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Sons d'été - juillet 2022

Monolithe noir : "Rin" - painting by Nina De Angelis
Un nouvel épisode de notre exploration des sorties musicales récentes, proposées principalement sur la plateforme Bandcamp, disponibles en numérique et sur différents supports. Une sélection du mois fortement teintée de francophonie et de musiques dites "du monde" (Sahara, Indonésie, Brésil).

Sommaire

Monolithe Noir : Rin

Antoine Pasqualini a sans doute emprunté le nom de son « bébé » dans un bouquin éponyme de science-fiction de publié dans les années 1990 (Le Monolithe Noir de Bertrand Passegué), mais ce batteur dans l’âme, qui a déjà connu plus d’une vie musicale en solo ou à plusieurs– citons Overhead ou Arch Woodmann – sortira son troisième album Rin fin août sur le label Capitane Records. Au départ projet électronique en solitaire, Monolithe Noir est passé à un véritable trio avec l’intégration d’un batteur (Christophe Claeys) et d’un bassiste claviériste (Yannick Dupont) autant pour la scène que pour l’écriture. D’ailleurs Rin, qui (selon le dico) veut dire « secret » en breton renvoie directement aux paysages uniques et variés du pays breton qui ont directement influé sur la rudesse granuleuse du son et les multiples sinuosités empruntées par cette electronica indocile et à tête chercheuse.

Trois titres sont d’ores et déjà écoutables ou visibles. L’introductif « Balafen » (voir clip) ressemble à un jogging électronique à petites foulées régulières dont la batterie arrivant à mi-parcours souligne les difficultés croissantes du trajet alors que les claviers maintiennent les pensées du côté de l’imaginaire. « Finvus » est quant à elle une ballade chantée sous un ciel gris de traîne qui s’enfonce dans une lande mélancolique où claviers et guitares se donnent la réplique pour mieux s’y fondre. Enfin « Barra Bouge » qui accueille Jawhar & Mirabelle Gilis résonne d’abord telle une poésie incantatoire et synthétique étrange (et dans un idiome incertain) et s’achève sur une poussée de fièvre instrumentale toute de tension retenue. Prometteur ! [YH]


La Jungle : Ephemeral Feast

Le duo bruxello-montois (à moins que cela ne soit l’inverse ?) revient déjà avec une nouvelle plaque, à peine plus d’un an après leur Fall Off The Apex, avec leur 4 ou 6ème album (selon le type de décompte choisi), nommé Ephemeral Feast, toujours avec le soutien d’un paquet de labels vraiment indie unit pour la cause. Ces marathoniens du live (en période non épidémique) n’ont que peu de pareils pour transformer chacune de leur prestation scénique (depuis le cœur de la fosse avec le public tout autour on le rappelle !) en transe sudatoire cathartique. Ils n’ont, heureusement d’ailleurs, pas troqué les fondements de leur kraut/noise hyperkinétique de base, quelque part entre l’asile supersonique Lightning Bolt (« No Eyes ») et le pensionnat fou fou fou d’Holy Fuck, mais on peut entendre sur ce disque quelques tentatives plutôt réussies d’aller titiller les électrons libres de Liars (« Hallow Love ») ou encore d’Oneida sur leur propre terrain d’expérimentation permanent. De ces derniers et géniaux Américains basés à Brooklyn le, binôme a retenu les bonnes leçons de psychédélisme 2.0 et les applique à leur sauce mayo piquante maison avec brio sur « De Verna », ou encore sur le conclusif de presque dix minutes « VVCCLD » en mode apaisé mais toujours anxiogène. Et même si les sollicitations au slam festif et au déhanchement épileptiques en solitaire sont moins nombreux qu’auparavant (mais c’est toujours le cas avec les discoïdes « Rivari » et « Another Look To The Woman In The Gloom »), La Jungle ne s’est ni de près, ni de loin, laissé tenter à muer doucement en jardin anglais ou en forêt domaniale. Rémy Venant (batterie) et Mathieu Flasse (guitare, voix, synthés, autre) ont apporté menues variations à leur idiome, qui ne s’exprime jamais avec autant d’intensité que sur scène, mais qui titillant le format chanson par les pieds et en se laissant dériver le temps de quelques faux plats soniques bien maîtrisés (« The Lake »), La Jungle pose les jalons supplémentaires sur la voie de la canonisation au firmament des groupes belges (et d’ailleurs) qui comptent réellement musicalement. [YH]


