PointCulture fête le BIFFF !
Sommaire
Le festival international du film fantastique de Bruxelles, plus connu sous son acronyme BIFFF en est déjà à sa 41ème édition et toutes ses dents (bien élimées). Après le Passage 44, Tour & Taxis, Bozar, l’évènement a investi , depuis l’an dernier, le Palais 10 du Parc des expositions du Heysel. Si son mélange si recherché agrège films « de genre » en provenance de Belgique et du monde entier dans les catégories et sous-catégories de la science-fiction, comédie horrifique, du fantastique, gore, d’animation, et à peu près tout ce qui se trouve entre le B et le Z (…), et décontraction festive et bon enfant, il est une dimension du festival, présente dès l’origine qui n’est jamais assez soulignée, c’est l’aspect thriller ou policier, tendance roman noir !
Des histoires de dettes impayées, de cambriolage qui tournent mal, de vengeances qui se mangent froides mais se dégustent longtemps, de manipulation, de fanatiques politiques ou religieux, et de gens pile au mauvais endroit le mauvais jour…
Et, à PointCulture, si on apprécie tout autant les zombies, croquemitaines, vampires, extraterrestres vengeurs et autres puissances naturelles maléfiques, atmosphères d’Armageddon imminentes... traduites par autant d’acquisitions largement représentées dans nos collections, on profite de l’occasion pour attirer l’attention sur quelques perles de sueurs froides montrées pour la plupart au BIFFF ou qui auraient pu l’être, parfois passées par les salles, et regroupées autour de quelques contrées qui s’en sont fait une spécialité- L’Espagne, la Corée, la Belgique et les pays scandinaves !
Enfin, pour joindre le plaisir à l’agréable, on a complété cette sélection par quelques suggestions de jeux vidéo toujours dans le thème (voir nos rendez-vous)
> FILMS BELGES
The Shift d’Alessandro Tonda (2020)
Un matin comme les autres dans un lycée de Schaerbeek (Bruxelles). Des ados font leur entrée dans l’un des bâtiments comme tous les matins, dans l’insouciance et la bonne humeur. Soudain, l’enfer se déchaine, deux jeunes garçons bloquent l’entrée de l’immeuble, sortent une arme à feu et tirent sur tout ce qui bouge, avant d’actionner leur ceinture d’explosifs ! Non loin de là, Nathalie (Clotilde Hesme) et son collègue Adamo terminent leur service d’ambulancier avant d’être appelés sur les lieux du drame. Au milieu du chaos, on leur confie le corps ensanglanté d’un jeune homme pour l’emmener à l’hôpital le plus proche. Sauf que l’ado blessé, qui est l’un des deux auteurs de l’attentat, se réveille groggy, et atterré d’être encore en vie. Il prend les ambulanciers en otage, ne sachant trop que faire, entre retourner se planquer auprès du cerveau de l’attentat ou trouver un lieu public bien fréquenté où il pourra gagner son martyr ! Et l’ambulance de sillonner sans logique et en tous sens les artères de la capitale européenne, tandis que la police progresse rapidement dans son enquête.
Premier film belge (plutôt belgo-italien) à recevoir l’honneur d’ouvrir une édition du BIFFF, The Shift se passe entièrement sur une seule journée, voire moins. Construit comme un thriller en écho direct à une actualité toujours récente (les attentats de Bruxelles), le film ne cherche jamais à expliquer ou ou à s’appesantir sur les motivations idéologiques des terroristes, pour se concentrer sur le cas de trois individus embarqués dans une situation d’urgence extrême. On voit ici un cinéma belge décomplexé, que les réussites télévisuelles de La Trêve ou d’Ennemi public ont changé dans son rapport prudent au genre.
