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Sandoz

Sandoz

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Pionnier à plus d’un titre, Richard H. Kirk a été en plus de trente ans de carrière musicale au cœur de plusieurs révolutions successives. Crédité avec son groupe Cabaret Voltaire de fondateur (avec Throbbing Gristle) de la musique industrielle, Kirk […]

Composé à l’origine de trois personnes, Chris Watson, Stephen Mallinder et Richard H. Kirk, Cabaret Voltaire a traversé plusieurs phases successives. De ses débuts en 1973 à ses derniers albums dans les années 1990, le groupe a exploré plusieurs formes musicales, inventant la plupart au fur et à mesure de leur développement, passant d’une musique industrielle brute et agressive à une forme subversive de dance music, en passant par une forme hybride de musique tribale électronique. Dans plusieurs cas, il ne s’agissait pas seulement d’évolution mais bien de changements de direction radicaux. Certains furent déclenchés par les changements au sein du personnel, Chris Watson quittant le groupe en 1983 (pour fonder The Hafler Trio avec Andrew Mckenzie), et Stephen Mallinder s’en allant, lui, en 1993, pour s’installer en Australie. D’autres développements étaient des choix délibérés, comme leur assimilation progressive d’éléments empruntés à l’électro et à la house. Cette nouvelle orientation, qui coïncida avec le départ de Watson, répondait à leur volonté de s’attaquer à de nouveaux horizons, après avoir passé dix ans ensemble à défricher les thèmes et les méthodes de la musique industrielle. Ils trouveront ainsi dans le hip-hop, l’électro et la house des éléments et des logiques étrangement similaires à la démarche qu’ils avaient eue jusqu’alors. Là où Cabaret Voltaire avait axé son travail sur les machines d’une part, et principalement les instruments électroniques, et d’autre part sur les samples, sous l’inspiration des célèbres expériences de cut-up de William Burroughs et Brion Gysin, ils découvraient une génération entière de musiciens utilisant des techniques comparables, mais dans un domaine tout à fait différent, celui du dancefloor. Ils intégreront des éléments de hip-hop, d’électro et de house, et s’en approprieront les codes, les sonorités, tout en restant fidèles à leur éthique et à leur volonté de départ. Les derniers albums du groupe seront un mélange de cette nouvelle orientation avec les procédés et les thèmes récurrents depuis les débuts de Cabaret Voltaire : un engagement politique contestataire, un humour cynique et mordant, une volonté de pousser les gens à la réflexion, par la provocation s’il le faut.
Lorsqu’il entamera sa carrière solo, en parallèle avec Cabaret Voltaire, et surtout après l’éclatement final du groupe, Kirk héritera de toutes ses phases successives, de toutes ses différentes démarches, qu’il confrontera avec l’esprit de l’époque. Les temps avaient changé : la musique industrielle avait explosé pour donner naissance à plusieurs nouveaux genres, certains plus commerciaux, d’autres cherchant d’autres formes d’expérimentation, l’Angleterre avait connu plusieurs changements politiques, du conservatisme thatchérien à l’ascension du New Labour, le potentiel subversif du rock avait cédé la place à un conformisme assez consensuel, bientôt concurrencé par les mouvements plus frondeurs de la musique électronique underground.
Il entamera ainsi une quarantaine de projets distincts sous autant de pseudonymes, certains utilisés pour un seul disque, d’autres courant sur plusieurs années, la plupart menés de front, sur des labels différents, dans des styles quelquefois très disparates. Si ses premières productions dans les années 1980 étaient encore proches de celles de Cabaret Voltaire, celles des années 1990 le verront explorer de nouvelles voies. Certaines d’entres elles, comme celles réalisée sous le nom d’Electronic Eye, détourneront les codes de l’ambient, mêlant de longs développements électroniques souvent dépourvus de rythmes (malgré la présence de quelques morceaux électro-funk) à des ambiances plus inquiétantes qu’à l’accoutumée dans ce genre, et à des allusions à la paranoïa naissante d’un Royaume-Uni se lançant dans la surveillance généralisée, illustrée par les CCTV du titre et de la pochette du premier album (Closed Circuit, 1994). Méditatives et retenues comme l’étaient à l’époque les productions étiquetées chill-out de The Orb ou de The Irresistible Force, elles en subvertiront la quiétude par une approche à la fois plus inquiétante et plus lumineuse. D’autres projets, comme ceux publiés sous une ribambelle de pseudonymes sur son propre label Alphaphone, utiliseront les différents idiomes de l’électro-pop et de l’acid-house. Plus légers et plus insouciants en apparence, ce n’était pourtant pas seulement des exercices de style mais des pièces originales montrant la capacité de Kirk à rester lui-même quel que soit le style abordé. Profitant d’un accès illimité à son propre studio, Western Works, mis sur pied depuis l’époque des premiers Cabaret Voltaire, il peut laisser libre cours à son hyper-productivité, élaborant tout d’abord un concept sonore ou rassemblant des idées pour s’enfermer ensuite et produire quelquefois un ou deux morceaux par jour, réalisant certains de ces albums en quelques semaines à peine.
Résidant toujours à Sheffield, où il a débuté, il participera aux premiers pas du label Warp, désormais incontournable, établi lui aussi dans la ville en 1989. Il y publiera en 1991 ce qui est considéré comme le premier album du label, Testone, réalisé avec DJ Parrot (alias Richard Barratt) sous le nom de Sweet Exorcist, et qui serait responsable (avec le premier album de LFO) de l’apparition dans la presse musicale d’une nouvelle sous-catégorie, la bleep techno. Le même duo sera par la suite publié par le label Touch, qui sortira de nombreux albums de Kirk, sous son nom ou bien sous celui de Sandoz, sans doute à ce jour son projet le plus fécond et le plus durable. Débutée en 1993 avec l’album Digital Lifeforms, l’appellation produira une dizaine d’albums, accompagnant l’évolution musicale de Kirk, depuis des albums encore empreints d’acid-house, mais prenant progressivement une orientation plus dub, jusqu’à des disques se revendiquant ouvertement de l’influence des musiques jamaïcaine et africaine, une passion qui l’a toujours marqué. De titres comme Chant to Jah ou Afrocentris à ses albums « in dub », c’est une source d’inspiration qui se fera sentir à travers toute sa production. Outre ces différents labels, une grande partie de son travail sera de plus édité par ses soins à travers son (autre) label, Intone. Désormais seul détenteur du nom et seul membre du groupe, il ressuscitera également Cabaret Voltaire en 2010 pour un album en collaboration avec le groupe australien The Tivoli : National Service Rewind (Shiva Records).

Benoit Deuxant

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