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Une playlist pour Miss Maggie

Crass : "You're Already Dead"
Margaret Thatcher (1925 - 2013) a sans aucun doute été l’une des figures politiques britanniques issues du Parti conservateur les plus controversées et contestées de tous les temps. Première femme élue puis réélue au poste de Premier ministre de 1979 à 1990, elle est l’instigatrice de toute une série de politiques économiques radicales d’inspiration ultra libérale afin de tenter de sortir son pays du marasme profond où il se trouvait à la fin des années 1970. Une thérapie de choc que cette Dame de Fer, par ailleurs proto-eurosceptique et anticommuniste, mena sans grands égards envers ceux qui en payèrent le prix fort : les classes populaires et les métiers relevant des services publics. Les années Thatcher furent donc aussi des années de protestations politiques et sociales où les artistes et les musiciens, de tous horizons, exprimèrent leur dégout et leur colère à l’endroit de Miss Maggie. Soit pour beaucoup, un ennemi aussi détestable que diablement inspirant…

Sommaire

Une note positive

Thatcher était une pionnière de l’idéologie du Girl Power ! — Geri Halliwell (Spice Girl)


Ceux qui souhaitent sa mort (ou s'en réjouissent)

- « Margaret on the Guillotine » par Morrissey

En 1988, l’ex-chanteur de The Smiths sort son premier album solo. Celui qui se revendique alors comme issu de la classe ouvrière – bien loin de ses navrantes prises de position europhobes et islamophobes d’aujourd’hui – place au terminus de son disque (une ballade noctambule où l’Anglais concède avoir rêvé d’une Margaret se dirigeant vers l’échafaud) le bruit de la lame s’abattant abruptement, venant conclure un titre plutôt paisible aux guitares finement dentelées et au refrain obstiné mais sans détour (« When Will You Die ? »). [YH]

- « The Day That Thatcher Dies » par Hefner

Margaret Thatcher n'est plus au pouvoir depuis près de dix ans, mais cela n’est pas assez pour Hefner, groupe anglais mené par le volubile Darren Hayman. Comme pour Morrissey deux ans auparavant, ils attendent carrément que la dame de fer passe de vie à trépas de façon très explicite, et dans la joie ! : « We will laugh the day that Thatcher dies / Even though we know it's not right / We will dance and sing all night ». Et de fait, le titre se termine sur le refrain guilleret « Ding-Dong! The Witch Is Dead » tiré du Magicien d'Oz (cf. ci-dessous). [YH]

- « Ding Dong! The Witch Is Dead » par Judy Garland

Dans le film Le Magicien d’Oz, Dorothy, jouée par Judy Garland, est emmenée par une tornade dans le pays d’Oz. Son arrivée intempestive provoque la mort de la méchante sorcière de l’Est, sur qui s’écrase le cottage qui l’emportait. Cet événement inattendu est célébré par une ronde joyeuse de munchkins chantant leur délivrance de l’oppression. En 2013, le morceau est devenu à nouveau un hymne de réjouissance à la mort de Margaret Thatcher. Si sa personnalité continuait à être révérée à droite, 23 ans après sa démission, elle restait pour beaucoup une figure détestable. Aidé par une campagne sur les réseaux sociaux, le titre est revenu en trombe dans les charts de Grande-Bretagne, atteignant la deuxième place en Angleterre et la première en Écosse, provoquant un dilemme à la BBC, sommée de choisir entre passer le morceau ou le censurer. [BD]

Ceux qui se demandent si elle a des sentiments

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- « How Does It Feel » par Crass

En 1982, un conflit armé éclate entre la Grande-Bretagne et l’Argentine au sujet de la souveraineté d’un archipel (celui des Malouines, ou Falkland) perdu en Atlantique Sud mais toujours sous souveraineté anglaise. Gagné par les Britanniques, le conflit a été pour beaucoup dans la réélection de Margaret Thatcher en 1983. De loin le meilleur représentant de la seconde vague punk anglaise (les auto-proclamés "Not Dead "), Crass balance un titre exocet d’une durée anormale pour le genre (mais pas pour eux) qui revient sur ces jeunes sacrifiés sur l’autel de l’ego de quelques décideurs politiques et militaires, en s’adressant directement à la Première ministre anglaise : « Ça fait quoi d'être la mère d'un millier de morts ? De jeunes hommes reposent maintenant dans des froides tombes, enterrés dans la terre froide. On ne veut pas de cette putain de guerre. » [YH]

Ça fait quoi d'être la mère d'un millier de morts ? — Crass

L’Angleterre sous Margaret Thatcher

- « Yma o Hyd » par Dafydd Iwan

Au Pays de Galles, la victoire électorale des conservateurs et de Margaret Thatcher laisse un goût amer aux indépendantistes de gauche. En 1981, le gouvernement Thatcher décide de renoncer à une chaîne télévisée dédiée à la langue galloise. Les esprits s’enflamment. Dafydd Iwan, chanteur rebelle et engagé politiquement au sein du parti Plaid Cymru (défense des intérêts gallois) publie « Yma O Hyd », un hymne patriotique qui fustige aussi la dame de fer « Malgré Maggie et sa clique, nous serons ici jusqu’à la fin des temps et la langue galloise vivra toujours ». [DM]

