Ms. Lauryn Hill – L'icône intemporelle de la néo-soul et du hip-hop
Sommaire
FUGEES – Blunted on Reality (1994)
À la fin des années 1980, à Maplewood, dans le New Jersey, Pras, fils d'immigrés haïtiens, rencontre Lauryn Hill, jeune chanteuse talentueuse déjà active sur les scènes locales. Avec une amie, Marcy, ils forment le Tranzlator Crew. Peu après, Pras invite Wyclef Jean, ami proche et MC Brillant, à rejoindre le projet. Marcy part, et le trio devient les Fugees, en hommage aux réfugiés haïtiens. En 1994 sort leur premier album, Blunted on Reality, qui se révèlera un échec commercial à cause des contraintes du label, qui n’exploite pas pleinement leur potentiel. La production mêle boom bap, jazz rap et fusion reggae, sans atteindre l'engagement politique qui marquera leur œuvre future.
FUGEES – The Score (1996)
The Score, deuxième et dernier album des Fugees, est une référence du hip-hop des années 1990 qui a propulsé le groupe à une reconnaissance mondiale. Conçu comme une bande sonore où chaque morceau devient une scène et chaque sample une texture, l'album propose des classiques comme « Ready or not », « Fu-gee-la », ou encore « Killing Me Softly With His Song ». C'est un mélange de hip-hop, reggae, soul et jazz porté par des textes engagés sur le racisme et les inégalités, avec une Lauryn Hill au sommet de son art.
LAURYN HILL – The Miseducation of Lauryn Hill (1998)
Sorti dans une période de transition après le succès fulgurant des Fugees, cet album marque le début d’un parcours introspectif pour Lauryn Hill. Enregistré principalement dans les mythiques Tuff Gong Studios en Jamaïque, The Miseducation s’imprègne d’influences reggae avec un son brut, tout en restant profondément ancré dans les racines du hip-hop et de la soul américains. Premier album hip-hop à remporter le Grammy Award du meilleur album de l’année, l’opus se construit autour des thèmes de la maternité (Zion), de la rupture amoureuse (Lost Ones) et de la célébrité (Superstar). Une quête identitaire qui interroge également les normes sociales.
LAURYN HILL – MTV Unplugged 2.0 (2002)
En 2001, Lauryn Hill est invitée sur la scène de MTV Unplugged pour une session poignante où elle laisse transparaitre les luttes personnelles qui l’obsèdent. Loin du succès commercial de The Miseducation of Lauryn Hill, on assiste ici à un moment de vérité et de thérapie collective. Au fil des morceaux, Lauryn Hill invite son public à la suivre dans un voyage de rédemption. Les critiques n’ont pas été tendres, accusant l’artiste d'être auto-indulgente et déconnectée. Si l’album a été mal reçu à l’époque, il résonne encore aujourd’hui comme un passage important dans la carrière de l’artiste.
Membres Fugees
Après l’énorme succès du groupe avec The Score, les membres des Fugees entreprennent chacun une carrière solo. En 1997, Wyclef Jean sort l'album The Carnival, et en 1998, Pras enchaîne avec Ghetto Supastar.
WYCLEF JEAN – The Carnival (1997)
Le premier album de Wyclef Jean est un melting pot festif, ancré dans ses racines haïtiennes. Dans la foulée de The Score, l’artiste, producteur multi-instrumentiste, est le premier à se lancer en solo. Il enregistre The Carnival sur la route, alors que les Fugees parcourent le monde. Né à l’été 1997, cet album réunit un panel éclectique de personnalités sur 24 morceaux aux sonorités pop, hip-hop et roots créoles. On y retrouve ses anciens collègues Lauryn Hill et Pras, mais aussi les Neville Brothers, Celia Cruz, Funkmaster Flex et le New York Philharmonic Orchestra.
