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Nouveautés sur Sooner, plateforme belge de streaming (II)

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Après une première playlist au mois de juin, PointCulture se penche à nouveau sur les films que propose Sooner, la plateforme belge de streaming. Voici une sélection de films très divers, avec des productions plus anciennes de réalisateurs qui seront en tête d’affiche au mois de novembre et un retour sur le Film Fest de Gand.

Sommaire

Thelma (Joachim Trier, 2017) avec Eili Harboe

Née dans une campagne reculée de la Norvège où elle a longtemps vécu seule avec ses parents ultrareligieux, Thelma part étudier la biologie à l’université d’Oslo. Avec un sentiment aigu de sa différence, elle a du mal à se faire des amis. Lorsqu’Anja, étudiante dans son année, vient s’asseoir à côté d’elle, c’est pour Thelma le déclenchement d’une série de crises qui ont tout de l’épilepsie mais échappent au diagnostic médical. Bientôt l’amitié entre les jeunes filles se mue en attirance. Les crises se font alors plus intenses s’accompagnant de phénomènes inexplicables.

On pourrait croire ce récit très éloigné du réel, des manifestations concrètes des angoisses et désirs afférents à l’entrée dans la vie sociale chez une jeune personne de sexe féminin. Mais ce serait manquer de voir que le genre fantastique offre à Joachim Trier une manière élégante de mettre à l’épreuve l’ambivalence des regards qui étreignent une femme en âge de s’émanciper. Avec ses parents ultrareligieux, Thelma vient lestée d’un fardeau particulièrement lourd en interdits. Le père, un homme doux, aimant et attentionné, rappelle par son caractère excessivement protecteur une crainte immémoriale dont les femmes libres et désirantes ont de tous temps fait les frais. Ainsi Thelma et ses pouvoirs énigmatiques hérités de sa grand-mère constitue-t-elle une menace dans un monde qui exclut l’incontrôlable et l’irrationnel.

La grande qualité de ce film est de nous donner accès à l’intériorité de la jeune fille. Innocente n’est pas un mot excessif pour décrire objectivement la situation d’une enfant qui, en société, se découvre une capacité de nuisance à la mesure de ses désirs. Monstrueuse, Thelma l’est tout autant dans le regard que portent sur elle son père, sa mère, et elle-même par le truchement de l’amour filial et de la religion. Se défaire de cette culpabilité originelle (et performative !) pour aller en conscience à la rencontre de son désir, telle est la trajectoire que décrit Joachim Trier, en montrant bien tout le potentiel d’effroi et de destruction contenu dans un imaginaire captif. (CDP)

Ce film est diffusé sur Sooner dans le cadre du Filmfest Gent et nouveau film de Joachim Trier, Julie (en 12 chapitres), sort en salles le 11 novembre.

The rider (Chloé Zhao, 2017)

Brady Blackburn, jeune homme passionné par les chevaux, vit dans la réserve sioux de Pine Ridge au cœur des vastes plaines du Dakota. Il a récemment eu un accident de rodéo qui lui a laissé une immense cicatrice sur le crâne et des dommages neurologiques provoquant des convulsions de la main. Les médecins lui ont interdit de remonter sur un cheval ; une nouvelle chute serait fatale. Pourtant il a un art inné pour approcher et apprivoiser des chevaux sauvages, comme Apollo qu’il arrive à calmer et harnacher alors que personne d’autre n’y était arrivé avant lui. Cette nouvelle vie lui pèse, il la refuse même, mais il tente en même temps de l’embrasser au mieux. Il prend un travail au supermarché et s’occupe beaucoup de sa petite sœur, Lilly, qui vit dans son propre monde

Bien que proche de l’esprit du documentaire, Chloé Zhao propose une fiction, une histoire jouée par des acteurs, mais le côté réel est très présent, parce que ces acteurs jouent en grande partie leur propre rôle : Blackburn est interprété par Brady Jandreau qui s’est fait un nom dans les rodéos locaux. La réalisatrice installe sa caméra dans les bars, sur les terrains de rodéos, entre les cowboys qui discutent de leurs exploits. Il y a un côté très masculin dans le sport, mettant en avant la force et l’équilibre, mais le film est très doux et mélancolique. Les scènes avec les personnages se mélangent avec de superbes plans de la nature, empreints de magie, très souvent tournés à l’aube et au crépuscule. Chloé Zhao a un don tout particulier pour filmer les paysages sauvages des Etats-Unis, dans la lignée de Terrence Malick. Depuis ce film, elle a réalisé Nomadland, et son prochain long-métrage, Eternals, sort en salles le 3 novembre. (ASDS)

Ce film est diffusé sur Sooner dans le cadre du Filmfest Gent et Eternals sort en salles le 3 novembre.

Still the Water (Naomi Kawase, 2014)

Adolescents âgés de 16 ans, Kaito et Kyoko vivent sur l’île d’Amami-Oshima, dans l’archipel des Ryukyu au sud du Japon. Suite à un typhon, et à la découverte par Kaito du corps tatoué d’un homme sur le rivage, les adolescents se rapprochent, trouvant du confort dans cette relation alors que la vie les tourmente. La maman de Kyoko, une chamane, est atteinte d’une grave maladie et vit ses dernières heures ; celle de Kaito est divorcée et toujours absente, travaillant sans relâche pour subvenir aux besoins de la famille.

