La Collection | Musiques classique et contemporaine mars 2021
Sommaire
Alexandre Dumas et la musique - Alpha 2020
En 2020, on commémorait les 150 ans de la mort de l’auteur du Comte de Monte-Cristo. Si, de son propre aveu, Alexandre Dumas n’avait aucun talent musical, il ne dédaignait pas collaborer avec des musiciens, tantôt pour leur fournir un livret d’opéra, tantôt pour leur écrire un poème pour une romance, voire quelques couplets à chanter. Une vingtaine de compositeurs ont ainsi pioché dans ses vers. Le travail de recherche de Claude Schopp, biographe attitré d’Alexandre Dumas père, a consisté à sortir de l’ombre quelques pièces écrites par ces musiciens bien souvent tombés dans les oubliettes de l’histoire, en prenant soin de les encadrer de valeurs sûres (Liszt, Massenet, Duparc, Berlioz). De la même manière, l’interprétation de ces romances est assurée par des chanteurs promus par l’association Jeunes Talents, eux-mêmes accompagnés de musiciens confirmés. Au cours du programme, diverses humeurs sont invitées : la tendresse dans « Amour, printemps » de Guion, l’orientalisme de « La Captive » de Berlioz, la noirceur de « Soleil couchant » de Massenet… Cette plongée dans l’univers mondain des salons français du XIXème est pleine de charme et nous permet de découvrir un pan inattendu de l’œuvre poétique du grand écrivain français.
Strange Meeting, Ensemble Vibrations, Homerecords 2019
L’ensemble Vibrations tire son nom d’une pièce du compositeur belge Jean-Marie Rens. Il est formé de sept flûtistes issus d’horizons musicaux variés. À la fois mise en lumière de la flûte traversière en ensemble et exploration de répertoires larges et ouverts, ce premier album recèle de bien belles découvertes. « Aurore », une œuvre composée par Jean-Luc Fafchamps et créée par l’ensemble Vibrations en 2019, évoque le moment magique qui précède le lever du soleil. La lente mise en mouvement de la nature, s’extirpant peu à peu de la nuit donne à entendre quelques sons épars, qui se multiplient et s’organisent petit à petit pour aboutir à un gai tumulte plein de vitalité. Arnould Massart, compositeur contemporain, musicien de jazz, arrangeur de chansons françaises, est aussi le fondateur des Ateliers du Rythme à Bruxelles. Ses « Douze petits mystères » explorent tout naturellement le monde du rythme dans un ensemble très dynamique et coloré. Le jazz s’invite également, revisité par les musiciens, ainsi que les musiques traditionnelles. Des chants d’oiseaux des forêts suédoises aux mélopées de Turquie, en passant par l’évocation de la flûte de pan roumaine, le programme nous invite en voyage. Une place est accordée aussi à la musique baroque grâce aux admirables transcriptions d’Éric Leleux et en particulier celle de la « Fantaisie n°10 » de Telemann, composée pour un instrument monodique soliste (flûte, hautbois ou violon). À la mélodie initiale s’ajoute toute une harmonie foisonnante, venant renforcer la ligne de chant par un tissu chatoyant. Un programme varié qui permet de découvrir de multiples facettes d’un instrument qui n’a pas fini de nous faire vibrer.
Cavalieri Imperiali, Lambert Colson, InAlto - Ricercar 2020
Le répertoire choisi pour cet enregistrement retrace les influences musicales et les lieux parcourus par deux grands cornettistes du tournant des XVIème et XVIIème siècles. Luigi Zenobi (1547/48 – c. 1602) fut engagé plusieurs fois au cours de sa vie à la cour des Habsbourg. Élevé au rang de chevalier par Rodolphe II, il acquit ainsi son surnom de Cavaliere del Cornetto. Après la maison de Habsbourg, Zenobi se rend à la cour d’Este à Ferrare puis à celle du vice-roi de Naples. Un témoin de l’époque évoque particulièrement la finesse de ses nuances et sa justesse. On sait qu’il était apprécié pour d’autres talents artistiques : poète, peintre, miniaturiste et musicologue. Giovanni Sansoni (1593-1648), né à Venise, travaille également à la cour de Habsbourg pour l’archiduc de Vienne, où, lui aussi, sera sacré chevalier. De lui nous sont parvenus quatre motets pour chœur. À sa réputation de virtuose du cornet et du basson s’ajoute celle de professeur renommé. Cette anthologie de pièces destinées au cornet à bouquin, instrument de la famille des cuivres recouvert de parchemin ou de cuir, et aux formes courbes nous plonge dans des sonorités riches en harmoniques et tout en suavité. Le Belge Lambert Colson et son ensemble InAlto réussissent à charmer nos oreilles avec cet instrument d’un autre âge.
Bernard Foccroulle – E vidi quattro stelle – Fuga Libera 2020
La Divine comédie de Dante Alighieri est considérée comme l’œuvre fondatrice de la poésie et de la culture italiennes. Écrite au tout début du XIVème siècle dans la langue vernaculaire de Florence, cette épopée poétique et mystique fait partie des lectures récurrentes de Bernard Foccroulle. À l’occasion de l’inauguration du grand orgue de la salle Henry Le Bœuf en 2017, Ars Musica et Bozar lui ont passé commande d’une œuvre. Plutôt qu’une composition purement instrumentale, il s’est attelé à une scène dramatique pour deux solistes, un cornet, trois trombones, harpe et grand orgue. Le cornet et les trombones sont des instruments d’époque. L’argument est puisé dans de larges extraits du Purgatoire. On assiste à la lente ascension de la montagne menant au Paradis, Dante d’abord conduit par Virgile (Nikolay Borchev) avant de retrouver Béatrice (Alice Foccroulle), son amour morte depuis bien longtemps, qui le guidera vers le repentir et la rédemption. Les lignes vocales, fort accidentées, sont un défi pour les chanteurs et exigent d'eux une grande souplesse. L’orgue, omniprésent, est presque à considérer comme un quatrième protagoniste. L’atmosphère campée par les instruments est chargée de mystère et de poésie. Une superbe réalisation !
Image en bannière : Gustave Doré - Rose Céleste, Dante et Béatrice contemplant l'Empyrée - Illustration du Paradis de Dante (1868)
Nathalie Ronvaux