- « The Grocer » par Ewan MacColl

Quand il était enfant, le chanteur britannique Ewan MacColl, né de parents écossais, vivait dans la pauvreté et sa famille avait constamment des dettes chez l’épicier. Ceci l’a marqué, et dans sa chanson « The Grocer », il rédige une critique virulente d’une fille d’épicier, Margaret Thatcher, qui a vendu la nation en divers lots, selon les lois de l’offre et la demande. [ASDS]

- « Shipbuilding » et « Tramp the Dirt Down » par Elvis Costello

Par deux fois au moins, Elvis Costello s’en est pris à la Première ministre de son pays. Une première fois en 1982, au moment de la guerre des Malouines avec le titre "Shipbuilding", le chanteur évoque ces ouvriers des chantiers navals à qui elle a donné dans un premier temps du travail, avant de les envoyer au casse-pipe. En 1989, alors que la carrière politique de Margaret Thatcher touche à sa fin, le chanteur à lunettes y va de son « épitaphe chantée » avant l’heure et rêve de marcher sur sa tombe : « When England was the whore of the world, Margaret was her madam » (« Quand l'Angleterre était la putain du monde entier, Margaret en était la maquerelle ») ! [YH]

- « Let’s Start a War (Said Maggie One Day) » et « Maggie, You Cunt» par The Exploited

Né dans les années 1980 et originaire d’Édimbourg, The Exploited, ce virulent rejeton de la seconde vague punk anglaise autoproclamée « Not Dead » emmené par le crêté haut en couleur (mais politiquement ambigu) Wattie Buchan, va, en quelque sorte, trouver en Maggie sa Némésis, pour une décennie au moins. En 1983, son troisième album porte un titre explicite : Let’s Start a War (Said Maggie One Day), un véritable parpaing sonore lancé à la face de Thatcher et des politiques et militaires engagés dans la guerre des Malouines. Deux ans plus tard, sur Horror Epics, il réexpédie une nouvelle salve punk hardcore intitulée « Maggie, You Cunt », un pamphlet décliné à la vitesse de la lumière, qui alterne brefs constats de misère sociale et insultes, au moment du refrain, à l’endroit de la Première ministre. [YH]

- « It Dread Inna Inglan » par Linton Kwesi Johnson

Le morceau démarre comme une chanson de soutien à George Lindo, jeune Noir de Bradford, accusé sans preuve de cambriolage par la police britannique. Il évolue très rapidement en une critique féroce de la politique de Margaret Thatcher, précurseur des politiques racistes anglaises actuelles. En 1978, la Première ministre courtise l’électorat du National Front, le parti d’extrême droite de l’époque. Elle développe une série de mesures discriminatoires et donne à la police des pouvoirs dont elle va abuser à l’encontre des minorités immigrées. À l’inverse de la tradition du reggae roots, Linton Kwesi Johnson va décliner l’illusion du retour à l’Afrique et déclarer : « quoi qu’ils en disent, quoi qu’il arrive, nous, Africains, Indiens et Caribéens, nous sommes aujourd’hui ici pour rester, dans cette Angleterre ». [BD]

- « Stand Down Margaret » par The Beat

Le groupe ska two-tone The Beat (connu hors Grande-Bretagne comme « the English Beat »), sort ce morceau et « Best friend » sur un 45t à double face A. Il s’agit bien sûr d’une critique de la politique autoritaire et inégalitaire de Margaret Thatcher mais le groupe s’attaque avant tout à la personnalité de la Première ministre et son arrogance élitiste. « Stand down » signifie ici autant démissionner que descendre de son piédestal et laisser tomber ses grands airs. Alors que beaucoup célèbrent la réussite sociale de cette fille d’épicier, The Beat argumente qu’adopter l’attitude hautaine des classes aristocratiques britanniques, et son mépris pour le reste de la population, n’est pas une forme d’élévation sociale, mais une confirmation servile de l’ordre établi. [BD]

- « Ghost Town » par The Specials

En avril 1981, des émeutes raciales éclatent dans la banlieue de Londres entre des jeunes pour la plupart d’origine jamaïcaine et la police. Des affrontements de plusieurs jours qui firent dire à Madame Thatcher que « le chômage n'est pas la principale raison des événements », mais qui inspirèrent en retour le « Ghost Town » de The Specials. Un groupe ska multi-ethnique, formé autour de Terry Hall et de Jerry Dammers, qui avait adopté le damier noir et blanc pour emblème en raison de la couleur de peau de ses membres. Outre ses rythmes chaloupés et son chant saccadé et triste, « Ghost Town » décrit une Angleterre urbaine des années 1980 (celle de Maggie) comme peuplée de cités fantômes grises noyées dans un brouillard dense d’où s’échappent d’étranges chœurs foldingues et hantés. [YH]