Èlg : Zwarte vijvers

Même si je le souhaitais, je n’arriverais pas à le cacher : j’aime les chansons. Des chansons anonymes surgies du passé, des chansons de traviole tout à fait contemporaines, les chansons mélodramatiques de Christophe, les chansons de variété françaises « instrumentalisées » (dépouillées entre autre de leurs paroles, rendues à l’état instrumental) par Gregory Duby / Solah, les chansons obliques aux arrangements décharnés de Ben Pritchard (cf. sons de printemps – mai 2022)… J’aime la musique du Bruxellois Laurent Gérard (initiales Élg), ses disques et peut-être au moins autant que ses disques, ses concerts et performances. J’aime particulièrement les chansons d’Èlg (son 45t « Triste zoo » pour le label Lexi Disques en 2015 par exemple). J’aime aussi ses spoken words et ses nouvelles radiophoniques. La cassette Zwarte vijvers (les fétichistes du réseau de métro bruxellois reconnaitront l’étymologie) qui propose l’enregistrement d’un concert de 2018 à Bratislava est aux antipodes du format « chanson ». : deux longues plages de presque vingt minutes très très libres dans leur structure et leur rendu, comme déconnectées de tout ancrage ou de toute pesanteur, en pleine lévitation psychédélique. À chaque début de face, ma méfiance se met en veilleuse : vais-je me laisser balader dans ce monde bizarre, puis petit-à-petit par la puissance enivrante de la répétition, la magie opère. On s’installe dans un état second et on s’abandonne, on baisse la garde, on se laisse emporter… [PD]

Autre version – en groupe, en 2021 – du second morceau de la cassette :


Stikstof : Moeras

Huit mois à peine après Familie boven alles (La Famille avant tout) (KS6826), les tauliers du rap belges reviennent avec Moeras (marais) un cinquième album incisif, sombre et envoutant.

Sur les douze morceaux alternant trap, Boom Bap et instrus planantes, les flows de Jazz, Astro et Zwangere Guy se succèdent avec fluidité et complémentarité. Ce qui est nouveau en revanche ce sont les sonorités r’n’b, plus soul et groovy que l’on retrouve sur « L’univers » avec Winne et Smahlo, et « Door Vuur » magnifié par la voix douce et chaude de Demi Lou.

Les textes en neerlandais font toujours la part belle à la capitale belge à ses vices et à ses quartiers populaires. À noter la très belle pochette réalisée par le collectif bruxellois Gogolplex. [IK]


Compilation « Music from Saharan WhatsApp »

Il y a un peu plus de dix ans, le tout nouveau label Sahel Sounds, créé par l’Américain Chris Kirkley sortait l’album Music from Saharan Cellphones, compilant des morceaux d’artistes d’Afrique de l’Ouest qui étaient partagés localement par l’intermédiaire du bluetooth des téléphones portables. Aujourd’hui, la technologie a évolué, et c’est WhatsApp qui est utilisé pour diffuser les nouvelles compositions. En 2020, Kirkley a lancé l’idée de publier sur Bandcamp des EP éphémères avec des morceaux partagés de cette manière, chaque fois pour une durée d’un mois, à prix libre et dont les profits revenaient intégralement aux artistes. Il ne savait donc pas lui-même ce qu’il allait recevoir. Cette manière de travailler réduit les coûts et augmente l’accessibilité de la musique, offrant une image immédiate de ce qui est produit, là, maintenant, dans une région précise. Des labels du passé avaient déjà sorti des disques avec des field recordings mais le modèle financier était tout à fait différent, ne rétribuant pas les artistes – de Moses Asch de Folkways à Alan Bishop de Sublime Frequencies.