Et ça démarre fort, puis zigzague à vive allure entre les quatre points cardinaux et intermédiaires d’une ville dont on s’amuse à pointer la liste dans une configuration cinéma presque inédite. Point positif, des acteurs bien à leur place (le jeune djihadiste), ou pas assez souvent vus dans ce registre (Clotilde Hesme, toujours trop rare à l’écran). Là où d’autres (le papa du garçon, le flic en chef) semblent débiter un texte par trop écrit pour paraitre totalement crédible. Mais le film a aussi un peu de mal à cacher ses incohérences scénaristiques et – impardonnable – à gérer son sens du rythme… À voir néanmoins. (YH)
Tueurs de François Troukens et Jean-François Hensgens (2017)
Avant de prendre sa retraite du milieu criminel, Frank Valken (Olivier Goumet) réalise un dernier braquage avec son gang mais cela ne se passe pas comme prévu : des tueurs débarquent sur la scène du crime et assassinent tous les témoins présents. Parmi eux se trouvait la juge en charge de l’affaire des Tueurs Fous (clairement inspirée par celle des Tueurs du Brabant). La police (avec entre autres Lubna Azabal et Bouli Lanners) mène l’enquête, plongeant au plus profond des rouages du milieu politique et judiciaire. François Troukens et Jean-François Hensgens ont réalisé un thriller palpitant, avec des moments d’action assez incroyables et des scènes quelque peu surréalistes (Kevin Janssens qui attaque une prison en burqa, par exemple). Ils ont également l’art de filmer la Belgique et Bruxelles de nuit, créant une atmosphère très particulière. (ASDS)
Calvaire de Fabrice Du Welz (2004)
A mi-chemin entre un thriller et un film d’horreur, Fabrice Du Welz emmène le spectateur dans les Ardennes belges, dans un monde étrange peuplé de personnages décalés et inquiétants, souvent grotesques et violents. Le chanteur de charme Marc Stevens (Laurent Lucas) tombe en panne dans la forêt au milieu de la nuit, sous une pluie diluvienne et c’est alors que commence pour lui un calvaire horrifique, ne lui laissant pas une seconde de répit. Fabrice Du Welz n’a pas peur de filmer l’insupportable, la laideur et l’extrême, le tout teinté d’une bonne dose d’humour noir. L’esthétique est sublime, avec un travail très développé sur la lumière mais aussi sur l’invisibilité créée par des brumes quasi mystiques. C’est un film éblouissant au niveau technique mais qui n’est pas à mettre sous les yeux d’âmes sensibles. (ASDS)
> FILMS COREENS
The Chaser de Na Hong-jin (2008)
Joong-ho, un ancien flic devenu proxénète, se retrouve à devoir mener l’enquête lorsqu’il constate la disparition de trois de ses filles. Il s’aperçoit qu’elles avaient toutes vu le même client, facilement identifié par son numéro de portable. Pris dans une course contre la montre effrénée, et en espérant sauver la dernière disparue en date (Mi-jin), Joong-ho doit composer avec un terrible couac des autorités judiciaires qui ont arrêté le tueur pour une banale histoire d’accident de roulage : bien que ce dernier ait confessé ses meurtres, Yeong-min, le serial killer a été relâché. Entretemps, Joong-ho a rencontré la fillette, orpheline de la disparue, totalement perdue. Dans ce polar noir et frénétique, inspiré de faits réels, qui se passe surtout durant la nuit, les femmes subissent une double violence, morale et physique : celle des hommes (dont celle de Joong-ho, anti-héro revenu de tout) et celle, plus symbolique et par défaut, d’un État défaillant et indifférent à leur sort. (YH)
The Murderer de Na Hong-jin (2010)