PRAS – Ghetto Supastar (1998)
L'album sort à l'automne 1998, anticipé par le single éponyme « Ghetto Supastar (That Is What You Are) », un succès commercial qui voit la collaboration du rappeur Ol' Dirty Bastard et de la chanteuse R&B Mýa. Ce morceau demeure la plus grande réussite de Pras en tant qu'artiste solo. Malgré tous les efforts déployés, l'album dans son ensemble ne parvient pas à convaincre et ne rencontre pas le succès escompté.
Le rap au féminin
Les années 1980 voient l’émergence d’une scène rap féminine, portée par des figures comme MC Lyte, Queen Latifah et Salt-N-Pepa. Ces artistes défient les stéréotypes et le sexisme dans une industrie dominée par les hommes, une période souvent vue comme l’âge d’or du rap féminin. Dans les années 1990, des figures comme TLC, Missy Elliott, Eve ou encore Lauryn Hill continuent d'affirmer leur place, même face à l'essor du gangsta rap, de plus en plus marqué par une esthétique masculine et misogyne.
MC LYTE – Eyes on this (1989)
Pionnière du rap féministe, MC Lyte s'impose à la fin des années 1980 comme la première rappeuse à sortir un album solo avec Lyte as a Rock. Sa passion pour le hip-hop est aussi forte que son engagement, et dès son plus jeune âge, elle tente de se faire une place dans un milieu dominé par les hommes. Dans Eyes on This (1989), son deuxième album, on retrouve le puissant titre « Cha Cha Cha », qui intègre des échantillons de funk, de soul et d’électro (synthé principal de Kraftwerk « The Man-Machine »), l’album est produit par le duo Audio Two, maîtres dans l'art du sampling.
QUEEN LATIFAH – Black Reign (1993)
Dès son premier album All Hail the Queen en 1989, Queen Latifah s’impose avec l’hymne émancipateur « Ladies First », devenu une référence incontournable de l’expression féministe noire du rap des années 1980. Black Reign, album phare de sa carrière, marque un tournant avec un style plus affirmé. Queen Latifah y aborde des thématiques engagées comme le manque de respect envers les femmes, la violence domestique, le harcèlement de rue et les insultes sexistes dans la culture hip-hop. Une œuvre majeure qui consolide son statut d’icône militante. "Who you callin’ a bitch ?"
SALT-N-PEPA – Very Necessary (1993)
Dès 1985, Salt-N-Pepa s’impose comme un pilier du rap féminin, s’affirmant dans un milieu où les hommes dominent la scène hip-hop. Avec des morceaux phares comme « Push It » et « Let’s Talk About Sex », elles abordent des thèmes sensibles tels que la sexualité, le consentement et l’émancipation, avec des productions qui mélangent hip-hop, R&B et pop. Leur quatrième album, Very Necessary (1993), porté par des tubes comme « Whatta Man » et « Shoop », assoit leur consécration.
TLC – CrazySexyCool (1994)
Après Salt-N-Pepa, TLC s’est affirmé comme l’un des premiers groupes féminins de hip-hop à conquérir un succès international; à travers leur musique et leur attitude, elles incarnent l’esprit "girl power". La fusion de R&B et de rap, alliée à des visuels marquants et une esthétique non conformiste, les transforme en icônes d’indépendance. CrazySexyCool, leur deuxième album, reste l'une de leurs œuvres majeures, un opus qui explore des thèmes comme le plaisir et le VIH. On se souvient encore des hits comme « Creep » et « Waterfalls », qui ont marqué les années 1990.
MISSY ELLIOT – Supa dupa fly (1997)
Missy Elliott est une autre pionnière du hip-hop, réputée par son esthétique avant-gardiste, son style excentrique et ses clips novateurs. D'abord membre du groupe R&B Sista au début des années 1990, c’est sa collaboration avec le producteur Timbaland qui va révéler son talent. En 1997, son premier album solo Supa Dupa Fly la propulse sur le devant de la scène : la production n’a rien de classique avec un son électro et de samples accélérés. Des titres comme « The Rain » et « Sock It 2 Me » claquent autant par leurs visuels déjantés que par leur sonorité.
