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Pointculture_cms | playlist

Sons d’automne (octobre 2021)

Myriam Gendron "Ma délire" (pochette)
Tous les mois nous vous concocterons des playlists qui se focaliseront sur de multiples supports, du vinyle à la cassette en passant par le CD, le CD-R et bien sûr le support numérique par lequel bon nombre d'artistes et de micro labels ont pris le pas depuis une dizaine d'années de se réapproprier les codes du do it yourself (DIY) mis en évidence sur la plateforme Bandcamp qui reste pour beaucoup le terrain de jeu et d'expérimentations le plus facile d'accès et surtout un espace idéal pour un modèle économique viable à taille humaine.

Sommaire

Myriam Gendron : Ma délire – Songs of Love, Lost & Found

Le label bruxellois Les Albums Claus sort pour l’Europe le deuxième album de la chanteuse et musicienne québécoise Myriam Gendron. Comme son premier album, Not So Deep as a Well (2014, il y a sept ans déjà), mise en musique de poèmes de Dorothy Parker, c’est une pure merveille. En musique, derrière le terme « folk » se cachent deux réalités (parfois liées pour le meilleur, parfois de manière plus superficielle) : d’abord, une musique traditionnelle, populaire, de transmission orale, liée aux terroirs et à l’accompagnement des moments-clés de la vie ; d’autre part, une réappropriation de certains éléments de ces musiques, par une jeunesse souvent urbaine et avide d’authenticité dans les années 1960, 1970 et jusqu’à aujourd’hui. Avec ce nouveau disque où elle cherche sa position par rapport à une série de chansons traditionnelles québécoises, françaises et américaines, Myriam Gendron réussit particulièrement bien – par la liberté de son approche, ne s’interdisant pas la coupe, l’ajout, le collage ou la réécriture partielle pour s’approprier ces musiques et paroles – à faire faire sonner des chansons d’il y a plusieurs siècles ou décennies, à la fois comme un classique des années 1960-1970 et comme un disque des années 2020. Pour « Poor Girl Blues », la musicienne greffe un bout de texte du « Canadien errant » de Leonard Cohen sur la mélodie de « Poor Boy » de Mississippi John Hurt (reprise par John Fahey). Presque au milieu du disque, avec son incorporation de sons d’un atelier de réparation de bateaux, de voix d’enfants et d’actualités radiophoniques, le morceau « Au cœur de ma délire », autant « cinéma pour l’oreille » que simple chanson, est peut-être le plus bel exemple de cette alchimie bouleversante. Les quinze morceaux et les 74 minutes de durée de l’album peuvent faire craindre le disque trop long mais il n’en est rien. Myriam Gendron installe son rythme, ses durées, son degré d’attention et, telle une funambule, évolue avec magie sur une série de fils invisibles qui relient l’acoustique et l’électrique, la langue française et anglaise, le Québec et les États-Unis (cf. les apparitions des amis Chris Corsano et Bill Nace sur deux morceaux). [PD]

Aymeric de Tapol : Lost in the shell

Sorti sur l’excellent label Knotwilg, ce nouvel album d’Aymeric de Tapol rassemble des pièces éparses, réalisées sur plusieurs années. Le résultat est toutefois extrêmement cohérent, et montre le musicien faisant le grand écart entre ses productions de drones électroniques chez Vlek et Angström, ses pièces instrumentales pour orgue électronique chez les disques Lexi, et son intérêt pour les sons et la musique d’Afrique du Nord. Conçus sur une base de synthétiseur modulaire, les morceaux explorent divers approches, ajoutant ici un rythme, ici une voix. Chaque pièce se développe comme un ostinato, une miniature pop décortiquant avec entêtement une idée de départ, un fragment, un pattern, jusqu’à sa conclusion logique ou abrupte. Sautillant d’une séquence à l’autre, rebondissant d’un polyrythme au suivant, le disque chante et danse, trépigne et grogne. Primal et désarmant, il s’écoute en dodelinant. [BD]