Dans une ville miséreuse du nord de la Chine jouxtant les frontières de la Russie et de la Corée du Nord où vit une très nombreuse communauté coréenne, un chauffeur de taxi du nom de Gu-nam survit tant bien que mal. Il n’a plus de nouvelles de sa femme, retournée au pays pour y chercher du travail. Un mafieux se propose de l’aider, s’il tue un inconnu – un chef gangster rival – résidant à Séoul. Gu-nam s’y fait conduire clandestinement, mais, bien évidemment, rien ne se passe comme prévu et le chasseur devient à son tour la proie. La fuite se mue en une course-poursuite effrénée, où absolument tous les coups (à l’arme blanche surtout) sont permis, et la résilience – un principe de survie – des corps ensanglantés et martyrisés est poussée dans de telles extrémités qu’elle finit par susciter des bouffées d’humour (gêné) et aussi un bien étrange sentiment de mélancolie. Une œuvre d’une maitrise impressionnante mais sans esbroufe, un polar – forcément sur fond de réalités politiques locales et universelles – qui s’assume pleinement. (YH)
Memories of Murder de Bong Joon-ho (2003)
Sur un scénario inspiré de faits réels et déjà adapté au théâtre – un tueur en série sévit en Corée du Sud durant les années 1980 – le film suit les pérégrinations de Park et Seo, les deux inspecteurs de police chargés de l'enquête sur ces meurtres à répétition. Rapidement, ces deux hommes que tout oppose – l’un vient de Séoul, l’autre végète dans la routine de la campagne autrefois tranquille –, piétinent dans leurs recherches, à mesure de la découverte de nouveaux corps. Sur toile de fond d’un pays qui opère une transition difficile d’un régime militaire fort à une démocratie « sous surveillance », les deux hommes, qui n'en sont plus à une bavure près, en viennent rapidement à recourir à des méthodes illégales, comme extorquer les aveux d'une série de coupables désignés, et à fabriquer de fausses preuves, puis à troquer la rigueur logique contre d’obscures pratiques de voyance chamanique ! Sans succès. Dans ce thriller parfaitement maîtrisé, qui multiplie fausses pistes et ruptures scénaristiques, et où il pleut presque autant que durant les plaies d’Égypte, dans un pays qu’on dirait tout amoché, on passe constamment du glauque au ridicule, et de l’horreur au rire contrit, en suivant le cheminement erratique et surprenant de nos deux tartuffes. On devine petit à petit que la résolution de l’enquête échappera au spectateur. Éprouvant et jubilatoire ! (YH)
Lady Vengeance (Sympathy For Lady Vengeance) de Park Chon-wook (2005)
Lee Geum-ja, une jeune femme coréenne, se retrouve en prison pour l’enlèvement et le meurtre d’un enfant qu’elle n’a pas commis. Elle y prépare minutieusement, treize années durant, sa vengeance envers le vrai coupable. Il s'agit du dernier volet de la trilogie vengeresse entamée en 2002 avec Sympathy for Mister Vengeance et poursuivi par l’emblématique Old Boy. Après deux films aux esthétiques à chaque fois particulières, où l’exécution du processus de vengeance consume tout autant celui qui en est la cible que son auteur, Park Chan-wook suspend ou brise, dans cet ultime volet, le cercle vicieux de la loi dite du talion. Dans ce récit qui entremêle, parfois de façon abrupte, les différents moments d'une histoire étalée sur une quinzaine d’années, le réalisateur use d’une palette picturale soignée, d’une gamme de couleurs où le rouge domine, et de dégradés de noir et blanc qui conduisent le film aux portes d’un conte noir (la pureté immaculée de la neige tombante, le sang écarlate). Avec en sus une actrice qui glisse de l’innocence trahie vers un statut d’ange salvateur, en passant par celui de mère absente, sans jamais perdre de son insondable mystère. (YH)
The Spy Gone North de Yoon Jong-bin (2018)