EVE – Let There Be… Ruff Ryders’First Lady (1999)
Eve débute sa carrière comme chanteuse dans le groupe Dope Girl Posse, avant de signer chez le label de hip-hop Ruff Ryders. À la fin des années 1990, elle se fait connaître avec son premier album Let There Be... Ruff Ryders' First Lady. Cet album marque son ascension, avec des titres comme « Love is Blind », où elle aborde la question des violences faites aux femmes. Une entrée en scène marquante pour l’artiste, qui s’impose rapidement dans le paysage du rap féminin.
Néo-soul année 1990
En 1995, D’Angelo marque l’avènement de la néo-soul avec son album Brown Sugar. Né au milieu des années 90, à une époque où le rap dominait les charts et que le New Jack Swing déclinait, ce style fusionne R&B et soul contemporains avec des éléments de hip-hop, de gospel et de jazz. Maxwell, avec Urban Hang Suite, fait également partie de cette mouvance, portée par le succès du tube Ascension. En 1997, Baduizm d’Erykah Badu, signé par William “Kedar” Massenburg, manager d’Angelo et père du terme néo-soul, est certifié triple platine et devient un classique du genre. C’est dans ce sillage que s’inscrit The Miseducation of Lauryn Hill.
D'ANGELO – Brown Sugar (1995)
Précurseur du genre néo-soul, Brown Sugar est le premier album solo de D’Angelo. On y retrouve toutes les caractéristiques du style : des grooves élégants, des rythmes influencés par le jazz et le funk, et un falsetto qui sublime des thèmes comme l’amour, le désir et les relations. Ce son raffiné est d’autant plus impressionnant que l’artiste n’avait que 21 ans à sa sortie. Parmi les morceaux phares, le titre éponyme, « Brown Sugar ». Cinq ans plus tard, D’Angelo confirmera son talent et son statut de pilier de la néo-soul avec son chef-d’œuvre, Voodoo.
MAXWELL – Maxwell's Urban Hang Suite (1996)
Maxwell, de son vrai nom Gerald Maxwell Rivera, est un chanteur, auteur-compositeur et musicien américain qui a marqué la renaissance du R&B et l'essor de la néo-soul dans les années 1990. Son premier album studio, Maxwell’s Urban Hang Suite, salué par la critique, le consacre comme une figure majeure de ce genre musical. Ce disque conceptuel de 11 titres explore les émotions et la spiritualité d'une relation amoureuse. En 58 minutes, il déroule les étapes d'une histoire d'amour : rencontre, rupture, retrouvailles, demande en mariage et intimité.
ERYKAH BADU – Baduizm (1997)
Erykah Badu est une artiste à l’esthétique et à l’iconographie ancestrales, souvent comparée à Billie Holiday pour son phrasé et son timbre. Son premier album studio, Baduizm, est un classique de la néo-soul. Enregistré entre New York, Philadelphie et Dallas et porté par les singles « On & On », « Next Lifetime », « Otherside of the Game » et « Apple Tree », cet album, nous guide dans un voyage spirituel au cœur de l’histoire et des lieux emblématiques de la culture noire américaine.
Collaborations
Bien que Lauryn Hill n’ait produit qu’un seul album solo, elle a poursuivi des belles collaborations avec divers artistes. Parmi celles-ci, on peut citer celle avec Mary J. Blige, reine du hip-hop soul, ainsi qu'avec NAS, l'une des figures les plus influentes du rap.
