Reykjavik en musiques
Sommaire
Le rímur, chant ancestral
Style de chant qui peut sembler archaïque et austère pour des oreilles non averties, le rímur est une tradition ancienne qui perdure toutefois dans un pays bien plus connu pour sa pop atmosphérique. Il s'agit de poèmes narratifs d'origine médiévale racontant les épopées locales – les sagas - et des romances chevaleresques sous forme de quatrains, interprétés a cappella et à mi-chemin entre le chant et la récitation. Ces rímur participaient à la vie commune, faisant office de chant de travail à l'intérieur des fermes ou animant les nuits trop sombres lors des soirées en famille ou entre amis. Des artistes islandais contemporains s'y sont intéressés, notamment Sigur Rós et Hilmar Örn Hilmarsson qui ont composé des musiques accompagnées au chant par Steindór Andersen, un des spécialistes du genre. De même, le côté récitatif s'est particulièrement bien adapté à un traitement rap, en collaboration avec Erpur Eyvindar. [ASDS]
K.U.K.L.
L’histoire du groupe K.U.K.L. se lit comme le bottin mondain de la scène punk de Reykjavik. Rassemblés en 1983 pour une émission de radio, Einar Örn Benediktsson, du groupe Purrkur Pillnikk, Björk Gudmundsdóttir des groupes Exodus et Tappi Tíkarrass, Einar Arnaldur Melax de Medúsa, Birgir Mogensen de Spilafífl, ainsi que Sigtryggur Baldursson et Guðlaugur Kristinn Óttarsson de Þeyr, décident de poursuivre l’expérience plus avant sous le nom de K.U.K.L. Ils feront leurs premiers pas sur scène en première partie du groupe Crass en 1983, lors de la tournée islandaise de ces derniers. Einar Örn avait connu les membres du collectif durant ses études à Londres et poursuivra une collaboration avec eux et leur label. Le groupe se séparera après deux albums et la majorité des membres formera le groupe Sykurmolarnir, qui sera plus tard traduit en The Sugarcubes. [BD]
Hilmar Örn Hilmarsson
Malgré sa discrétion, ce musicien est omniprésent dans la
scène expérimentale islandaise. Il a été
claviériste et batteur au sein de nombreux groupes dans les années 1970, dont Fellibylur, Frostrósir, puis Þeyr dont les membres rejoindront ensuite
K.U.K.L. En 1983, il forme le groupe éphémère The Elgar Sisters avec Gudlaugur
Kristinn Óttarsson
et Björk Gudmundsdóttir. Mais c’est surtout en solo et au travers de
ses collaborations avec Current 93, Sigur Rós, Steindór Andersen, Eivør
Pálsdóttir et le Hafler Trio qu’il se fera connaître internationalement. Il
excelle particulièrement dans des compositions épiques à la beauté glaçante, ce
qui l’a amené à travailler avec des réalisateurs comme Henning Carlsen, Jane
Campion et Friðrik Þór Fridriksson. Outre ses activités musicales, Hilmar Örn
Hilmarsson est un spécialiste des anciennes religions nordiques et a été
ordonné en 2003 allsherjargoði, ou
prêtre de l’église païenne viking Asatru. [BD]
Múm
En bientôt vingt années d’activisme musical, et malgré de réguliers changements de personnel, Múm aura maintenu le cap d’une pop d’essence électronique, étrange et comme (inévitablement) réfrigérée. Mélopées miniatures et délicates où les voix résonnent comme des murmures de divinités naturelles ancestrales bienveillantes, les chansons parasitées de Múm regorgent de sonorités et d’architectures sous-jacentes singulières qui traduisent leur penchant pour des instruments inhabituels : mellotron, vibraphone, mélodica ou encore glockenspiel. Un résultat proche d’un enchantement au long cours, une forme de psychédélisme adapté aux solitudes glacées aux cieux incertains. [YH]
Valgeir Sigurdsson
Le musicien appartient à une génération (aussi celle de Nico Muhly par exemple) d’artistes multi-casquettes qui composent, jouent et sont aux manettes de leurs disques (et de ceux des autres) et qui semblent allergiques à toute forme de réduction du champ musical en catégories. Ce patron de studio, chef d’orchestre et co-fondateur du label Bedroom Community, écrit également pour le cinéma et le théâtre. Il dessine les contours d’une musique impressionniste et narrative, aux confins de la pop, d’une électronique paysagiste ou « granuleuse », et d’une approche « post-contemporaine » des arrangements orchestraux. [YH]
Gus Gus