Inspiré d’une histoire vraie, The Spy Gone North suit un espion sud-coréen qui infiltre les milieux nord-coréens pour découvrir si le pays possède l’arme nucléaire. Contrairement aux films d’espionnage classiques (à la James Bond), ce n’est pas l’action qui prime. La caméra suit en effet Park Seok-young (alias Black Venus) dans la fabrication de son personnage d’homme d’affaires prolixe et dans ses premiers contacts avec sa cible, des officiels nord-coréens travaillant à Pékin. Il y a de longues scènes de conversations, et parfois l’histoire n’a pas l’air d’avancer beaucoup, jusqu’à ce que l’agent Park se rende compte qu’il n’est qu’un pion dans une histoire bien plus importante. C’est un thriller efficace, avec des moments de tension évidents (l’espion va-t-il se faire démasquer ?) mais c’est également une belle analyse du métier et de la situation politique compliquée entre les deux Corées au milieu des années 1990. (ASDS)
> FILMS ESPAGNOLS
Tesis d'Alejandro Amenabar (2006)
En préparant sa thèse sur les violences audiovisuelles, Angela, étudiante en cinéma, découvre un trafic de snuff movies au sein de sa faculté madrilène. Aidée par Chema, un étudiant féru de films gore, elle mène l’enquête, prise entre l’angoisse, la peur et la fascination. Présenté à la fois comme une réflexion sur notre consommation audiovisuelle et une critique de notre voyeurisme morbide, Tesis, premier film du prestigieux Alejandro Amenabar (Ouvre les yeux, The Others,…), est un thriller haletant et foisonnant de surprises. En jouant habilement avec le son et une absence presque complète d’images violentes, la réalisation nous oblige à imaginer nos propres peurs. Vient s’ajouter une grande sobriété de moyens qui amplifie la tension et l’atmosphère âpre, pesante. Un petit chef-d’œuvre qu’on ne se lasse pas de revoir. (J.J.G)
Crime Farpait d'Alex de la Iglesia (2004)
Alex de la Iglesia est connu pour une filmographie sans précédent qui conjugue le thriller à la comédie tout en longeant, d’un côté, les frontières du film d’épouvante et, de l’autre, les limites du bon goût. Septième long métrage du réalisateur, Le Crime Farpait, au lieu de déroger à la règle, est l’exemple exalté de son style atypique et de son humour dévastateur.
Rafael est le stéréotype du macho séducteur, vendeur de prêt-à-porter pour femmes dans un grand magasin. Il aspire à dépasser son rival du rayon homme, Don Antonio Fraguas, pour devenir le responsable de l’étage. Mais, dans une violente dispute avec ce dernier, Rafael le tue par accident dans les cabines d’essayage. Lourdes, la seule vendeuse laide du centre, est l’unique témoin de cette dispute fatale. Elle y voit le moyen de réaliser son désir : se marier avec un homme beau et riche. Alex de la Iglesia a posé ses contraintes et la comédie improbable va crescendo. En accentuant la parodie et les décalages avec le réel, le réalisateur apporte une distance comique qui lui permet de donner à ce thriller toutes les excentricités narratives jusqu’à en ressusciter les morts. A noter aussi, les dialogues rythmés et implacables. Un petit bijou. (J.J.G.)
La Isla Minima d’Alberto Rodriguez (2014)
Début des années 1980, alors que l’Espagne sort à pas timides du franquisme, Juan et Pietro, deux flics que tout sépare, sont envoyés dans une région rurale et marécageuse du sud du pays, afin d’enquêter sur l’assassinat de deux adolescentes au moment de fêtes locales de fin d’été. Une contrée figée dans le passé où les portraits de Franco sont toujours suspendus aux murs et où les langues ne se délient qu’à grand peine (ou quand elles sont forcées de le faire…). Une enquête forcément difficile dans la moiteur estivale d’un horizon désespérément plat de rizières et de bâtisses tristes, et sous un ciel capricieux qui parfois se déchaîne dans des proportions bibliques. A mesure des investigations de ce duo dysfonctionnel qui progresse par à-coups chaotiques remontent à la fois les secrets inavouables d’une région bien trop paisible, mais aussi les soupçons légitimes sur le passé trouble de l’un des enquêteurs. Un film haletant, par ses décors naturels somptueux, une photographie impeccable et un casting parfait, La Isla Minima est aussi la chronique d’un échec annoncé, celle d’un pays qui pensait connaître une transition démocratique paisible mais au prix d’une intolérable cécité mémorielle imposée ! (YH)