Céline Lory : La coupeuse de têtes

Deux ans et demi après la sortie de son premier album, le très intense En corps y​-​bride, sorte de diamant brut ayant déjà l'éclat des plus beaux joyaux, l'auteure-interprète, performeuse et musicienne classique bruxelloise Céline Lory dévoile ses nouvelles chansons sous la forme de singles digitaux qui semblent creuser le même sillon hybride et mutant tel qu'entendu sur son premier opus. Sorti au mois de mai dernier le virevoltant et déroutant La préparation du matin ne pouvait pourtant pas laisser présager un tel virage esthétique sur sa toute nouvelle chanson La coupeuse de têtes. Sans support mélodique et sur base d’un beatboxing inhabituel interrompu par des clusters de claviers, ce single claque comme une longue punchline d’une femme qui se révolte contre la violence subie en rue, la peur qu’elle engendre et l’impact intérieur que cela entraîne. Au-delà du sujet, ce titre a l'effet d'une tornade à la rythmique entêtante dévastant tout ou presque sur son passage. [DMe]

Vikingur Ólafsson : Mozart & Contemporaries

Visage inexpressif, presque austère, décor épuré : la froideur des couvertures d’albums du finlandais Vikingur Ólafsson interpelle. Mais sous leur apparente sévérité se cache en vérité des trésors de musicalité. Les phrasés sensuels et les nuances délicates parent chacune des œuvres que le pianiste interprète, avec ce qu’il faut de charme et de liberté de ton. Ce n’est pas sans raison qu’on le compare parfois à Glenn Gould. De Bach à Philip Glass en passant par Debussy et Rameau, c’est avec un égal bonheur qu’il aborde des répertoires très éclectiques, traitant chaque partition comme si elle venait d’être écrite, lui insufflant ainsi fraîcheur et spontanéité … Pour son sixième album chez Deutsche Grammophon, il a choisi de mêler des œuvres tardives de Mozart à celles de quelques-uns de ses contemporains : Joseph Haydn, Domenico Cimarosa, Carl Philip Emmanuel Bach, et Baldassare Galuppi, un vénitien dont la notoriété fut plus grande que celle de Vivaldi. L’élaboration du programme a tenu compte de la chronologie et des similitudes que ces compositions entretenaient. Ólafsson y a glissé deux transcriptions de sonates de Cimarosa, transformées en véritables moments méditatifs. Une très belle réussite. [NR]

L’Addition = Ypsos X Carlsberg Slim

On l’attendait, le voici enfin sorti ce premier EP de l’addition ; L’alliance de deux rappeurs bruxellois membres du collectif Bunker (mofoke) : Le très productif Ypsos (acolyte de scène de Crapulax, à l’origine du projet 40 MC’s Contre la Violence D’état, et collaborateur du légendaire Smimooz sur l’album French Melancholy) Et le lyriciste Carlsberg Slim qui déjà en 2006 nous régalait de ses textes « amoureusement pervers ». Les deux rappeurs nous proposent ici du Boom Bap « à l’ancienne », de qualité, ponctué de paroles soignées et incisives. Les rimes sont riches, l’écriture est soignée, mature, lucide et poétique et aborde, entres autres des histoires d’amitié, d’esprit d’enfance, de soirées de crevards et de nuits blanches. En véritables emcees alchimistes, Ypsos et Carlsberg Slim transforment Les zigzag en carrés, on a hâte de découvrir la suite de cette collaboration. [IK]

Denis Baeten Trio : Time Bomb

Toujours jeune, mais avec des états de service déjà aussi longs qu’un bras, Denis Baeten, batteur jazz et free rock (L'Héautontimorouménos, Liberati Quartet, Jean-Paul Groove, Soil Painting...), vient de sortir un album-performance avec son trio constitué d’Ambroos De Schepper (Sax alto) et Matteo Mazzù (basse). Un bref documentaire (en Anglais) visible sur les Internets (ci-dessous) revient sur ce bel exploit qui est presque un pied-de-nez à Jack White qui se venta en son temps, d’avoir sorti le « disque le plus rapide du monde », une session live jumelle de son Lazaretto d’album, pliée en moins de 4 heures ! Time Bomb a lui été joué, enregistré, mixé en direct et mis sur clé USB par des musiciens qui ont découvert leur partie en débarquant en studio (ainsi que la graphiste qui a travaillé sur ce qu’elle entendait) ! Un challenge qui lui a néanmoins demandé un an de préparation en amont ! Au final, un disque fébrile et fouineur aux mélodies flottantes mais addictives ! Plus (math) rock au sens « Battlessien » du terme, Denis Baeten a publié avec son autre projet Jean-Paul Groove un délice de clip vidéo azimuté comme il se doit, pour illustrer le titre à ressort « Ex Drummer », inspiré du film éponyme belge. [YH]