Au départ, collectif artistique interdisciplinaire foutraque comptant jusqu’à dix membres et né au mitan des années 1990 Gus Gus va peu à peu, et parallèlement à ses nombreux changements d’effectif (Emiliana Torrini fit partie du groupe à un moment), se consacrer uniquement à la musique. Mais la finalité de la troupe est demeurée le même, faire danser aussi bien sous le soleil de minuit que durant la longue baisse hivernale de lumière au moyen d’une pop électronique malicieuse et hédoniste, nourrie au trip-hop (au début), à la (tech)house et au post-disco (ensuite). Une pulsion dansante souvent irrésistible qui exhale néanmoins un étrange mais tenace sentiment de mélancolie diaphane. [YH]
Atli Heimir Sveinsson
L’évolution du style d’Atli Heimir Sveinsson semble vouloir résoudre une divergence entre musique nationale et langage abstrait. Un conflit aux allures paradoxales avec d’une part Páll Isólfsson qui, dans les années trente, fonde une école de musique à Reykjavík en y invitant des professeurs allemands et d’autre part Jón Leifs, qui, bien que formé à Leipzig, s’appliquera à développer une esthétique nationale islandaise. Au sortir de la Haute Ecole de Musique de Reykjavík en 1959, Sveinsson s’installe en Allemagne et, en bon prétendant à la modernité, ira se faire adouber en 1963 par les maîtres de Darmstadt, comme Stockhausen, Messiaen ou Ligeti qui l’initieront au langage sériel. En 1964 il part au Pays-Bas afin de se former, auprès de Gottfried Michael Koenig, à la musique électronique. Si ce parcours stylistique devait marquer ses premières œuvres, c’est par l’Orient et sa richesse chromatique, que ses œuvres tardives retrouvent les parfums de sa terre ancestrale. Successivement professeur de composition à la Haute Ecole de Musique de Reykjavík, président de l’Union de Compositeurs Islandais et producteur à la radio islandaise, Sveinsson a su forger les outils d’une culture musicale à la fois nationale et universelle. [JL]
Harpa : salle de concert entre la mer et le ciel
Olafur Eliasson, l'architecte dano-islandais, a participé à la conception de cette merveilleuse salle de spectacles tout en verre, inaugurée le 4 mai 2011. Sa volonté était d’utiliser des matériaux naturels et de permettre l'omniprésence de la lumière et de l’obscurité, tel un miroir de l’été et de l’hiver islandais. Le bâtiment de verre est devenu un repère unique dans le vieux port de Reykjavik, reflétant le ciel et la mer. Après avoir vu son chantier un temps arrêté par la crise financière islandaise de 2008, le 9 décembre 2009, jour de la fête de la musique, le nom de la salle a été choisi parmi 4200 propositions formulées par plus de mille citoyens. C’est la diversité musicale qui anime la programmation de ce bâtiment-sculpture qui servi de décor à un épisode de la série télévisée Sense8 de Lana et Lily Wachowski. Harpa accueille de nombreux festivals tels que Iceland Airwaves, Reykjavik Midsummer Music, les Dark Music Days, le Reykjavik Jazz Festival, Sónar Reykjavík, etc. [IL]
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disques enregistrés à Harpa :
Reykjavíkurdætur : collectif de rap féminin
Les 16 filles de ce groupe fondé en 2013 Reykavík rappent essentiellement en islandais. Leurs tenues sont volontairement provoc ‘ et/ou sexy mais – qu’on ne s’y trompe pas – leurs textes sont clairement féministes. Elles dénoncent également la corruption politique et n’hésitent pas à égratigner la société islandaise, qui a souvent bonne réputation à l’étranger, mais qui, selon elles, est loin d’être aussi parfaite qu’on peut le lire dans la presse internationale. De prime abord, du rap en islandais, cela peut sembler hermétique pour des francophones… mais ça marche ! Le débit rapide rend la prononciation mélodique, les beats électroniques entrainent un dodelinement quasi immédiat. Le seul défaut du groupe ne leur incombe pas : à moins de maitriser la langue islandaise, il est difficile de vraiment saisir la portée de leurs textes. Reykjavíkurdætur est assurément un groupe à part dans le paysage musical islandais. Par leur démarche et leur engagement, le collectif mérite amplement d’être découvert par tous. [SM]
une playlist collective de PointCulture signée :
Anne-Sophie De Sutter, Isabelle Lohisse, Benoit Deuxant, Yannick Hustache, Stéphane Martin et Jacques Ledune.
photo du bandeau:
le groupe K.U.K.L., première moitié des années 1980
- source: icelandicmusic.wordpress.com