La colère d'un homme patient (Tarde Para La Ira) de Raúl Arévalo (2016)
Un braquage de bijouterie qui tourne mal au mitan des années 2000. Le propriétaire est toujours dans le coma huit ans plus tard, alors que le seul homme arrêté dans l’opération – Curro le chauffeur – est sur le point de sortir de prison et de retrouver sa compagne Ana, qui travaille dans le bar de son frère en attendant mieux. Ana est attirée par un client régulier du café, le discret et solitaire José. Celui-ci finit par proposer à la fille et à son fils de vivre un temps dans une bâtisse à l’écart dans la campagne pour échapper aux sautes d’humeur de Curro. José, fils du bijoutier toujours à l’hôpital dans un état végétatif et époux de l’employée sauvagement assassinée lors du cambriolage, détient dès lors un moyen de pression sur l’un des braqueurs pour retrouver les trois autres compagnons d’équipée dont il n’a de fait, que peu de nouvelles. Tarde Para La Ira peut s'enorgueillir d’un véritable pedigree de western moderne ET européen. Une histoire de vies gâchées, de vengeance au long cours et de rédemption impossible sous le soleil impitoyable de l'été espagnol. Maîtrisé de bout en bout et parfaitement interprété, cette « pièce » en 3 actes laisse néanmoins entrevoir une issue de sortie dans son déterminisme tragique. (J.J.G.)
L'Accusé (Contratiempo) d’Oriol Paulo (2016)
À quelques heures de son passage au tribunal, Adrián, accusé du meurtre de sa maîtresse, revoit les grandes lignes de son système de défense avec une célèbre avocate qui n’a jamais perdu un procès. Peu de temps auparavant, Adrián était vu comme un golden boy. À présent, il est surtout perçu comme un menteur patenté. Vis-à-vis de sa femme qu’il trompe et envers la société toute entière lorsqu’il maquille (avec l’aide de son amante) l’accident de roulage mortel qu’il a eu avec un jeune homme sur une route de montagne isolée en disparition inexpliquée. Alternant les scènes de huis-clos sous haute tension et les séquences qui dévoilent et reviennent graduellement sur les faits en fonction des points de vue contradictoires exprimés à l’écran, Contratiempo bénéficie d’une mise en scène idoine et étouffante (quoiqu'un peu clinique), mais repose sur un scénario atteint du syndrome post Usual Suspects. Trop de revirements scénaristiques finissent parfois par désavouer un scénario. A vous de voir ! (YH)
> FILMS SCANDINAVES
Riders Of Justice d’Anders Thomas Jensen (2020)
C’est l’automne dans la banlieue de Copenhague. La voiture familiale refusant de démarrer, Mathilde et sa maman se voient contraintes de prendre le train à une heure de pointe. Une fois à bord d’une voiture bien encombrée, un dénommé Otto, statisticien tourmenté et diminué des suites d’un accident de la route, et qui vient de se faire licencier, cède sa place à Emma (la mère) avant que ne survienne un tragique accident ferroviaire qui fauche toute la ligne de sièges où elle venait de s’asseoir.
Alors en mission en Afghanistan, Markus (Mads Mikkelsen, grandiose, comme d’habitude), militaire taciturne rompu à tous les types de combats et de maniements d’armes, rentre dare-dare pour s’occuper de sa fille avec laquelle il entretient des rapports « compliqués ». Il fait alors la connaissance d’Otto et de ses « semblables » - en gros, quatre "nerds" quarantenaires, socialement problématiques, mais férus d’algorithmes et de statistiques, et qui lui exposent l'hypothèse selon laquelle l’accident de sa femme serait de fait un attentat perpétré par une milice armée, mêlée à un procès en cours.
Après quelques hésitations, cette team profondément dysfonctionnelle – quatre « têtes pensantes », et un paquet de muscles (Otto) chapeauté contre son gré par le seul personnage sensé de la bande (Mathilde) – emménage l’immense grange familiale et passe bientôt à l’action.