L’histoire est assez minimaliste, et ce n’est pas ce qui marque le plus dans ce film. Naomi Kawase a en effet ce don de filmer le Japon, rural de préférence, même si ses incursions dans la ville sont également très réussies, comme dans True Mothers, son film le plus récent. Pour ce long-métrage, elle est descendue dans le sud, dans les îles qui font le lien entre le Japon et Taiwan. C’est un autre monde, dominé par un climat tropical et une végétation luxuriante ; il y a un côté « île du Pacifique ». Inlassablement, elle filme la végétation, la pluie qui tombe, le vent du typhon, et surtout la mer. Ses images sont lumineuses, parfois un peu délavées, donnant un certain cachet au film. Elle se rattache également aux traditions locales, aux histoires des chamanes qui sont toujours aujourd’hui des piliers de la société d’Amami, à la musique et aux chansons si particulières de la région.

Certains pourraient trouver ce film un peu vide et inutile, un peu soporifique aussi, mais la beauté de la cinématographie prend le relais et amène le spectateur dans des ambiances très particulières, très méditatives. (ASDS)

Ce film est diffusé sur Sooner dans le cadre du Filmfest Gent.

Changement d’adresse (Emmanuel Mouret, 2006)

L'année de la sortie d'un certain Camping – production familiale au casting ronflant –, l'actrice Frédérique Bel apparaissait aussi dans Changement d'adresse, un film aux antipodes du premier et destiné à un public de niche, plutôt friand d'une écriture ciselée. Ce sont aussi les débuts d'un jeune cinéaste qui fera parler de lui, par ailleurs souvent comparé à Woody Allen, notamment par sa propension quasi systématique à concevoir et mettre en scène des dynamiques sentimentales inextricables. Dans cette comédie, non content de s'arroger les fonctions de scénariste et réalisateur, Emmanuel Mouret donne également la réplique à Frédérique Bel, Fanny Valette et Danny Brillant pour former un quatuor amoureux des plus dysfonctionnels. Par son emploi subtil de doubles-sens langagiers propres à générer une ambiguïté permanente, le film suscite ainsi son intérêt à travers le caractère inassouvi des relations qu'il dépeint et par la frustration qui s'en suit naturellement dans le chef de son spectateur… jusqu’au dénouement sinon attendu, du moins heureux. (SD)

Grave, (Julia Ducournau, 2017) avec Garance Marillier et Ella Rumpf

A 16 ans, Justine intègre l’école où sa sœur – et avant elle sa mère – suit des études de vétérinaire. Intellectuellement très en avance sur son âge, l’adolescente se retrouve absolument démunie au contact du sang omniprésent pendant les cours et lors des séances de bizutage. Etant encore vierge et n’ayant jamais consommé de viande, les usages du milieu lui semblent d’une violence extrême. Cela jusqu’à ce que, à son corps défendant, elle se découvre un singulier appétit pour la chair crue. Une révélation qui est le point de départ d’un questionnement sur sa propre identité ainsi que sur sa place dans l’histoire familiale.

Résumée de cette manière, l’intrigue a tout pour susciter la suspicion. Julia Ducournau, dont c’est le premier long métrage, n’a heureusement pas le goût des renversements faciles. Son objectif en croisant les codes du récit d’apprentissage et ceux du film d’horreur n’est pas de réactiver le vieux fantasme masculin de la vierge cannibale mortellement attirante. Comme l’indique le prénom sadien de l’héroïne, Justine, l’exhibition d’un désir hors norme sert ici de vecteur à une démarche d’ordre philosophique.

Dans le même temps, il convient d’évacuer l’hypothèse que Grave serait un film féministe. Plus précisément, c’est un film qui pense le féminisme dans sa pluralité, dans ses failles, ses contradictions, ses forces, mais surtout, dans son rapport à l’universel. Ce qui s’incarne à l’image ressort davantage du dialogue (comme chez Sade) que de l’exercice de déconstruction. Ainsi, l’injonction à l’obéissance qui se fait jour au travers du bizutage tombe sous la même critique que le non-conformisme individualiste, attitudes qui toutes deux conduisent à des conduites antisociales de domination. Par ailleurs et de manière il est vrai très schématique, les trois personnages féminins (la mère et les deux sœurs), apportent chacune une réponse différente aux déterminismes biologiques, familiaux et sociétaux que sous-tend la vie d’une femme. Résistance contre l’aliénation et acceptation des contraintes figurent donc au cœur d’un débat moral dont l’émancipation est l’enjeu et le devenir communautaire la fin.

C’est évidemment ces questionnements qui rendent le film passionnant et l’horreur jouissive ou, tout le moins, acceptable. Moyennant un humour douteux qui frôle sans cesse la provocation gratuite, Julia Ducournau prouve qu’on peut encore penser avec le désir et le dégoût, sans tabous. (CDP)


Une playlist réalisée avec le concours de Catherine De Poortere, Simon Delwart et Anne-Sophie De Sutter.

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