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Matmos

Matmos

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Matmos est ce duo de musiciens californiens, M.C. Schmidt et Drew Daniel, qui sèment le trouble dans le milieu électronique depuis leur premier album paru en 1998, sobrement et curieusement intitulé Matmos. Perplexe et enchanté, le milieu […]

Heureusement la réalité est plus complexe et du coup beaucoup plus passionnante pour les auditeurs. Leurs différents albums recouvrent toutes ces facettes et pourtant on ne peut limiter l’univers musical de Matmos à la somme de ses particularités et encore moins à la somme des ingrédients sonores qui concourent à leurs compositions hybrides et méticuleuses.
Mais, au fait d’où vient ce nom, Matmos, aussi bizarre que leur musique ? Mathmos, ou Matmos, est le lac maléfique qui bouillonne sous la ville du mal, Sogo, dans le film de science-fiction érotique Barbarella réalisé par Roger Vadim en 1968, avec une Jane Fonda aussi candide que jouisseuse dans le rôle-titre. Film d’émancipation sexuelle, adapté de la bande dessinée de Jean-Claude Forest publiée en 1964 aux éditions du Terrain Vague. (Éditeur qui a fait beaucoup pour la libération des mœurs, Éric Losfeld y publie des ouvrages de Marcel Duchamp, Boris Vian, mais aussi d’Emmanuelle Arsan et autres récits érotiques à une époque où ils sont interdits à l’affichage.) Ce qui explique aussi le nom du label Vague Terrain créé par le couple Matmos quarante ans plus tard. Science-fiction, érotisme, dadaïsme, pop art, collage… autant de mots qui correspondent aux créations futuristes de Matmos qui œuvre à sa façon pour la libération des mœurs, notamment musicales.
La musique de Matmos est généralement enjouée, elle invite à la bougeotte selon des rythmiques irrésistibles bien qu’elle soit composée essentiellement de bruits incongrus puisés dans le quotidien de ces jeunes gens modernes, mais aussi en provenance de milieux spécifiques, littéraires, scientifiques ou ludiques. C’est entendu, nombre des réalisations de Matmos peuvent être perçues comme une version pop de la musique concrète. Les pratiques du sampling, du collage cher aux dadaïstes, du cut-up cher à William Burroughs, du séquenceur et du montage prennent ici une tournure d’exception. La musique de Matmos relève aussi de la prouesse technique de chirurgiens, mi-génies, mi-démons, qui opèrent dans les films de David Cronenberg (Dead Ringers) ou plus récemment dans la série télévisée Dexter. N’oublions pas : A Chance to Cut is a Chance to Cure, s’il faut en croire le titre du troisième album de Matmos dédicacé à leurs pères, tous deux médecins.
Musique d’experts et de grand couturiers, les créations de Matmos ne perdent jamais de vue l’aspect ludique et humoristique sans lequel de telles entreprises resteraient froides et inertes comme le bistouri qui les sculpte et triviales comme l’origine de certains sons, à l’image du sampling de la synapse de tissu nerveux d’écrevisse, d’un site industriel dans le Kentucky ou de l’amplification de cheveux, de respirations, de bols d’eau, de trains polonais tout environnés des rumeurs inquiétantes qui closent abruptement la plage terminale, « Schluss » [Fin], de leur premier album Matmos enregistré en 1997. S’il commence par « It Seems » un morceau breakbeat conçu de toutes pièces par une fine dissection de la voix humaine annonçant d’emblée que nous sommes destinés à mourir, « Plastic Minor » poursuit l’aventure polyrythmique en combinant drum collage, beats de basse, accords minimalistes de guitare et déjà une panoplie de sons ôtés avec élégance de leur contexte, des éléments de field-recording dont il est amusant de déceler l’origine. Encore plus organique et percussive, parodiant une danse tribale émanant d’une jungle de carnaval, la transe « … And Silver Light Popped In His Eyes » montre le talent de Matmos à exploiter les genres musicaux tout en les dépassant, ici, la drum’n bass et les relents de musique indus. Un morceau qui se termine tout naturellement par les cliquetis des ciseaux du coiffeur/monteur. « Lunaire » nous plonge dans le trip-hop mélancolique d’un robot en mal d’amour. L’originalité du traitement des sources fait de ce premier disque un modèle d’electronica exaltée qui a retenu les leçons des compositeurs pionniers Edgard Varèse, Pierre Henry et Bernard Parmegiani.