Et les morts violentes de s’enchainer bientôt à une cadence effrénée sans qu’on sache vraiment qui finalement a fait quoi et pourquoi ? Si on avait connu Anders Thomas Jensen certes plus déjanté (Adam's Apples, Men and Chicken…), Riders Of Justice est sans conteste son film le plus réussi ! Une sorte de satire coup de poing (dans la gueule !) de ces dizaines de films où les personnages semblent avoir partie liée à d’obscurs destins dont il s’agit de décrypter au plus vite les signes (ici au travers de complexes algorithmes et de leur interprétation).
Une comédie trash jubilatoire où une bande de grosses têtes totalement inadaptés à la vie quotidienne en société (et avec leur lot de T.O.C. et de névroses qui vont avec), s’associent à une implacable machine de guerre qui tombe sans crier gare sur le râble de vilains zozos fachos que personne n’ira regretter, et qui pour une fois n'auront peut-être rien fait !
Un film où les ados ont plus de sens civique et de mesure que leurs très immatures et parfois dangereux ainés, qui se termine comme un authentique conte (moral) de Noël, avec neige au dehors, distribution de cadeaux, feu qui crépite dans l’âtre, et même un échantillon de ces moches pulls qu’on ne porte heureusement qu’en cette occasion...(YH)
Les enquêtes du Département V : Miséricorde (Kvinden I Buret) de Mikkel Nørgaard (2013)
Adapté des romans noirs de l’auteur danois Jussi Adler-Olsen, Miséricorde est le premier d’une série de films (6 à ce jour) qui portent à l’écran des enquêtes de police non-résolues ou en voie d’archivage d’une section spéciale de police de Copenhague créée à cet effet. En réalité, le Département V est une sorte voie de garage où échoue après une énième bavure, l'inspecteur Carl Mørck, brillant enquêteur mais totalement inaptes aux relations sociales les plus élémentaires, auquel on colle un inspecteur d’origine syrienne Hafez el Assad. Un binôme aussi antinomique que possible qui ne tarde pas à rouvrir le dossier de la disparition d’une jeune politicienne cinq années auparavant. Passant outre les injonctions de leur hiérarchie et usant parfois de méthodes « inhabituelles » les deux hommes mènent une enquête politico-dramatique aux frontières du sordide sous les lumières déclinantes d’une fin d’automne humide. (YH)
Les enquêtes du Département V : Profanation (Fasandræberne) de Mikkel Nørgaard (2014)
Vingt années après les faits, un double meurtre commis en 1994 dans le pensionnat d'une école privée huppé, le duo Carl Mørck/Hafez el Hassad auquel on a enfin adjoint du renfort en la pétillante et malicieuse secrétaire Rose rouvre l’enquête qui les conduit à reconsidérer la responsabilité du coupable jugé à l’époque (et décédé), à s’intéresser à l’une des plus grandes fortunes du pays, et enfin à suivre la piste d’une femme SDF et sans identité connue... quitte à passer outre les conseils de la hiérarchie de « ne pas aller trop loin ». Glauque et sombre à souhait, ce deuxième volet monte un cran dans le degré de violence exprimée à l’écran. Ce volet met aussi en lumière les travers d’une société danoise en apparence opulente et si paisible, mais où la fortune et un entre-soi trié sur le volet peut suffire à couvrir les expressions de violence sadique les plus abjectes. (YH)
Les enquêtes du Département V : Délivrance (Flaskepost Fra) de Hans Petter Moland (2016)
