Le Shoegaze se caractérise avant tout par l’utilisation intensive de pédales d’effets et d’écho, et le recours à un volume sonore élevé, aboutissant à une trame musicale qui tient tout autant de la rudesse implacable du mur (du son), que de l’étrangeté fluide, insaisissable et parfois lumineuse du brouillard. C’est qu’avec leurs mélodies évanescentes, asexuées, noyées dans un smog dissonant et étrangement mélancolique, un non look informe de post-adolescents boutonneux, des attitudes résolument «antistars» (qui leur valut le sobriquet moqueur « shoegaze »), les shoegazeurs partaient plutôt mal pour s’imposer sur l’arène égotique mouvementée du « rock ‘n’roll circus » ! De fait, ils furent rapidement balayés par les slackers nihilistes US du « grunge » - Nirvana en tête - et par les bellâtres triomphants de la britpop anglaise (Blur, Oasis…). Pourtant, ce rock immersif et sonné comme un crâne émergeant péniblement au petit matin tout endolori des excès de la veille, reproduit dans ses contrastes, une bonne partie du nuancier de sentiments que l’on associe au terme évocateur de  langueur ou de spleen.

Voilà sans doute pourquoi, le shoegaze, tel un serpent de mer du vague à l’âme ad(u)olescent n’en finit pas de revenir depuis 25 ans en suscitant à chaque fois de nouvelles vocations électrifiées, d’infiltrer les genres musicaux voisins (pop, noise rock, psyché) ou de s’insinuer dans des catégories sonores à priori sans lien (metal, electro, ambient). YH