Suzanne Ciani - Ondulations et modulations
Sommaire
Une médiagraphie de PointCulture pour l'Atelier 210 dans le cadre de la BLACKOUT SESSION du 6 février 2024, consacré à l'album Seven waves (1982) de Suzanne Ciani
Suzanne Ciani : Lixiviation (2012)
La discographie de Suzanne Ciani est extrêmement dispersée. Son premier album, Seven Waves (outre un précédent disque publié en 50 exemplaires pour une galerie d’art bruxelloise), sort en 1982. Il sera suivi par plusieurs albums de musique new age (pour le label Private Music de Peter Baumann, et de compositions pour piano pour son propre label, Seventh Waves. Il faudra attendre 2016 pour que le label Finders Keepers s’intéresse à sa carrière plus expérimentale. Une de leurs premières publications des archives de Ciani est une compilation de concerts de Buchla des années 1970 et de jingles publicitaires réalisés pour des firmes comme Coca-Cola, Atari ou ITT TV.
Ohm: The Early Gurus Of Electronic Music : 1948-1980 (2000)
Cette anthologie se consacre comme son titre l’indique aux plus anciens pionniers de la musique électronique et à leurs instruments, depuis le thérémine de Clara Rockmore ou le trautonium d’Oskar Sala jusqu’à la musique ambient de Brian Eno et les collages d’Holger Czukay. Mêlant les laboratoires de la musique savante aux francs-tireurs des circuits électriques, le panorama proposé, quoiqu’exclusivement blanc et occidental, est extrêmement large dans ses approches et dans ses sonorités. On y retrouve également John Chowning, qui fut le professeur de Suzanne Ciani à l’université de Stanford.
Louis and Bebe Barron : Forbidden Planet (1956)
Les premiers sons électroniques ont touché le grand public par le biais du cinéma, notamment de la science-fiction. C’est le cas du thérémine dans The day the earth stood still en 1951. Mais la première bande-son composée exclusivement de musique électronique est celle de Forbidden Planet de Fred Wilcox, en 1956. Conçue par le couple Louis et Bebe Barron, c’est un assemblage de sons tirés de bandes magnétiques, d’oscillateurs, de ring-modulators et de tout un arsenal de circuits primitifs. Cette bande originale est aujourd’hui reconnue comme un moment important dans l’histoire de la musique.
The San Francisco Tape Music Center : 1960's Counterculture & The Avant-Garde (Wow & Flutter) (2008)
C’est dans les locaux du San Francisco Tape Music Center qu’a été développé le célèbre synthétiseur modulaire Buchla. Fondé par les musiciens Morton Subotnik, Ramon Sender et Pauline Oliveros, ce centre, plus tard associé au Mills Collège, était un lieu d’expérimentation dédié à la musique sur bande. En 1962, une commande fut passée à Don Buchla pour développer un instrument électronique destiné à la performance. Le résultat sera la série 100, et Buchla fondera sa propre firme pour le distribuer. Fascinée par l’instrument, Suzanne Ciani travaillera plusieurs années pour la compagnie, afin de payer son exemplaire.
Morton Subotnick : Silver Apples Of The Moon (1994)
Avec ce disque, le compositeur américain Morton Subotnick avait l’intention claire d’établir une série de premières : première pièce pour le Buchla 100, qui venait d’être développé, première œuvre pour synthétiseur analogue solo, premier album de musique électronique commissionnée par un label, etc. Son objectif était, dit-il, de créer des sons que personne n’aurait pu imiter. Rencontrant un étonnant succès critique et commercial, il est aujourd’hui reconnu comme une pierre angulaire dans l’histoire de la musique, tant classique que populaire, et comme un précurseur de l’électronique contemporaine.
Ramon Sender : Worldfood (2004)
Cofondateur du San Francisco Tape Music Center et un des deux commanditaires du synthétiseur Buchla, Ramon Sender publie ici deux œuvres réalisées en 1965, avant la construction de l’instrument, quand il utilisait des appareils électroniques et des enregistreurs à bande magnétique comme sources sonores. Réalisées avec des boucles de voix extraites d’opéras et de messes classiques, la première pièce est un drone immersif, tandis que la seconde présente un collage de sons électroniques primitifs tels qu’on en produisait à l’époque dans les studios de musique expérimentale allemands ou italiens.