Une bouteille en mer contenant un étrange message écrit en lettre de sang et revoilà le Département V reparti sur une affaire d’enlèvement d’enfants ciblant tout particulièrement les membres d’une congrégation chrétienne rigoriste repliée sur elle-même. Rapidement, l’enquête vire à une lutte contre la montre entre la police (qui cette fois appuie le Département V) et une sorte de sérial killer méthodique qui semble toujours posséder un coup d’avance. Nouveau réalisateur et météo estivale pour une enquête qui révèlera une nouvelle différence entre les positions pragmatiques et athées exprimées par l’asocial mutique Carl et la croyance « en quelque chose de supérieur » défendue par Hafez. Plus spectaculaire et tendu (les scènes du train) que les deux films précédents (mais au détriment de l’enquête elle-même), Délivrance, probablement influencé par le contexte de DAESH et des attentats islamiques de 2015, tend à montrer que la solidarité face à la souffrance et au drame n’est pas une affaire de croyances religieuses ou d'origines sociales et ethniques. (YH)
Les enquêtes du Département V : Dossier 64 (Journal 64) de Christoffer Boe (2019)
Trois cadavres emmurés derrière un faux mur d’une vieille bâtisse en rénovation conduisent un Département V, au bord de l’implosion, à rouvrir une sombre page de l’histoire du Danemark des années 1960. Sur l’île de Sprogo, des jeunes filles jugées « de mauvaises vie» étaient enfermées, rééduquées et parfois stérilisées de force sous l’égide d’un certain docteur Curt Ward. Lequel possède à présent sa propre clinique qui pratique des avortements dans une relative discrétion. Et bien que sur le départ, Assad accepte d’apporter son concours à l’enquête, d’autant qu’elle semble étrangement liée au drame personnel vécu par l’une de ses proches. Dossier 64 revient sur ces pratiques d’États qui durant des dizaines d’années menèrent des politiques d’eugénisme et de coercition à l’encontre de certaines catégories sociales, en toute impunité. Sans doute le volet de la série au scénario le plus élaboré et où Mørck, fait montre d'une timide mais inouïe expression d’amitié ! (YH)
Bron (The Bridge) d'Hans Rosenfeldt (2011)
Au centre du pont de l'Øresund, qui relie la ville de Malmö à celle de Copenhague, on retrouve le cadavre d’une femme coupée en deux sur la frontière qui sépare la Suède du Danemark. Sagan Noren, enquêtrice suédoise, autiste, psychorigide et sans empathie pour ses interlocuteurs va devoir faire équipe avec son homologue danois, le bon vivant, séducteur et manipulateur Martin Rohde. Ils vont bien vite découvrir que le buste retrouvé appartient à une politicienne suédoise alors que les jambes sont celles d’une prostituée danoise. Leur collaboration risque de durer.
Cette palpitante série policière se caractérise par sa vision à contre-courant de ce que l’on imagine du supposé « bien vivre » scandinave. Le revers du miracle socio-démocrate est criant. Bron dresse un univers d’une noirceur parfaitement opaque qui amoncelle les cadavres sur fond d’arrivisme capitaliste, de familles dysfonctionnelles, de fracture sociale et ségrégationniste. Il décrit un monde de béton, enténébré, dont la lenteur virtuose et glacée est propice pour que s’installent ses personnages complexes, assumés par des acteurs qui ne cherchent pas à s’embellir. (J.J.G.)
> JEU VIDEO : Disco Elysium (2019)
Fin 2019, Za/Um, un studio de jeux vidéo estonien, édite ce qui allait devenir une surprenante pépite en la matière : Disco Elysium. Un tour de force pour ce studio sans la moindre expérience en matière de conception de jeux vidéo. Ce jeu de rôle narratif extraordinairement bien écrit et dense rafle à l’époque de nombreux prix prestigieux au nez et à la barbe de l’industrie lourde du jeu vidéo. En mars 2021, le jeu ressort avec un contenu politique augmenté et le doublage de chacune des lignes de dialogue. Un travail titanesque – un million de mots rédigés – rendu financièrement possible par le succès populaire du jeu. Mars 2021 sonne le tocsin de la commémoration des 150 ans de la Commune de Paris. Disco Elysium en réarticule l’héritage dans un format unique pour un nouveau public.
BRUSSELS INTERNATIONAL FANTASTIC FILM FESTIVAL (BIFFF2023)
Du 11 au 23 avril 2023
Heysel, Brussels Expo, Palais 10 : BIFFF2023
Une médiagraphie réalisée par Anne-Sophie De Sutter, Jean-Jacques Goffinon, Yannick Hustache et Thierry Moutoy.