, n’est qu’une facette du personnage. Sa vie et sa carrière, et par la même occasion sa discographie comprenant 800 pièces, 81 symphonies et près de 300 chansons sont extrêmement complexes et comportent plusieurs périodes distinctes. Les premiers faits marquants de sa vie sont sa découverte de la musique amérindienne, à la fin des années 1920 lors d’une visite faite, enfant, avec son père à la réserve des Arapahos du Wyoming. La seconde est l’accident qui le rendit aveugle à l’âge de 16 ans lorsqu’un bâton de dynamite lui explosa au visage. En 1943 il s’installe à New York et se lie d’amitié avec des musiciens classiques comme Leonard Bernstein et Arturo Toscanini, et de jazz comme Charlie Parker et Benny Goodman. Sa carrière musicale commence en 1947 lorsqu’il abandonne son nom de baptême, Louis Thomas Hardin, pour se faire appeler Moondog, et commence à jouer dans la rue.

Sommaire

Moondog -Moondog (1956)

Publié en 1956, ce premier disque de Moondog pour un label officiel est en fait une compilation de morceaux déjà parus sur son propre label Moondog records. On retrouve ici la plupart des titres de l’album Snaketime Series, réédité en 2007. On découvre Moondog dans sa première période, comprenant déjà les traits de toute son œuvre future : des rythmes en 5/4 ou 7/4, des pièces souvent très courtes et les instruments qu’il a inventés : la percussion trimba, la cithare triangulaire oo et le gong yukh. On peut entendre sa deuxième épouse Suzuko chanter pour leur fille June sur le morceau « Lullaby ».

Moondog - Moondog And His Friends (2006. Enregistrement 1953 et 1987)

On redécouvre depuis quelques années les disques « perdus » de Moondog. Sorti à l’origine en 1953 sur le label Epic, cet album a été réédité par plusieurs firmes depuis les années 2000. Comme sur les autres enregistrements de cette époque, on entend Moondog développer ses rythmes particuliers, et appliquer les principes du canon et du contrepoint, empruntés à la musique classique de Bach et Haendel. Cette édition comporte une pièce jouée en 1987 par l'organiste Paul Jordan, une de 2005 de la harpiste Xenia Narati et une improvisation de Stefan Lakatos, son disciple, à qui il a confié les secrets du trimba.

Moondog - More Moondog/The Story Of Moondog (1991. Enregistrement 1956-1957)

Réédité en un seul CD, ce disque comprend deux albums sortis sur le label Prestige en 1956 et 1957. Ici encore il s’agit de morceaux déjà publiés en tirage limité sur son propre label. Contrairement aux précédents, il s’agit avant tout de pièces solos. Le couple Moondog/Suzuko s’est séparé, et le musicien vit en partie dans la rue, mais célèbre cette existence comme une vie de bohème, libre et indépendante. Il gardera longtemps cette image (même si cette période couvre seulement une quinzaine des 83 années qu’il vécut) et sera associé aux poètes de la Beat Generation, côtoyant Allen Ginsberg et William S.Burroughs.

Moondog With Julie Andrews & M. Green - Songs Of Sense & Nonsense - Tell It Again (2009. Enregistrement 1957)

Parmi les bizarreries de la discographie de Moondog, on trouve cet album de chansons pour enfants, enregistrées avec l’actrice Julie Andrews, quelques années avant Mary Poppins ou La Mélodie du Bonheur. Elle donne ici la réplique à l’acteur Martyn Green, et ils chantent de courtes chansons absurdes tandis que Moondog les accompagne au trimba et autres instruments. En plus de son coin de la 6e avenue, Moondog joue à cette époque dans toutes sortes de configurations : lectures de poésie, manifestations pacifistes, concerts, performances de danse, et anime une émission de radio sur la station WBAI.

Moondog - Moondog / Moondog 2 (2001, enregistrement 1969, 1971)

Il faudra attendre douze ans pour que Moondog puisse enregistrer un nouveau disque. L’opportunité s’en présente lorsqu’un producteur de rock, James W.Guercio vient l’écouter jouer à son poste habituel sur la 6e Avenue. Il en résultera deux albums, ici réédités ensemble, sous les noms trompeurs de Moondog 1 et 2. C’est l’occasion pour Moondog de changer de vie à nouveau, et d’abandonner la rue pour se réinventer comme compositeur de musique classique. Le premier disque le voit à la tête d’un ensemble de 50 musiciens, le second d’une petite formation avec clavecin, viole, guitare, chant et percussion.

Moondog - H'art Songs (1977)

En 1974, Moondog quitte les USA pour s’installer en Allemagne. Il a depuis toujours été critique de son pays, de son histoire violente et du christianisme qu’il rejette. Son admiration pour la culture païenne nordique ne se limite pas à son costume de Viking, mais le rapproche également des cultes germaniques et des légendes scandinaves. Ce premier album européen est toutefois composé de chansons toutes simples, accompagnées de percussion et de piano. Joué dans un rythme inhabituel pour lui, le commun 4/4 de la musique pop, le disque est étonnant de dépouillement et fait penser à Robert Wyatt ou Van Dyke Parks.