Suzanne Ciani : The Private Music Of Suzanne Ciani (1992)
Publiée en 1992, cette compilation s’intéresse à la période new age de Suzanne Ciani. Elle est sortie sur le label Private Music de Peter Baumann (ancien claviériste de Tangerine Dream), à l’origine consacré à la musique « instrumentale », de l’électronique et à la new age, avant d’élargir son champ d’action avec des disques de Ringo Starr, Taj Mahal ou encore Etta James. Les premiers habitués du label sont Yanni, Ravi Shankar, Patrick O’Hearn et plus tard Tangerine Dream. A cette époque, Suzanne Ciani compose principalement pour le piano, accompagné d’effets électroniques et de synthé, et d’instruments acoustiques.
Pauline Oliveros : Four Electronic Pieces 1959-1966 (2008)
Compositrice atypique, Pauline Oliveros a exploré de nombreuses voies musicales, depuis l’accordéon jusqu’à la musique électronique, et a développé le concept de deep listening, une forme de jeu et de composition basée sur l’écoute et la méditation. Elle fut une des cofondatrices du San Francisco tape Music Center où a été conçu le premier Buchla, et a enseigné dans de nombreuses facultés, dont le Mills College. Ses premières œuvres se situaient à l’intersection de la musique sur bande et de l’exploration des premiers appareillages électroniques, filtres et générateurs de fréquences.
Laurie Spiegel : The Expanding Universe (2012)
La compositrice new-yorkaise Laurie Spiegel est avant tout connue pour son travail avec le synthétiseur Buchla et son usage de processus logiques et algorithmiques. Elle a également développé des logiciels musicaux et des instruments interactifs. Ce disque est une réédition, augmentée de quelques pièces antérieures, d’un album paru à l’origine en 1980. Il contient des œuvres pour électronique et des compositions par ordinateur. L’une d’elle, inspirée des théories harmoniques de Johannes Kepler, a été inclus sur le célèbre Golden Record, emporté dans l’espace par la sonde Voyager.
Kaitlyn Aurelia Smith : Euclid (2015)
Ce premier album de Kaitlyn Arelia Smith a été entièrement composé sur un synthétiseur Buchla Music Easel. Il est inspiré entre autres par la musique de Suzanne Ciani, mais aussi celle de Laurie Spiegel, de Terry Riley et par la musique africaine pour le mbira, le « piano à pouces ». Il tire son nom du processus de composition utilisé par la musicienne, basé sur un jeu de figures en trois dimensions, tirées de la géométrie euclidienne. Un an après ce disque, elle collaborera avec Suzanne Ciani pour Sunergy, leur album en duo dans la série FRKWYS du label RVNG intl.
Charles Cohen : A Retrospective (2014)
Charles Cohen a longtemps été en marge des circuits musicaux traditionnels, produisant principalement pour des compagnies de théâtre ou de danse. Actif dès le début des années 1970, il a développé une pratique de l’improvisation, inspirée du free-jazz, qu’il a appliquée au synthétiseur Buchla Music Easel et au Buchla 700. Un des rares connaisseurs de ces deux instruments, il a longtemps privilégié la performance, la scène, et la musique de spectacle, et il a fallu attendre les années 2010 pour que le label Morphine publie des enregistrements de ses compositions et de ses improvisations.
Robert Aiki Aubrey Lowe & Ariel Kalma : FRKWYS vol. 12 (2015)
Le label RVNG Intl. publie dans sa série de duos FRKWYS une rencontre entre deux musiciens d’horizons et de générations différentes. Ariel Kalma est français et a travaillé à l’INA GRM dans les années 1970. Sa production fait se rejoindre l’électronique, la voix et le free jazz, dans des ambiances méditatives proches de la new age. Robert Aiki Aubrey Lowe a participé à plusieurs groupes rock avant de se lancer dans une carrière solo utilisant la voix et le synthétiseur modulaire. Ensemble ils développent des ambiances minimalistes inspirées de la nature entourant la résidence australienne de Kalma.
I Am The Center : Private Issue New Age Music 1950-90 (2013)
Le label Light in the Attic publie avec ce disque une des premières relectures contemporaines de la musique new age, après des années de rejet du style comme étant trop fonctionnel, trop kitsch ou trop sirupeux. Cette anthologie s’intéresse à l’« âge d’or » de ce genre malaimé, entre les années 1950 et 90. Elle démontre sa diversité, passant de pièces méditatives orientalisantes à des expérimentations minimalistes ou psychédéliques. Présenté sans cynisme ni réécriture mensongère de l’histoire, la sélection assume les aspects les plus grandiloquents comme les plus naïfs des intervenants.
