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Fazil Say, un être libre.

Fazil Say, un être libre.

Fazil Say (1970 - )

publié le par Nathalie Ccoronvaux

Faits et gestes Découvrir Fazil Say, c’est accepter de se laisser saisir par la vitalité absolue que véhiculent l’homme, sa musique et ses créations. C’est accepter de se laisser surprendre par de l’inouï, par une autre vision de l’art musical, par […]

Sommaire

fazil say

Faits

Né à Ankara (Turquie) le 14 janvier 1970, Fazıl Say a étudié le piano et l’improvisation avec Mithat Fenmen, un élève d’Alfred Cortot. A partir de 1987, il se perfectionne avec David Levine à l'Institut Robert Schumann de Düsseldorf et au Conservatoire de Berlin. En 1994, Fazil obtient le prix du Young Concert Artists International Auditions à New York et commence une brillante carrière internationale en tant que soliste de son instrument mais aussi comme partenaire en musique de chambre. En 2004, il initie un festival annuel de piano dans la municipalité d'Antalya en Turquie, l'Antalya Piyano Festivali dont il est le directeur artistique jusqu'en 2014. Durant la saison 2003-2004, il fait ses débuts au Festival de Salzbourg, au Lincoln Center Festival de New York ainsi qu’aux World Piano Series de Tokyo. Sa passion pour le jazz et l’improvisation le pousse à fonder le Wordljazz Quartet avec le joueur de ney Kudsi Ergüner. Il se produit notamment au Festival de Montreux et à Juan-les-Pins.  

En avril 2012, il déclare ouvertement qu'il est athée et se moque sur Twitter d'un imam. Il est poursuivi par la justice turque pour « atteinte aux valeurs religieuses de l'islam », en Turquie le non-respect de la religion musulmane est répréhensible.

Gestes 1 : l’interprète

Son premier enregistrement date de 1998, il est consacré à Mozart. Au programme figure la Sonate Kv331 "Alla Turca" dont le pianiste s’est depuis longtemps emparée, donnant naissance à des variations (AllaTurca Jazz) et des arrangements très imaginatifs.   

En 1999, Fazil enregistre un choix de pièces pour piano de Johann Sebastian  Bach (réf. BB2423) afin de présenter les différents points de vue couverts par le compositeur. Son approche est tout à fait personnelle et témoigne d’une grande liberté de penser.

« Quand je joue Bach, je n’ai qu’un but : passer au-delà du mur. Le paradis est là-bas. Le mur, c’est la note. »

En 1999 encore, Fazil enregistre la version pour piano à 4 mains du Sacre du Printemps d’Igor Stravinsky. Grâce à la technique, il joue les deux parties à lui tout seul mais il n’hésite pas à ajouter des éléments tirés de la partition d’orchestre enrichissant ainsi la partition pour piano à 4 mains. C’est donc une version unique que propose Fazil Say dans cet enregistrement.

« Le Sacre est pour moi un projet très particulier. Je me rappelle, j’avais 19 ans, j’étais seul dans une résidence universitaire à Düsseldorf, le moral à zéro…. J’étais alors très sombre, vraiment déprimé. Je n’arrivais même pas à faire bouger mes doigts, encore moins à jouer du piano… Et puis un soir, j’ai écouté Le Sacre à la radio. Cette musique m’a ramené à la vie, à l’amour de la musique. Elle m’a redonné confiance. Le Sacre représente cela pour moi. »

“Le drame, la folie, la liberté, le chant, les voix du paradis, le chant des oiseaux, le grondement du tonnerre…il faut entendre tout cela si l’on veut comprendre Beethoven.”

“Ce qui nous touche, selon moi, dans la musique de Haydn, c’est l’expression d’un grand amour, avant tout d’un amour pour l’humanité, car dans ses œuvres il nous parle longuement des hommes et de leurs histoires. Des enfants, par exemple : parfois, j’ai comme le sentiment que ce sont deux fillettes qui jouent dans le jardin. Et Haydn a mis en musique leurs conversations, leurs voix, leurs cris, leurs réactions. Oui, je crois que c’est ce qui l’a inspiré. Comme il s’est inspiré, pour les vieillards, de leur sérénité, de leur plénitude, ou bien des rêves, des animaux, de la nature, du jour ou de la nuit. » « La musique de Haydn, c’est avant tout la vie. Sa vie, ou la nôtre aujourd’hui, celle de l’interprète, de l’auditeur, que sais-je encore. Dans sa musique nous allons à la rencontre du vrai. »