Rising Damp : Recognise Fascism

Au printemps 2020, sous le pseudonyme de Rising Damp, la musicienne Michelle Doyle originaire de Dublin a sorti en plein pic de la pandémie qui nous occupe encore une cassette déjà épuisée qu'on peut continuer d'écouter en streaming sur Bandcamp comme une fascinante bande son calquée sur les maux des sociétés occidentales. On y croise les fantômes encore bien présents du label anarcho-punk Crass ainsi que la prose cold wave chère à Anne Clark ou plus récemment assez proche de l'excellent album Talk in a Bit signé de la performeuse anglaise Hannah Silva. Sauf que sur ce premier album, le bien nommé Petrol Factory, on est d'abord presque trop facilement happé par des rythmes proches de l'electronic body music (EBM) mais en bien plus désincarné, froid et minimaliste. Surtout les compositions surprennent par les chemins de traverses arpentés aux confins les plus radicaux d'une forme de techno mutante (l'hypnotique My Motorbike) mais aussi via des morceaux plus aventureux comme le très militant The Bank et la plage titulaire Petrol Factory qu'on pourrait presque écouter comme si on tendait un miroir à l'angoissant Frankie Teardrop de Alan Vega et Martin Rev sur le premier album de Suicide. Enfin il reste ce Recognise Fascism qui pourrait devenir bien malgré lui une sorte d'hymne underground pour les années à venir, un earworm à lui tout seul mais on vous rassure il n'y a pratiquement aucune chance qu'une telle chose se produise un jour et c'est peut-être mieux comme ça ! [DMe]

Rien Virgule : La consolation des violettes

Troisième album en sept ans pour cet énigmatique groupe français. Entre le disque précédent, Le Couronnement de Silex en 2019, et celui-ci, le groupe a été frappé par la perte d’un de ses membres, et a longtemps hésité sur l’attitude à adopter face à cette épreuve. La décision a été prise de continuer la mission et de se lancer, à trois cette fois, dans la réalisation d’un objet à la fois hommage et continuation de leur évolution. On retrouve ici les éléments qui ont construit le son inclassable du groupe : deux synthétiseurs et une batterie sur lesquels vient se poser une voix incantatoire, des formats à la progression lente, des climax cathartiques. Rien virgule est un goût acquis, rien n’est calculé pour séduire l’auditeur. C’est à lui à faire l’effort de se laisser emporter, à naviguer les échardes et les éclats qui lui sont envoyé à la figure et à remonter le courant à la rencontre du groupe. Sa patience et sa confiance seront récompensées par des éclairs de beauté, des fulgurations et des flammes, gemmes dans la boue, qui percent les ténèbres sans prévenir. [BD]

Dry Cleaning : New Long Leg

Sur son premier album, le groupe londonien joue un post-punk tendu qui puise ses influences chez Sonic Youth, Television, Interpol, The Fall, Blonde Redhead, Magazine ou encore PJ Harvey (normal pour un album produit par John Parish) : la basse claque, la guitare est incisive, la batterie martelée. Mais la vraie originalité du quatuor se nomme Florence Shaw : en effet, la chanteuse récite plus qu'elle ne chante, d'une voix grave et sur un ton détaché. Les paroles, souvent sous forme de cut-up, forment des histoires absurdes et/ou cyniques racontées avec un phrasé désabusé. Elle agrémente parfois ses chansons, dépourvues du traditionnel couplet-refrain, d'onomatopées ou de bruitages avec la bouche (il faut l'entendre imiter la sonnerie d'un téléphone sur « Conversation », un morceau du « Sweet Princess EP » sorti en 2019). On dit parfois d'une personne qu'elle pourrait passionner rien qu'en lisant le bottin ou une liste de course, c'est le cas de cette envoûtante et troublante Florence Shaw. [PB]

Ont participé à cette playlist : Nathalie Ronvaux, Philippe Delvosalle, Benoit Deuxant, Yannick Hustache, Igor Karagozian, Pierre Baps et David Mennessier.