Hugues Warin
Sommaire
L'œuvre de John Coltrane est un fil continu. Un fil tendu entre ses débuts professionnels et la fin de sa vie. Entre la recherche quasi scientifique d'une grammaire harmonique personnelle et l'aboutissement à cette fièvre, ce jeu physique, cette musique dans laquelle la mise à l'épreuve du corps s'agence avec la maîtrise du langage.
Entre ces deux moments, une quinzaine d'années pendant lesquelles le musicien ne s'autorise aucun repos. La vie de John Coltrane est une longue suite de moments « off », de répétitions solitaires dans des loges, des chambres d'hôtels, des lieux en tout genre qui abritent son labeur personnel, et bien sûr de grands moments « in », les disques, les tournées, les festivals et leur lot de traces, de documents attestant que cet homme a bien existé.
Ses débuts timides, son passage chez Miles Davis et Thelonious Monk, la constitution de son quartet et les dernières années avec la jeune garde du Free-Jazz, toutes ces périodes ne s'articulent pas par ruptures mais dans une continuité, une quête de sens et de spiritualité dont l'origine remonte aux traumatismes de sa jeunesse. Spiritualité non-exclusive, car Coltrane n'est pas l'homme d'une religion ou d'une pensée. Sa force se nourrit de tout ce qu'il peut trouver de bon quelle qu'en soit l'origine culturelle, religieuse ou philosophique.
Pour saisir cette ivresse coltrainienne, à côté des grands classiques que sont Giant Steps, My Favorite Things, A Love Supreme ou Ascension, il y a de nombreux « Live », des rééditions augmentées de bonus, d' « alternate takes » ; l'œuvre physique de Coltrane ne cesse de grandir plus de quarante ans après sa mort. C'est peut-être ce foisonnement qui témoigne le mieux de l'urgence dans laquelle était pris le saxophoniste ténor le plus unanimement accepté tant chez les apprentis-jazzmens que chez les plus extrêmes représentants des musiques expérimentales actuelles.
Extraits d'une conférence de Hugues Warin donnée le 1er avril 2014 au PointCulture de Louvain-la-Neuve.