- « It's Going to Happen » par The Undertones

En 1980, la guerre civile déchire toujours l’Irlande du Nord (l’Ulster) où s’affrontent nationalises (catholiques), luttant pour le rapprochement avec la République d’Irlande, et les unionistes, favorables au maintien de la province dans le Royaume-Uni. Militant de l’IRA provisoire et député à la Chambre des communes, Bobby Sands est incarcéré à la prison de Maze pour possession illégale d’arme. Il y mène, aux côtés de 9 autres compagnons, une grève de la faim afin d’obtenir un statut de prisonnier politique. Ce qui leur sera refusé. Il y meurt le 5 mai 1981. Chef du gouvernement du Royaume-Uni, Margaret Thatcher est allusivement apostrophée dans la chanson « It's Going to Happen » des Irlandais de The Undertones (« It's gonna happen, till you change your mind »). Et, invités à jouer ce titre à l’émission Top of the Pops le même jour, l’un des musiciens porte un brassard noir au bras en signe d’hommage à Bobby Sands. [YH]

The Red Wedge

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- « Going Underground » par The Jam...

Sur ce single tout en ironie mordante paru en 1980, son chanteur Paul Weller avoue voter conservateur (le parti de Margaret Thatcher) pour mieux fustiger l’individualisme conquérant au sein d’une société anglaise fière et belliciste (les Malouines à nouveau). La chanson dispose d’un clip (ce qui est encore rare à l’époque) du même topo où le groupe interprète sa chanson sur un fond blanc puis disparait sous les images d’une explosion nucléaire dans le désert, ou, dans une autre version, sous un empilement de photos d‘anciens premiers ministres anglais, la dernière étant celle de Margaret Thatcher… [YH]

- … et « A Town Called Malice » par les mêmes

Deux ans plus tard, ils remettent le couvert avec le guilleret et dansant « Town Called Malice » (repris sir la BO. du film Billy Elliot) qui parle de ce sentiment de sinistrose urbaine propre aux villes anglaises de l’ère Thatcher (qui n’y est pas citée). [YH]

Paul Weller qui, aux côtés d’une pléthore d’artistes et de musiciens bien en vue à l’époque (Billy Bragg, Jimmy Somerville, Lloyd Cole, Prefab Sprout, Madness, etc.) fonde en 1985, The Red Wedge (la cale ou le coin rouge), un collectif bien décidé à pousser les gens vers les urnes et à influer sur les résultats des élections de 1987 … qui seront un véritable plébiscite pour la Dame de fer. De quoi donner une réponse plus précise à ceux qui prêtent à la musique des capacités propres de changement social.

- « Between the Wars » par Billy Bragg

Cette autre figure centrale du Red Wedge y est allé de sa protest song contre Maggie en empruntant les sentiers acoustiques de la folk-song, bien loin des sonorités synthés et boîtes à rythmes qui dominent la pop du milieu des années 1980. Un titre inspiré des grandes grèves de mineurs des années 1984-1985 contre la fermeture des mines. Grèves qui ne reçurent que très peu de soutien dans la presse britannique, y compris parmi celle de gauche. Il y évoque le sens de la dignité propre aux classes populaires sacrifiées sur l’autel de l’austérité, entre deux guerres où les mêmes servent de chair à canons.

Brexit avant l’heure

- « La dame de fer » par Vulcain

Vulcain est un groupe hard rock et heavy metal français, ils sortent le titre revendicatif « La Dame de fer » en 1985 sur le label Devil’s Records. Ce morceau, moins rapide qu’à l’accoutumée, écorche l’image de Margaret Thatcher, à cette époque Première ministre d’Angleterre. [CL]

- « Miss Maggie » par Renaud

En 1985, le chanteur français Renaud frappait fort, tel un coup de poignard à travers l’image de la ministre anglaise de l’époque, Margaret Thatcher. Avec sa chanson « Miss Maggie » figurant dans l’album Mistral gagnant, l’artiste provoqua un scandale à la limite de l’incident diplomatique entre les deux pays. Le texte fut écrit dans un contexte bien précis, au lendemain de la tragédie du Heysel, où des hooligans déchaînés par la finale (Liverpool/Juventus) en Coupe d'Europe des clubs champions avaient provoqué trente-neuf morts et plus de six cent blessés. Renaud chantera le dégoût que lui inspire la violence des hommes et prétendra que cette chanson est une ode au pacifisme des femmes, toutes les femmes, à part… Madame Thatcher. Pour lui, une « Dame » au pouvoir d’une démocratie doit avoir une attitude plus humaine qu’un homme. Il ne pardonnera pas la politique très ferme du moment de la ministre britannique. [CL]

Une pochette pour finir

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Une playlist collective de PointCulture
Coordonnée par Yannick Hustache et réalisée avec l'aide d'Anne-Sophie De Sutter, Céline Lepinois, Benoit Deuxant, Daniel Mousquet