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Larry "Wild Man" Fischer

Larry Fischer "Wild Man"

publié le

Lorsqu’il ne chante pas, il semblerait que chaque moment de la vie de Larry Fischer soit d’une difficulté insurmontable. Il apparaîtrait même qu’en dehors de ces quelques moments de création sauvage, sa vie ne soit que souffrance et confusion. Et […]


wildmania Lorsqu’il ne chante pas, il semblerait que chaque moment de la vie de Larry Fischer soit d’une difficulté insurmontable. Il apparaîtrait même qu’en dehors de ces quelques moments de création sauvage, sa vie ne soit que souffrance et confusion. Et pourtant, tous les deux jours environ, Larry Fischer décide de quitter le monde du show-business. Il donne pour cette décision de bonnes raisons, entre autres le fait que la CIA et Frank Zappa se sont associés pour mettre sa tête à prix et envoyer à ses trousses des hélicoptères remplis de mercenaires. Né en 1945, Larry Fischer a passé une grande partie de sa vie à fuir des menaces imaginées comme celle-ci, et à désespérer les quelques personnes qui voulaient lui venir en aide. La vie trépidante de Larry Fischer, maniaco-dépressif, schizophrène et paranoïaque clinique, est telle qu’on peut l’imaginer, en dents de scie dans le meilleur des cas. Il est renvoyé de l’école parce qu’incapable de s’empêcher de chanter en classe, envoyé une première fois à l’asile par ses parents, ne sachant plus que faire de lui, libéré puis renvoyé à nouveau après avoir attaqué sa mère avec un couteau de cuisine. Ses séquences paranoïaques lui font rejeter ses amis les uns après les autres et les accepter à nouveau dès l’accès de colère passé. Il passe ainsi de l’amitié la plus sincère à de terribles scènes d’accusation et, parallèlement, de l’enthousiasme le plus exalté à des délires de persécution. Il se représente le monde entier, et surtout l’industrie de la musique, comme rempli de menteurs et de voleurs (Liar & Thief, Don’t Be a Singer.) Et qui pourrait lui prouver le contraire? Sur la jaquette de l’album An Evening With Wild Man Fischer qu’il produisit, Frank Zappa dit de lui : « Wild Man Fischer est une personne réelle qui vit à Hollywood. Enfant, il était très timide. Il n'avait pas d'amis. Un jour, il décida de devenir un peu plus agressif. Il écrivit ses propres chansons et les chanta aux gens qu'il rencontrait en leur expliquant qu'il n'était plus timide désormais. Tous le prirent pour un fou. Sa mère le fit deux fois enfermer dans un hôpital psychiatrique. (…) Attendez plusieurs écoutes avant de décider si vous aimez ce type ou non. Il a quelque chose à vous dire, que vous vouliez l'entendre ou non. » Le portrait-documentaire qu’en a réalisé Josh Rubin en 2005 : Derailroaded est peut-être la meilleure introduction à sa vie et son œuvre. C’est peut-être aussi un des reportages musicaux les plus émouvants qui soit. On y voit un homme entièrement immergé dans son propre délire, jusqu’à la noyade.
Selon la légende, c’est donc Frank Zappa qui découvrit l’homme sauvage. À cette époque (vers 1968) Larry Fischer était un musicien de rue, un excentrique qui avait ses habitudes sur les trottoirs du Sunset Strip d’Hollywood et se produisait dans tous les talent-shows de la région. Zappa décide sur un coup de tête de produire un album de ce qui lui semble être un des musiciens et des chanteurs les plus originaux de son temps et le plus digne de figurer sur son nouveau label Bizarre. L’album deviendra un double album de chansons inqualifiables (c’est à dire impossibles à qualifier, à ranger, comme à juger) mêlant histoires autobiographiques, monologues et chansons exaltées, mélanges de chansons d’enfant (Merry-Go-Round) et de ballades pop décalées. Un album qui sera reçu à l’époque par un grand mouvement d’incompréhension, les uns criant à la provocation facile, les autres à l’exploitation. Peu de gens saisiront le talent et la sincérité de Fischer et mettront cet album sur le compte d’une lubie stupide de Zappa, voire d’une mauvaise blague. La collaboration entre les deux hommes tournera rapidement court, après une sombre question de royalties selon les uns et, selon d’autres, après que les crises de violence de Fischer aient commencé à mettre en danger l’entourage de Zappa et surtout ses enfants. Fischer ne pardonnera jamais à Zappa, qui deviendra pour lui une figure démoniaque récurrente, réapparaissant à intervalles irréguliers dans sa vie (même si Zappa décida alors de ne plus jamais revoir Fischer) et dans ses chansons (Frank sur l’album Pronounced Normal.)
Sa deuxième chance viendra de Rhino Records, un magasin de disques de Los Angeles, où Larry Fischer avait l’habitude de traîner jusqu’au jour où un membre du personnel le reconnaîtra. Fischer, fier, heureux et reconnaissant, s’empressera de composer une chanson en l’honneur du magasin qui en fera sa première sortie discographique (« Go to Rhino Records »), un 45T qu’ils distribueront à leurs clients fidèles dans un premier temps, avant de se décider à le vendre ensuite. Il sera suivi en 1977 d’un album entier: Wildmania, premier album du label. Il faudra ensuite attendre 1981 pour que Fischer enregistre son troisième album Pronounced Normal, toujours chez Rhino Records, un album enregistré avec la complicité du duo de producteurs-musiciens Barnes & Barnes, qui produiront également l’album suivant : Nothing Scary en 1984. Il chantera également avec Rosemary Cloney et Smegma.
Une discographie assez succincte (quatre albums en seize ans, et toujours rien depuis) qui apportera néanmoins à Larry Fischer un public de fans extrêmement fidèle. Il reste aujourd’hui un personnage et un artiste sans commune mesure, ayant construit de toutes pièces un style vocal unique, mélange de chant à tue-tête entrecoupé de ruptures soudaines et d’effets sonores étranges (claquements de langue, onomatopées, etc.) Il s’accompagne quelquefois d’une guitare qui semble étrangement jouer
un morceau différent de celui qu’il chante. Ses textes, généralement autobiographiques, et comme on peut le deviner généralement assez dépressifs (« In the year of 1963, I was committed to a mental institution ! » dans The Story of Wild Man Fischer, « My mother hates me /My sister despises me /My brother-in-law – shwiiit ! - likes to throw darts at me » dans I'm working for the Federal Bureau of Narcotics), sont transfigurés par la fougue de son interprétation, et de tristes complaintes en deviennent des chansons à reprendre en chœur, ce qu’il ne manque pas d’exiger lors de ses rares apparitions publiques. Et comment lui résister…?

C'mon let's merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Me and you can go merry go round !
It's very easy, just go up and down !
C'mon, c'mon let's merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
(…)

Mary taught me to go merry go round !
We're all going merry go round !
C'mon, c'mon let's merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Merry go, merry go, merry go round! Boop boop boop !
Merry go, merry go, merry go round !
say let's merry go, merry go, merry go round !
say let's merry go, merry go, merry go…
Benoît Deuxant


Discographie
- Nothing Scary - XF387P
-
Pronounced Normal - XF387O
-
Wildmania - XF387Q

Le premier album de Larry Fischer, An evening with Wild Man Fisher produit par Frank Zappa en 1968, n’est hélas toujours pas réédité.

"Derailroaded - Inside the Mind of Larry « Wild Man » Fischer" : Josh RUBIN
(États-Unis, 86’, coul., 2005)
TB2422 (DVD)
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