Moondog - In Europe (1977)

En Allemagne, Moondog fait la connaissance d’Ilona Goebel, une jeune femme qui deviendra son éditrice, sa copiste et le logera dans la maison qu’elle habitait à Münster avec son mari. Elle mettra sur pied avec lui une maison d’édition pour sa musique, et lui trouvera de nombreuses opportunités de performance et d’enregistrement. Il va composer à cette époque de très nombreuses pièces néo-classiques dans des styles anciens (chaconne, fugues, canons, etc.), refusant l’héritage atonal du dodécaphonisme. Il se décrivait comme rythmiquement avant-gardiste et mélodiquement conservateur.

Moondog - A New Sound Of An Old Instrument (1979)

Moondog a écrit durant cette période de nombreuses pièces pour orgue, rassemblées sous le titre The Art Of The Canon, qui ont été interprétées par son ami Paul Jordan. Elles constituent le chaînon manquant entre Bach et le minimalisme de Steve Reich ou Philip Glass. En 1979, il publie son premier disque pour orgue, comprenant six solos joués par Fritz Stofinger et six duos par celui-ci et Wolfgang Schwering. Parfois accompagnées par Moondog au trimba, les pièces sont étrangement percussives et sont dépourvues des grands aplats d’accords qu’on compose généralement pour l’instrument.

Moondog - Elpmas (1992)

Comme le dit le titre (à l’envers), cet album représente la découverte par Moondog du sampler. Il cherche avec ce nouvel instrument une exécution parfaite de sa musique, qu’il dit impossible à obtenir avec de « vrais » musiciens, et ses rythmes complexes sont ici exécutés avec une précision extrême. Il revient toutefois à son inspiration amérindienne. Le thème de l’album lui-même est la conquête de l’Ouest qu’il décrit non pas comme une grande aventure, mais comme l’invasion brutale d’un continent par les colons blancs. Le sampler lui permet d’introduire des sons naturels qui renforcent la narration.

Moondog & The London Saxophonic - Sax Pax For A Sax (1994)

Un des derniers albums de Moondog avant sa mort en 1999 est ce disque en collaboration avec le London Saxophonic. Il comprend des pièces courtes pour orchestre de jazz avec des formations allant de 4 à 9 saxophones, et deux interludes pour piano. Ces compositions pour Big band, parmi lesquelles on retrouve son morceau classique « Bird’s lament », sont soutenues par une pulsation régulière jouée par Moondog au tambour basse. De nombreux invités ont participé à l’enregistrement, produit par David Lord, parmi lesquels Peter Hammil, Andrew Davis ou encore Danny Thompson, un ami de longue date.

Moondog - The Viking Of Sixth Avenue (2005. Enregistrement 1945-1995)

Cette anthologie a représenté pour beaucoup de gens le point d’entrée dans le monde de Moondog. Réalisée en 2005 par Edwin Pouncey pour le label Honest Jon’s, elle couvre sa carrière entière et retrace l’évolution de sa musique à travers des pièces allant du solo de percussion au grand orchestre, en passant par ses chansons. Elle rassemble pour la première fois les différentes périodes de sa production musicale, de sa vie de « Viking de la sixième avenue » à sa période européenne et montre à la fois la progression de son art et sa redoutable cohérence.

An Historical album of Blackfoot Indian music (1897-1966)

Cet album du label Folkways est comme son titre l’indique une anthologie de la musique des différentes nations qui constituent la confédération des Pieds-Noirs à travers des enregistrements réalisés à travers le temps, depuis la fin des années 1890 jusqu’au milieu des années 1960. Moondog a souvent raconté la cérémonie de la danse du soleil à laquelle il a assisté dans son enfance au Wyoming. La musique et les percussions amérindiennes, et plus encore, la cause des peuples premiers américains, resteront, sa vie durant, des source d’inspiration très importantes.

Leonard Bernstein & Stephen Sondheim, West Side Story (1961-2021)

On raconte que le jour de son arrivée à Manhattan, Moondog s’est rendu au Carnegie Hall pour assister à un concert du New York Philharmonic. Leonard Bernstein y était alors assistant et donnait ce soir-là sa première performance de chef d’orchestre. Les deux hommes vont se lier d’amitié et Louis Hardin, qui n’a pas encore changé de nom, va devenir un habitué des salles classiques, où il aura le privilège d’assister aux répétitions du chef Arthur Rodzinski et où il croisera Igor Stravinsky. Il apprendra lui-même la direction d’orchestre auprès de Bernstein et d’Arturo Toscanini.

Charlie Parker, Intégrale Charlie Parker Vol.1 Groovin' High 1940-1945 (2010 enregistrement 1940-1945.)

