URBNexpo | portrait de Marion Fabien
Marion Fabien (1984 - )
Née en 1984,
A étudié la Sculpture à l’ENSAV La Cambre,
Vit à Bruxelles où elle pratique la sculpture en céramique.
Sur un présentoir blanc est disposée une série de sculptures en céramique. Se déclinant dans une gamme de couleurs limitées (un blanc – cassé – ; un gris ; un brun et un « faux noir », une sorte de vert très foncé et profond), les œuvres ont toutes une base rectangulaire de mêmes dimensions (une vingtaine sur une quinzaine de centimètres). C’est leur hauteur qui varie. À part l’un ou l’autre élément figuratif (une bobine – mais à quelle échelle ? bobine de fil à coudre ou de câble électrique ?), on semble être plus proche de l’univers graphique – géométrique et abstrait – d’El Lissitsky ou de Moholy-Nagy, mais projeté ici dans la troisième dimension – et dans la géométrie singulière (entre plasticité et durcissement à la cuisson) de la terre cuite.
Gros œuvres, le titre de cette série commencée en 2013 par Marion Fabien et quelques photos de chantier présentées un rien à l’écart nous mettent sur la piste : ces compositions ne sont pas si abstraites qu’elles n’y paraissent. « Ces sculptures s’inspirent de photographies que j’ai réalisées dans le chantier de la plus haute tour d’habitation de Belgique, Quai des Péniches à Bruxelles. Ce projet immobilier est un des nombreux exemples de la gentrification de la ville – aux dépens de lieux de vie et d’espaces alternatifs de création tels que La Compilothèque. Je ne me suis pas intéressée au résultat et aux prouesses architecturales mais au chantier lui-même. Chaque jour, dans cette tour, les aménagements changeaient. Mon intérêt s’est porté sur de petites choses aux qualités sculpturales évidentes ignorées par les ouvriers. La céramique implique des notions de temps très importantes (réalisation, séchage, cuisson, émaillage) qui s'oppose à la précarité des installations du chantier. » Si les maquettes d’architectes tendent souvent à l’hyper-réalisme afin de parler aux profanes (décideurs, clients), les « maquettes » de Marion Fabien maintiennent quant à elles leur part de mystère… [PD]
URBNexpo | Marion Fabien expose au PointCulture Charleroi du 9 février au 30 mars 2018
et au PointCulture Bruxelles du 8 février au 17 avril 2018.
- PointCulture : Un lieu urbain
qui vous inspire particulièrement?
Marion Fabien : Je m’intéresse souvent aux territoires en périphérie ou en friche. Zones
délaissées, zones urbaines prioritaires ou en mutation... J'aime
particulièrement les chantiers : leur précarité et leur instabilité. D'un
jour à l'autre ils se transforment. Je m’intéresse aux installations mises en
place pour les besoins propres aux chantiers : cabanons en palettes, abris
en bâches pour protéger telle ou telle chose... D'un point de vue plastique et
sculptural ils sont d'une grande qualité. Les ouvriers construisent des
sculptures de façon inconsciente ! Je trouve cela fascinant.
- Une autre
œuvre sur la ville, par un autre artiste que vous-même, éventuellement
d’une autre discipline, importante à vos yeux?
Le projet de Thomas Hirschhorn, Le Musée précaire Albinet.
C'est un vaste projet qui s'est déployé sur six semaines (après deux
années de préparation) à Aubervilliers dans un quartier dit sensible, en
bas des tours. Tous les habitants ont été sollicités et ont participé,
chacun à sa manière. Ce type de projet ne devrait pas être exceptionnel
mais devrait être commun : sortir les collections d’œuvres d'art des
musées et amener l'art dans les quartiers populaires et la rue. Un très
beau livre [cf. lien ci-dessus] archive tout
le processus de ce long travail collaboratif.
- Une initiative
citoyenne urbaine qui vous semble questionner la ville de manière
pertinente?
D'un point de vue général, j'ai
l'impression qu'il y à de plus en plus de groupes d'habitants qui se forment
pour prendre possession de leur quartier et occuper l'espace urbain par rapport
à leurs besoins. Bon nombre de citoyens occupent des espaces en friche et
s'opposent à des projets immobiliers délirants qui ne répondent pas à leurs
besoins mais à celui des promoteurs immobiliers. Cela me réconforte et me
rassure. C'est une façon de militer, au quotidien, un peu partout. Je vois ça
comme un acte de contestation et c'est bien légitime.