“Pour moi, la Sonate en si mineur (de Franz Liszt) est un peu comme une mise en scène, un incarnation spirituelle de Faust, Méphisto, Marguerite, Mime, Siegfried, Fafner, Isolde… Il ne s’agit plus seulement de jouer du piano, mais de vivre ces histoires – disons, ces légendes – en esprit. Il en résulte un univers de couleurs extraordinairement varié, libéré de toutes les contraintes techniques du jeu du piano, qui devient orchestration et, justement, mise en scène. C’est là, ma vision personnelle, émotionnelle de la Sonate en si mineur. »

“Enfant, j’ai eu l’occasion à plusieurs reprises de voir à la télévision turque Leonard Bernstein jouer et diriger Rhapsodie in blues. J’ai donné en concert la Rapsodie pour la première fois à l’âge de dix-sept ans. C’était à Ankara avec l’Orchestre du Conservatoire. Peut-être ne suis-je pas très objectif dans cette écoute mais je dois avouer que Bernstein reste pour moi la référence en soi. C’est une interprétation sophistiquée, comme s’il jouait pour une femme, tard dans la nuit, assis au piano, cigarette au bec et verre de whisky devant lui… »

Toutes les citations sont extraites des livrets de ses enregistrements.

Mais aussi:



Gestes 2: le compositeur

Pour Fazil Say, la composition est intimement liée à l’improvisation. Dans ce domaine, il s’est ouvert un champ de liberté propice à la création. Mais ce constat ne serait pas suffisant pour cerner l’art de Fazil Say. En effet, toute sa musique est inspirée par sa mère patrie, que ce soit la musique, la poésie ou simplement les images : tout parle de la Turquie.

Dès l’âge de 14 ans, alors qu’il est étudiant au Conservatoire d’Ankara, il couche sur papier une Sonate pour piano qui sera bientôt suivie par de la musique de chambre, des pièces sans numéro d’opus dont fait partie  Schwarze Hymnen (1987) pour violon et piano.

Son opus 1 est une des compositions qu’il joue lors du concert où il remporte le prix du Young Concert Artists Auditions à New York : the Four Dances of Nasreddin Hodja. De forme rhapsodique, ces danses sont traversées par l’influx vital qui caractérise la manière de Fazil Say. L’aspect mélodique est influencé par le folklore de son pays et des pays voisins inscrivant le compositeur dans la tradition de créateurs comme Bela Bartok, Leos Janacek et György Ligeti.

Son opus 4  Silk Road pour piano et orchestre de chambre date de 1994 et constitue son deuxième concerto pour son instrument favori.  Les 4 mouvements de l’œuvre évoquent les pays que traverse la route de la soie: Tibet, Inde, Mésopotamie et Anatolie.

Black Earth en 1997 attire l’attention du public sur son oeuvre. Cette pièce est inspirée par une chanson du poète Asik Veysel

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Dès lors, il se tourne vers des formes plus vastes destinées à l’orchestre. En 2001, une commande du ministère de la culture turc sera à l’origine de la composition de son oratorio Nazim sur des textes de Nâzım Hikmet. Cette œuvre pour solistes, chœur et orchestre est suivie en 2003 par Requiem, un autre oratorio dédié au poète Metin Altıok.

En 2007, il s’inspire du célèbre libre Les Contes des 1001 nuits pour écrire un concerto pour violon : 1001 Nights in the Harem. On le voit, l’inspiration du compositeur est profondément ancrée dans ses racines et il n’hésite pas à enrichir les sonorités européennes  avec des instruments faisant partie de la tradition turque comme le ney, le kudum et la darbuka.  Hezarfen, un concerto pour ney et orchestre est un très bel exemple de ce mariage de timbres réussi.


2010 voit la naissance de sa première symphonie, Istanbul Symphony (réf. FS1068), grand chant d’amour pour cette ville à la jonction de deux mondes. La dimension poétique de l’œuvre saute aux oreilles. Une deuxième symphonie ne tarde pas à voir le jour : Mesopotamia (Réf. FS1069) pour grand orchestre et, toujours en 2011, Fazil compose pour Sabine Meyer un Concerto pour clarinette se référant à la vie et à l’œuvre du poète persan Omar Khayyam. La Troisième symphonie Universe  date de 2012. Elle est inspirée par les connaissances scientifiques actuelles concernant la naissance du cosmos. Son catalogue d’œuvres s’enrichit en 2013 d’un Concerto pour deux pianos et orchestre. En 2014, l’opus 50 est basé sur un poème d’Edgar Allan Poe The Bells que Fazil Say traite sur le mode cantate pour soprano, mezzo- soprano, piano et percussion. Aujourd’hui en 2015, le dernier opus en date porte le numéro 62. C’est une symphonie de chambre.

Anne Genette

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