MARY J. BLIGE – My Life (1994)
My Life est le deuxième album studio de Mary J. Blige, un des disques les plus importants de sa carrière. On y retrouve des samples de classiques du R&B des années 1970 et 1980, tels que ceux de Barry White, Curtis Mayfield ou encore Al Green. Les 17 pistes évoquent des sujets comme la dépression ou encore la dépendance de Blige à la drogue et à l’alcool. En 1998, Mary J. Blige et Lauryn Hill se retrouvent pour le titre « I Used to Love Him », extrait de l'album The Miseducation of Lauryn Hill. La chanson met en lumière le parcours de résilience d'une femme après une rupture amoureuse.
NAS – It Was Writen (1996)
Un classique incontesté, It Was Written de Nas est l’un des meilleurs albums du hip-hop des années 1990. Après avoir ouvert la voie au rap indépendant avec son premier album Illmatic, Nas franchit un nouveau cap avec cet opus plus mainstream, mêlant rap, pop et R&B. On y retrouve la collaboration avec Lauryn Hill sur « If I Ruled the World (Imagine That) », le plus gros titre de l'album devenu emblématique de cette époque.
Samples et reprises
Dans The Miseducation of Lauryn Hill, l'artiste puise dans une variété de samples, réinterprétant des classiques du soul, du hip-hop et du reggae. Des morceaux comme Doo Wop (That Thing) et Forgive Them Father rendent hommage à ces influences. De même, dans l'album The Score des Fugees, on retrouve des samples emblématiques, notamment Killing Me Softly with His Song.
THE FIFTH DIMENSION – Anthology (1967 – 1973)
The 5th Dimension est un groupe vocal soul californien actif entre 1967 et 1978, connu avec des titres comme « Up, Up And Away », « Wedding Bell Blues » ou encore le célèbre medley « Aquarius – Let the Sunshine In ». Il a été fondé par Marilyn McCoo, Florence LaRue, LaMonte McLemore, Billy Davis Jr. et Ron Townson. Le groupe mixe soul, pop avec une touche de psychédélisme pour créer un style bien à eux. Lauryn Hill rend hommage à cet héritage en samplant « Together Let's Find Love » dans son tube « Doo Wop (That Thing) », accompagné d’un vidéoclip qui célèbre à la fois l’élégance du R&B classique et l’énergie brute de la culture hip-hop.
Bob MARLEY & THE WAILERS – Catch a Fire (1972)
Bob Marley incarne bien plus qu’une figure spirituelle pour Lauryn Hill ; il est également le grand-père de cinq de ses enfants, nés de sa relation avec Rohan Marley. Dès ses débuts, Lauryn Hill intègre des influences reggae dans ses titres, aussi bien avec les Fugees que dans sa carrière solo. Dans The Miseducation of Lauryn Hill, elle revisite « Concrete Jungle » en l’adaptant en « Forgive Them Father », tandis que la pochette de l’album rend hommage à « Burnin' ». Dans le projet « Chant Down Babylon », elle prête sa voix et son talent de rappeuse au remix de « Turn Your Lights Down Low ».
Roberta FLACK – Killing Me Softly (1973)
L'histoire de Killing Me softly with his song commence en 1971, au Troubadour Theatre de Los Angeles. Lori Lieberman, alors jeune artiste, y assiste à un concert de Don McLean. Émue par cette expérience, elle écrit un poème décrivant l’intensité de ce moment. Ce texte inspire Norman Gimbel et Charles Fox, qui en font une chanson pour le premier album de Lori, sorti en 1972. Malheureusement, ce titre passe inaperçu. Ce n'est qu'en 1973, sous l'impulsion de Quincy Jones, que Roberta Flack réinterprète la chanson avec une sensibilité soul, la transformant en un classique. En 1996, Lauryn Hill et les Fugees redonnent vie à la chanson dans une version mémorable, intégrée à leur album The Score.
Une médiagraphie de PointCulture réalisée par Dany Ben Felix
À l'occasion de la Blackout Session du13.12.2024 à l'Atelier 210 (Etterbeek) consacré à l'album Miseducation of Lauryn Hill (1998)