Quasi Objects, second album conçu à la maison, paru en 1998, affine cette approche acoustique, ce rapport intime que les musiciens entretiennent avec les objets non musicaux. Qu’il s’agisse de ballons dont la peau est sujette à manipulations ou de coussin péteur [whoopee cushion], de slide guitar et de guitare téléphone, ou, plus complexes, d’un jeu d’interférences entre des enregistrements silencieux et des talkies-walkies, Quasi Objects est plus conceptuel et technique que le premier album, il est concentré sur les mondes insoupçonnables et la fantaisie sonore permanente dissimulés au fond de ces objets pour qui prend la peine de les révéler. Cette mécanique musicale, plus acoustique, délaissant les références électro évidentes, se rapproche de la poésie de Pierre Bastien tout en privilégiant les grooves les plus dansants. « Cloth Mother/Wire Mother » prouve combien la slide guitar est originale dans les mains de M.C. Schmidt. Une pièce entièrement fondée sur des samples de voix humaine, « Schwitt/Urs », rappelle la scansion de la musique vocale indienne, tout en élargissant le jeu des tonalités et des fréquences pour une parodie électro réussie. « Always Three Words » puissant, sombre, écorché, souligne les liens de Drew Daniel avec le milieu activiste gay nord-américain (Cf. Soft Pink Truth, Terre Thaemlitz). Plage six, le banjo se transforme en danse orientale avant de se disperser en mille morceaux. Tout ce qu’on peut faire de drôle, musical, mélodique et rythmique avec son corps est assemblé dans « The Purple Island » et la parodie électro la plus imprévue revient au séquençage, mixage d’un T-shirt mouillé en « Latex ». Les fans du dancefloor et de l’expérimental sont inséparables sur « Quasi Objects »
En 1999, The West est d’un tout autre tonneau. Il s’agit d’une traversée de l’Amérique du Nord et de ses grands espaces, à travers le prisme de l’électronique, certes, mais aussi, sous l’angle chaud de son fabuleux post rock, épris de ses racines et de soleil couchant criblé de balles perdues. Road-movie version électro – séquenceur et sampler toujours actifs –, The West fonde sa matière sonore, cette relecture sans temps mort, sur les mélodies d’instruments bien réels joués par quelques amis de longue date, musiciens de Slint, Tortoise, Radar Bros., Cul de Sac, For Carnation, Papa M et Neurosis. Le bagage de sons samplés s’est allégé, l’essentiel est utilisé avec le plus grand soin, illustrant et rythmant cette chevauchée instrumentale plus matmosphérique. Les BPM ont cédé du terrain, le temps s’est dilaté, une certaine linéarité remplace les collages frénétiques des premiers albums, ce qui permet à Matmos de mettre en valeur cette instrumentation et de jongler à sa manière avec les fragments de batteries, banjo, guitares, violon. The West Trip Hop Americana cinématique ravira l’auditeur par ses incrustations concrètes et son modernisme discret sans renier le sens du rythme qui évolue du krautrock vers des ébats plus disjonctés.
Avec A Chance to Cut is a Chance to Cure (2001), Matmos renoue ouvertement avec un style électro-pop et technoïde plus convenu qui sied parfaitement au concept de l’album, le milieu high tech et sophistiqué de la chirurgie esthétique, du laboratoire et de l’hôpital en général. Ligne claire, mélodie accueillante, détendez-vous, nous nous activons pour votre bien-être. Première étape : une liposuccion en direct sur un rythme lounge, funk complaisant, où, plus exactement, ce sont les bruits des scalpels, les gargouillements des pipettes et les équipements de la salle d’op qui donnent le ton. Le plus drôle c’est que ce morceau gicleur est taillé sur mesure pour passer dans les bars les plus aseptisés. Soulignons l’intervention judicieuse du clarinettiste free Stephen Thrower (Cf. l’album Scatology de Coil), le jeu de trois guitaristes dont Mark Lightcap du trio Acetone, et la batterie de Steve Goodfriend (Radar Bros.). L’air de rien, cet album aux rythmiques évidentes est d’une grande finesse dans sa manière d’infiltrer une foule de sons concrets et de samples instrumentaux qui se moulent harmonieusement à l’esthétique clubhouse électro de l’ensemble. Des sons que l’on jetterait volontiers avec l’eau du bain deviennent un régal de musique électronique pour mélomanes de tous bords. La techno minimaliste de « L.a.s.i.k. » exploite les sons d’une chirurgie de l’œil ; « Spondee » est une pièce dansante à partir d’une séance de tests auditifs : les références à la discothèque mondiale sont passionnantes : les images défilent. D’une séance d’acupuncture électro minimaliste, « Ur tchun tan tse qi », nous passons à la complainte de la cage du rat Felix dont les barreaux chantent la disparition. Sur « Memento Mori » les tonalités d’un crâne humain, d’une épine dorsale de chèvre et d’une dent artificielle pro

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