Outre sa fréquentation des figures importantes de la musique classique, Moondog a également côtoyé de nombreux musiciens de jazz. Il assiste à leurs concerts et certains comme Dizzy Gillespie, Dave Brubeck, Benny Goodman ou Duke Ellington viennent l’applaudir à son croisement de la 54e rue et de la 6e avenue. Il aura même l’occasion de jouer avec certains d’entre eux et monte ainsi sur scène au Whitney Museum avec Charlie Mingus. Charlie Parker et lui ont le projet d’enregistrer ensemble, mais le saxophoniste décède peu de temps après. Moondog lui dédie son morceau « Bird's Lament ».


Philip Glass, Music In Twelve Parts (1988)

La musique de Moondog a eu une grande influence sur le développement de la scène minimaliste et répétitive américaine. Des compositeurs comme Philip Glass ou Steve Reich l’ont proclamé « fondateur du minimalisme » et l’ont cité comme source d’inspiration pour sa complexité rythmique. Philip Glass a rencontré Moondog sur la Sixième avenue en 1969 et a décidé de l’héberger chez lui pendant plusieurs mois, durant lesquels, avec Reich et Terry Riley, il a eu l’occasion de jouer et d’enregistrer sa musique. On ne sait ce qu’il est advenu de ses bandes qui, malheureusement, n’ont jamais été publiées.

Steve Reich, Drumming / Six Pianos / Music For Mallet Instruments, Voices (1974) -

La rencontre de Steve Reich avec Moondog et sa musique a eu lieu à un moment charnière de sa carrière. Déjà reconnu pour ses performances minimalistes, et ses expériences avec le déphasage de lignes sonores, Steve Reich cherche alors de nouvelles sources d’inspiration, qu’il va trouver dans la musique balinaise, dans les percussions africaines et dans la musique de Moondog. Le point commun entre ces démarches est l’usage de tempos complexes et de polyrythmie, qui vont le mener sur la voie de la musique répétitive. Une de ses premières pièces dans ce style est « Drumming » qu’il publie en 1970.

Harry Partch, Delusion Of The Fury (1969)

Il est facile de trouver de nombreux points communs entre Harry Partch et Moondog. De quinze ans son ainé, le musicien et compositeur américain est lui aussi fils de pasteur protestant et a grandi non loin d’une réserve indienne, non pas au Wyoming, mais en Arizona. Il a été sans-abri pendant plusieurs années durant la grande dépression, voyageant et travaillant comme hobo à travers les USA. Il a lui aussi construit un grand nombre d’instruments de son invention. Mais la base de sa musique est avant tout une recherche consacrée aux échelles microtonales et à l’intonation juste.

Big Brother And The Holding Company, Big Brother & The Holding Company (1967)

Un jour comme les autres, des gens s’arrêtent pour écouter « le Viking » qui joue dans la rue à Manhattan, à ce qu’on renommera plus tard le Moondog Corner. Parmi eux, un groupe de musiciens appelé Big Brother and the Homding Company, et leur chanteuse Janis Joplin. Moondog accepte de leur apprendre sa chanson « All is loneliness », qu’ils vont régulièrement interpréter puis enregistrer en 1967 sur leur premier album. Leur version simplifie le rythme en 5/4 pour en faire un basique 4/4. Ce sera un succès, même si Moondog déclarera plus tard que Joplin avait massacré sa musique.

Gravikords, Whirlies & Pyrophones (Experimental Musical Instruments) (1996)

Bien que Moondog en soit absent, ce très beau coffret du label Ellipsis (et son deuxième volume Orbitones Spoon Harps & Bellophones) est une belle exploration de l’univers des inventeurs d’instruments. On y trouve pêle-mêle un orgue à feu, un daxophone, une harpe géante, des sculptures sonores, des percussions en céramique et en verre, aux côtés d’instruments électroniques comme le Buchla ou le Thérémine. On y trouve des pionniers comme Harry Partch, mais aussi des musiciens contemporains comme Tom Waits, Hans Reichel ou Aphex Twin.

Cabaret Contemporain, Moondog (2015)

La musique de Moondog n’a pas disparu après sa mort en 1999. Le compositeur a toujours eu une forme de visibilité, voire de reconnaissance, y compris de son vivant. Ses dernières apparitions ont généralement été des succès, y compris celle organisée par Elvis Costello pour son festival Meltdown en 1995. Il a été interprété par des musiciens de tous genres et continue à l’être aujourd’hui. Le Cabaret Contemporain, ensemble français revisitant des compositeurs comme John Cage ou Terry Riley, interprète ici les chansons de Moondog avec les chanteuses suédoises Linda Olah et Isabel Sörling.

Une médiagraphie de PointCulture réalisée par Benoit Deuxant

À l'occasion de la Blackout Session du 29.10.2024 à l'Atelier 210 (Etterbeek) consacré à l'album Snaketime Series (1956)