John Hudak
John Hudak
John Hudak est actif, musicalement parlant, depuis les années 80, mais ce n’est que depuis une petite dizaine d’années qu’on le voit apparaître avec de plus en plus de régularité sur la scène de la musique expérimentale. Il faut dire que ses premières œuvres étaient parues soit en cassettes, soit en CDR et chaque fois en tirages (très) limités, dépassant rarement les cinquante exemplaires. Certains d’entre eux commencent à être réédités, comme le magnifique Room with Sky, réédité par le label Spekk et re-masterisé par Stephan Matthieu. Travaillant quasi exclusivement à partir de field recordings et de bandes manipulées, John Hudak a établi un corpus musical extrêmement cohérent, basé sur la réduction des sons de départ en une ligne mélodique minimale ne gardant de ses origines que la musicalité, le sifflotement des fréquences. Déconnectant le rapport entre les éléments concrets de ses enregistrements et les traces qui en subsistent dans le morceau terminé, Hudak joue au théâtre d’ombre, à la construction de fantômes. Par un processus de filtrages successifs et de traitements multiples, Hudak dépouille progressivement ses sons de toute forme de référence directe, et de toute narrativité, privant par la même occasion l’auditeur de toute possibilité d’identification de ces sons. Ses pièces conservent néanmoins la mémoire de leur source dans son « emballage ». En effet, qu’elles soient destinées à des installations ou qu’elles soient destinées au disque, les pièces d’Hudak ont une histoire à raconter, qui est généralement celle de leur création. C’est via cet « emballage », notes de pochettes, photos, vidéos et autres explications, que le poétique fait son retour dans l’œuvre. Une composition comme Tall Grasses (les hautes herbes) ne serait en effet pas la même sans son titre, de même que Brooklyn Bridge, qui n’aurait pas la même « couleur » si on ignorait que le CD est basé sur des enregistrements de vibrations du pont de Brooklyn, à quelques pas de l’appartement de John Hudak. L’album Don't Worry about Anything, I'll Talk to You Tomorrow, tiré d’un message laissé par la mère d’Hudak sur son répondeur, a clairement une histoire à raconter, une charge narrative. Mais à l’instar du travail d’un Francisco Lopez, l’analogie entre la composition et la réalité d’origine est plus dans la conviction qu’une trace de cette dernière subsiste dans la version finale, que dans une volonté de rapprocher les deux, d’illustrer le visible par le son, ou de communiquer une situation. Pour Hudak, en effet, le principal est de savoir que les sons obtenus sont « des sons que l’on peut écouter pendant une longue période de temps, des sons plaisants auprès de qui on se sent bien ». Il faut pour lui que ces sons soient capables de retenir l’attention, de capter l’oreille, de se défendre seuls sans toutefois s’imposer grossièrement. Une grande partie de l’œuvre de John Hudak n’existe pas (encore) sur disque, certaines étant « site-specific », c’est-à-dire des installations qui n’ont de sens qu’en rapport à un lieu particulier, d’autres étant diffusées uniquement sur l’Internet via quelques net-labels de goût.
Le site de John Hudak : http://www.johnhudak.net/
Benoît Deuxant
Discographie sélective :
- « Brooklyn Bridge » - (Shirocoal Recordings, 1998) - XH867E
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« Don't Worry About Anything, I'll Talk to You Tomorrow » - (Alluvial Recordings, 1999) - XH867J
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« Tall Grasses » - (Digital Narcis, 2002) - XH867K
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« Sand or Stars » - (And-Oar, 2005) - XH867D
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« Pieces of Winter » (avec Stephan Mathieu) (Sirr-Ecords, 2004) - XH867N
- « Room with Sky » - (Spekk, 2004) - XH867M
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« Sotto Voice » - (Conv Net Lab, 2005) - XH867O