Kankyo Ongaku (Japanese Ambient, Environmental & New Age) (2018)
Le Japon a développé une forme de musique électronique particulière, associant la new age typique du pays et les concepts ambient de Brian Eno. L’appellation Kankyo Ongaku se traduit par musique environnementale et recouvre autant les intentions du genre que son usage et sa diffusion, à travers disques et performances, mais aussi dans l’espace public, dans des installations sonores ou des contributions à diverses formes d’architectures acoustiques pour des centres commerciaux, des institutions ou des musées. Cette musique à la base fonctionnelle est aujourd’hui reconnue pour ses qualités artistiques.
Benge : Twenty Systems 1966-1988 (2008)
Benge est le nom de scène de Ben Edwards, musicien britannique et grand collectionneur de machines électroniques en tous genres. Actif depuis 1995, en solo ou au sein du groupe The Maths avec John Foxx, il développe une approche à la fois expérimentale et nostalgique du synthétiseur. Cet album, paru en 2008, est une forme d’exposé archéologique de l’instrument et propose comme son nom l’indique des pièces réalisées au moyen de vingt systèmes différents, depuis le premier modulaire Moog, disponible dans le commerce à partir de 1968, jusqu’au premier synthétiseur entièrement numérique, le Kawai K5M.
Alessandro Cortini : Risveglio (2015)
Avant tout connu comme claviériste du groupe Nine inch Nails, Alessandro Cortini est aussi un spécialiste du synthétiseur modulaire, et notamment des systèmes Buchla. Cet album ayant été créé, d’après la légende, en tournée dans diverses chambres d’hôtel, il a demandé des instruments plus portables et plus légers : un séquenceur Roland Mc202 et une TB303. L’approche musicale est toutefois semblable, basée avant tout sur une série de drones animés d’infimes touches de mouvement. Plus que le geste musical, Cortini privilégie la texture et la tension, et des sonorités toujours un peu vacillantes.
Keith Fullerton Whitman : Multiples (2005)
Bien que cet album commence par une pièce pour cymbale, le reste du disque présente une série de morceaux composés au synthétiseur modulaire. Le musicien américain Keith Fullerton Whitman est actif depuis le début des années 2000 et alterne entre différents modes de travail, utilisant des synthétiseurs analogiques et des processus informatiques pour traiter diverses sources sonores, comme des objets ou des instruments acoustiques. Ce disque utilise un système modulaire Serge, un Buchla Music Box 100, mais aussi un orgue Farfisa, un synthétiseur Yamaha, des guitares et une batterie.
Anthony Child : Electronic Recordings From Maiu Jungle (2016)
Le musicien britannique Anthony Child est plus connu comme producteur de techno sous le nom de Surgeon. Ce disque un peu à part dans sa discographie a été enregistré en deux semaines dans la jungle de Maui, dans l’archipel d’Hawaï. Le son de la nature environnante, la pluie, le vent, les insectes et les oiseaux, s’infiltrent dans des improvisations circulaires et répétitives jouées sur un synthétiseur Buchla Music Easel. Le choix des textures électroniques et les ambiances touffues de la jungle s’y complémentent et se confondent par endroit.
The Female Of The Species (1999)
Publiée en 1999, cette compilation se voulait un état des lieux de la présence féminine sur la scène musicale électronique et expérimentale du moment. Plutôt qu’une vision historique, c’est un plan de coupe dans la musique de son époque, qui traverse les différents genres musicaux qui pouvaient être entendus à la fois dans les rave-parties en plein air et dans les chill-out rooms de certains clubs, dans les années 1990. On y trouve des musiciennes se produisant dans des genres aussi divers que la techno, l’ambient, le noise et la musique électro-acoustique.
Thomas Ankersmit : Live In Utrecht (2010)
Outre les systèmes développés par Don Buchla, un des instruments les plus représentatifs de l’électronique dite « west-coast » est le Serge modular, un synthétiseur insolite créé par Serge Tcherepnin dans les années 1970. Malgré leurs similitudes, il se distingue du Buchla par une approche encore plus expérimentale des possibilités de connexions et une invitation à explorer des sons inhabituels. Le musicien hollandais Thomas Ankersmit a troqué depuis plusieurs années son premier instrument, le saxophone, pour un système modulaire Serge, avec lequel il enregistre et se produit en concert.
Une médiagraphie de PointCulture réalisée par Benoit Deuxant
Image créée par Intelligence Artificielle
Cet article fait partie du dossier Médiagraphies | 2022-24.
Dans le même dossier :