Le label sort aujourd’hui un album avec onze des meilleures chansons publiées de cette manière, sous le nom de Music from Saharan WhatsApp. Ce disque nous plonge dans les musiques d’Afrique de l’Ouest, avec du blues à la guitare nigérien (Etran de l’Aïr), des chansons mandingues de la griotte Oumou Diabaté, une mélode d’Amaria Hamadaler (Les Filles de Illighadad) et de la Mauritanienne Veyrouz Mint Seymali, ou encore des morceaux de Bounaly, originaire de Niafunké comme Ali Farka Touré et d’Andal Sukabe, nigérien d’origine wodaabe, deux artistes inédits à ce jour sur le label. Les guitares dominent, des chansons les accompagnent ; le son est brut mais malgré tout très clair même s’il a été envoyé d’abord par WhatsApp. [ASDS]


« Joged Bumbung, Vol.1 »

La collection « Bali Gamelan Sound » sur Bandcamp a été initiée par Agustín Oscar Rissotti, un étudiant argentin à l’Université ISI de Denpasar à Bali. Il s’est donné comme tâche d’assister au plus grand nombre possible de représentations de gamelan sur l’île, et de les enregistrer puis de les publier sur sa page. Il a commencé en 2020 et il y a aujourd’hui une petite vingtaine d’ « albums », représentant divers styles. Il s’agit de captations de type field recording, avec les sons ambiants de la nature et de l’environnement. On entend les oiseaux, les insectes et des gens qui parlent mais cela contribue à rendre ces enregistrements très vivants.

Le Joged Bumbung est une danse sociale qui a pour but de divertir et qui n’appartient pas au répertoire rituel. Les mouvements des danseuses, improvisés et souvent à connotation érotique, sont accompagnés par un gamelan en bambou, le rindink, mais aussi à la flûte suling qui détermine la mélodie. [ASDS]

Apprendre à jouer le rindik :

Pour mieux connaître les musiques d’Indonésie


Sessa : Estrela acesa

C’est l’été, douce farniente, aux sons enveloppés de l’exquise mélopée ensoleillée. On s’imagine couchés, sur le sable des plages de São Paulo, pas trop, juste pour savourer Estrela acesa, le deuxième opus de Sessa. Musique méditative, chansonnettes tranquilles, ces évocations du Brésil passent en revue les sons de la musique populaire (MPB), de la bossa nova et du tropicalisme en mode discret et épuré.Sessa a commencé son éducation musicale dans la synagogue d’une communauté juive séfarade de São Paulo. Après un déménagement à New York et avoir joué de la basse pour le guitariste Yonatan Gat (punk, avant-garde), il s’immerge dans ses racines brésiliennes et réalise Grandeza, une collection de titres colorés, un album positif qui magnifie l’amour, le plaisir ainsi que son pays d’origine.

Beaucoup plus veloutés, les morceaux d’Estrela acesa sont tournés vers le ciel, l’amour spirituel et sensuel et les conséquences oscillant entre bonheur et douleurs. « Que Lado Você Dorme? » (De quel côté dors-tu ?) se montre hypnotique mais balance pourtant paisiblement « Je t’aime, je te déteste et tout le reste… ». Cette rupture trouve-t-elle un apaisement grâce à une chanson de guérison « Canção da Cura » ? Sans doute, car les chansons ont des propriétés curatives et remplissent « la tête, la chair et le cœur » ("Música", "Você É a Música").

Avec des arrangements minimalistes et délicats (guitare nylon, basse et percussions douces), cet album sorti fin juin 2022, nous embarque dans la quiétude des sons d’été, pour nous rappeler « comment la musique fonde notre existence de manière significative, avec son potentiel à enraciner le divin dans un monde moderne dépourvu de poids symbolique » (Sessa). [Daniel Mουσική]


