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Dirk Van Esbroeck

Dirk Van Esbroeck

publié le

Il est des morts que tout le monde salue dans un immense élan de condoléances consensuelles. Chacun sait que lorsqu’un personnage célèbre laisse entrevoir qu’il pourrait se casser la pipe d’un jour à l’autre, les rédactions des grands quotidiens […]

 

Dirk Van Esbroeck

Il est des morts que tout le monde salue dans un immense élan de condoléances consensuelles. Chacun sait que lorsqu’un personnage célèbre laisse entrevoir qu’il pourrait se casser la pipe d’un jour à l’autre, les rédactions des grands quotidiens fourbissent leurs dossiers tandis que les archivistes des chaînes de télévision prennent leurs repères dans leurs « trésors ». Et dès que le people tire sa révérence, c’est l’overdose post-mortem. C’est ce qu’on pourrait appeler le journalisme pompes funèbres et je vous laisse interpréter le mot « pompe » à votre meilleure convenance.
Mais qu’un petit bonhomme, artiste simple de grand talent, s’en aille sur la pointe des pieds, discrètement, pour ne pas chiffonner cette belle hiérarchie et personne n’en parlera. Pas plus que de son vivant, tout simplement.
Des artistes comme ceux-là s’en vont tous les jours. Il n’y a guère de place pour eux entre les deux ou trois pages consacrées au monstre sacré qui vient de quitter la scène pour toujours et sur lequel il est, somme toute, si facile de pondre des tonnes de souvenirs commentés.
Dirk Van Esbroeck ne fut pas un géant de la danse ni un sympathique novateur du rock frenchie, il était un chanteur flamand, un musicien malin, un guitariste latin, un chanteur argentin, un passeur de traditions, un mandoliniste occasionnel, un charangiste à ses heures, un joueur de hautbois pour le fun, un poète pour le plaisir, un troubadour du monde, un petit frère du grand Atahualpa Yupanqui, un amateur des vies qui se chantent.
Il est né en 1946 à Gand, mais il a vécu ensuite en Argentine jusqu’à l’âge de dix-huit ans. Son bagage regorgeait déjà d’un univers qu’il n’allait jamais renier. L’espagnol faisait partie des langues qu’il savait parler autant que chanter. Dans les années 70, il est de l’aventure de l’incontournable groupe Rum, avec Wiet Van de Leest et Paul Rans. Les trois gaillards malicieux et fins musiciens vont s’amuser et nous amuser pendant quelques années à faire revivre et voyager les chansons traditionnelles flamandes, les airs de kermesse, la musique de cirque, la chanson sociale et tout ce que chacun d’entre eux avait envie de donner au public au fil des jours. On vit d’ailleurs très tôt Dirk Van Esbroeck interpréter, seul à la guitare, de superbes chansons du patrimoine d’Atahualpa Yupanqui. Le ton fut donné dès le début. Aucun de ces trois hommes n’allait se laisser enfermer dans un seul et même projet. Les choses ont bougé en tous sens et on a vu Van Esbroeck et son comparse Juan Masondo (qui fut brièvement membre de Rum) créer divers groupes comme Sexteto Tango Al Sur puis Quarteto Tango Al Sur et enfin Tango Al Sur. Il a continué entre ses deux cultures, à l’aise dans l’une comme dans l’autre. Il aimait nous chanter la poésie flamande arrangée à sa façon, parfois même sur des airs de tango. Il nous faisait découvrir une langue populaire que les poètes de chez lui savaient façonner pour chanter le quotidien - écoutez Van op de hoge brug, un poème de Richard Minne chanté de la voix douce et chaleureuse de Dirk.
Dirk Van Esbroeck nous a quittés au mois de mai 2007, dans l’indifférence générale, du moins chez nous en Wallonie ! Un double CD vient de voir le jour et la moindre des choses est de dire que le rôle de la Médiathèque est de montrer cette œuvre et d’en parler. Parce qu’à la Médiathèque nous aimions ce chanteur, cette voix, cette guitare, cette ouverture sur le monde.
Cet album offre une vue magnifique sur les paysages de son chant, de la Flandre à l’Argentine. Mais d’autres disques vous invitent à un retour en arrière qui ne sera guère perte de temps.
Etienne Bours

 

Discographie.

 

Dirk Van Esbroeck :
- Singt / Canta - MN4216 (double)
- Dromen is eenbeetje liegen - QV8402
- Van op de hoge brug - QV8401
- De zee en haar oevers - MN4215
- La voyageuse - QV8403
- Guitarras argentinas - MG7861
- Van Esbroeck - Masondo & Sexteto Tango Al Sur - MG7864
- Canto de nadie - MG7860

 

Rum :
- Rum 1972-1978 - MN4099
- Master serie - MN4100
- Rum - MN4093
- Het beste van Rum - MN4098

 

Tango Al Sur :
- Liberata - MG7470
- Dominguera - MG7471

Voyez également ses participations aux projets collectifs tels que la magnifique série « Tradionele muziek uit Vlaanderen » (MN3534 et suivants) ou au travail sur les chants des grandes campagnes de pêche vers l’Islande : Island & zeemansliederen - MN3672