Moor Mother : Jazz Codes

Moins d’un an après son précèdent album, Black Encyclopedia of the air, moins de six mois après la dernière sortie de son groupe Irresistible Entanglements, Open the gates, et moins de deux mois après sa dernière collaboration avec Dj Haram sous le nom de 700 Bliss, Camae Ayewa revient avec un nouveau disque de Moor Mother. Intitulé Jazz Codes, il a pour centre le texte, la poésie, mais aussi l’Histoire, le Jazz, le futur. Il foisonne d’idées musicales comme d’idées tout court. Il déborde de références au continuum de la musique noire, son héritage, sa mémoire, mais aussi son avenir immédiat et son potentiel à longue, voire gtrès longue échéance. Camae Ayewa poursuit son concept de Black quantum futurism, un cadre de réflexion, de production artistique, mêlant afrofuturisme, science-fiction, musique, théorie et arts graphiques. Le processus, bien que complexe, se traduit ici par un album choral, au sens qu’on donne au mot au cinéma : une multitude de points de vue, une multiplication de perspectives pour aborder la réalité sous nos yeux. C’est dans cet esprit, et pour cette raison, que chaque morceau (sauf un) est une collaboration de Camae Ayewa avec un autre artiste, une bonne vingtaine d’invités pour un total de dix-huit morceaux. Le résultat est dense, chargé parfois, mais également fascinant et chaleureux, plus mélodieux et plus chantant qu’à l’accoutumée, et toujours aussi indispensable. [BD]


Arlt : Turnetable

Difficile de faite pour ce disque un texte de présentation plus efficace que celui qui se trouve déjà sur le site du label Murailles Music https://www.muraillesmusic.com/artistes/arlt/. Il y est question de son enregistrement dans la ville de Thiers, dans le département du Puy-de-Dôme en région Auvergne-Rhône-Alpes, ville penchée qui expliquerait le côté de guingois de cet album. Le titre expliquerait lui, le coté circulaire, répétitif et ritournellique du machin qui va du comique au tragique et du tragique au comique et du comique etc. On y retrouve un duo qui est presque un trio avec Sing Sing et Eloïze Decazes rejoints par Ernest Bergez. On y voit le trio devenir fanfare avec la participation de Jérémie Sauvage, de Gilles Poizat et de Béatrice Terasse. On y retrouve les mélodies minimalistes d’Arlt mais dans un autre contexte, aussi joyeux et aussi mélancoliques, mais avec des histoires neuves, des sons nouveaux, des petites choses à raconter avec passion, et des passions à susurrer doucement. Ils sont contents de leur nouveau disque, ils ont raison. [BD]


Emmanuelle Parrenin : Targala, la maison qui n'en est pas une

Emmanuelle Parrenin se décrit comme collecteuse de chansons traditionnelles en zone rurale, et pratiquante d’art-thérapie. La première partie de cette proposition a démarré dans les années 1970 et a mené a un premier album, intitulé Maison rose, paru en 1978. Célébré en son temps comme un souffle de vent frais dans le paysage des musiques traditionnelles de France, il marquait le début d’une carrière prometteuse qui fut interrompue en 1990 par un grave accident. Devenue sourde, Emmanuelle Parrenin guérira en rééduquant progressivement ses oreilles par le chant et la musique. C’est cette pratique personnelle qui la conduira à s’intéresser à la dimension thérapeutique du son. En 2011, elle sort son deuxième album, Maison Cube, fruit de ses recherches médicales et musicales, et d’une série de rencontres et de collaborations avec de nombreux artistes. Ce nouvel album est la dernière partie de sa « trilogie des maisons » et est né lui aussi d’une rencontre, celle du musicien électronique Colin Johnco. Cette nouvelle maison est inspirée en partie par un « voyage immobile » aux portes du désert, où Emmanuelle Parrenin s’est retrouvée bloquée au début du confinement. Le périple s’est transformé en longue contemplation, et c’est le paysage sans cesse changeant qui a donné naissance à ce disque fragile et insaisissable. On y retrouve Etienne Jaumet et Cosmic Neman du groupe Zombie Zombie, Eat Gas, Paulie Jan, Peter Combard, Léo Margue, Quentin Rollet, Gaspar Claus et Philippe Foch. [BD]



Cette playlist a été réalisée par Anne-Sophie De Sutter, Philippe Delvosalle, Benoit Deuxant, Yannick Hustache, Igor Karagozian et Daniel Mousquet.

Image de bannière : pochette de l'album Rin de Monolithe noir - peinture (c) Nina De Angelis.


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