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"Ainsi brament-ils" (Matthieu Cornélis), atmosphères sonores et forestières

Ainsi brament-ils
Une immersion dans l'univers du cerf par une voie originale : la transmission père/fils autour d'un concours d'imitation du brame et des rituels de la chasse.

Sommaire

Un documentaire sonore tout en atmosphères forestières.

Il existe, en Wallonie, quelques poignées de passionnés pour qui le cerf est toute la vie. Son observation silencieuse au petit matin, sa chasse en battue ou à l'affût, la recherche de ses mues (les "bois"), son recensement et son identification, allant jusqu'à donner à chaque animal un surnom qui caractérise son allure ou son tempérament et qui le suivra pendant toute sa vie : Pavarotti, Placide, Le Rouge, Keops, etc. Benoît Fasbender, installé à Étale (Gaume), est l'un de ces passionnés, sauf qu'il a une particularité supplémentaire assez cocasse : il a été, pendant quatre années consécutives, le meilleur imitateur national du brame du cerf, ce cri poussé par l'animal en automne lorsqu'il revendique la possession d'un territoire et d'une harde.

Cris et grognements

Journaliste et photographe vivant à Bruxelles mais familier des grandes balades dans les forêts de Saint-Hubert, Matthieu Cornélis ne pouvait pas laisser un tel sujet hors du champ de son enregistreur audionumérique et de ses micros. Pendant des semaines, il a arpenté les chemins forestiers en compagnie de son "sujet", non pas en s'intéressant à la tentative de celui-ci de briguer un nouveau titre en 2018, mais en s'attachant aux modalités de transmission de cette passion vers son fils. Car dans la famille Fasbender, il y a un fils, Baptiste, qui, aux portes de l'adolescence, partage le même intérêt pour le cerf que son géniteur, au point d'y consacrer une bonne partie de ses loisirs et de convoiter également une place sur le podium du Championnat d'imitation du brame à Saint-Hubert.

Communion avec les cerfs

Une activité dérisoire, jugeront certains... Pas si vite, car la volonté de crier aussi puissamment que le roi des animaux d'Ardenne, outre qu'elle fait appel à des capacités gutturales impressionnantes, traduit en fait un désir de se rapprocher au plus près de l'intimité du cerf, voire d'entrer en communion avec lui. Interviewé dans le documentaire sonore, Benoît Fasbender raconte à cet égard l'origine de sa fascination pour la voix de l'animal : frustré de constater que ses photos de cervidés ne parvenaient pas à rendre compte des émotions dégagées pendant le brame, il décide un jour de les attirer à lui pour les observer à plus courte distance, mettant à profit sa voix grave particulièrement vibrante.

Des gueules et des atmosphères

Remarquablement charpentée, l’œuvre de Matthieu Cornélis met subtilement en valeur tout ce qui constitue l'univers sonore du cerf et de ses afficionados. Le fin ruissellement des rus d'Ardenne, le craquement des feuilles mortes sous les pas des naturalistes, le chuchotement du père à son fils lorsqu'il lui refile les meilleurs conseils pour attirer par sa voix l'attention d'un cerf tout proche, les harangues des traqueurs et les aboiements des chiens pendant les battues, sans oublier les trompes de chasse vibrant à l'unisson lorsque sont proclamés les noms des vainqueurs lors de la compétition d'imitation.

Une place pour la femme

Mais on aurait tort de voir dans ce travail, soutenu par l'Atelier de création sonore radiophonique (ACSR) et le Fonds d'aide à la création radiophonique (FACR) de la Fédération Wallonie-Bruxelles, un simple documentaire animalier, fût-il centré sur les atmosphères. C'est bien la complicité père-fils qui est mise en valeur, dans laquelle l'intervention de la maman du jeune "brameur" tient également une place de choix. Dans le véhicule tout-terrain qui les ramène au bercail après la chasse, dans la préparation du travail de découpe d'un gibier tué, ou encore lorsqu'elle commente la place dévorante prise le cerf dans l'univers familial, on entend avec plaisir la voix maternelle se glisser dans ce monde largement occupé par les hommes. Rien que pour cette originalité, Matthieu Cornélis, son preneur de son (Bastien Hidalgo Ruiz) et son monteur (Irvic d'Olivier) méritent une plume à leur chapeau.

Factuel et poétique

Au fil des quarante minutes de cette création sonore captée au plus profond de nos forêts, l'auditeur peu familier de cet univers naturaliste spécifique apprendra l'un ou l'autre rudiment du "métier". Qu'est-qui différencie le bois du cerf de la corne d'une vache ou d'une chèvre ? Pourquoi chute-t-il au printemps ? Si les cerfs ne brament pas pour attirer les biches, pourquoi brament-ils alors ? Comment rend-on honneur au gibier abattu ? Mais c'est à peine si ces éléments informatifs surgissent dans le récit, tant la poésie y occupe une place importante, magnifiquement soulignée par la voix cristalline de Yasmine Boudaka lisant Maurice Genevoix et les passages les plus poignants de La Dernière harde, son œuvre maîtresse, publiée en 1938. Comme un hommage lancinant à la prestance du cerf et à la fascination qu'il ne cessera probablement jamais d'exercer sur les hommes.

texte : Philippe Lamotte

Fiche technique

Réalisation : Matthieu Cornélis
Prise de son : Matthieu Cornélis et Bastien Hidalgo Ruiz
Montage : Irvic d'Olivier
Mixage : Pierre Devalet
Textes : La Dernière harde de Maurice Genevoix, lus par Yasmine Boudaka
Illustration : Julie Servais
Diffusion : acsr

Une coproduction Otuscops/RTBF soutenue par le Fonds Gulliver, l'Atelier de création sonore radiophonique (ACSR) et le Fonds d'aide à la création radiophonique (FACR) de la Fédération Wallonie-Bruxelles

Agenda

Diffusion le dimanche 10 novembre 2019 - 17h
en présence du réalisateur Matthieu Cornélis
(dans le cadre du Mois du doc)


Centre culturel Jacques Franck
94 chaussée de Waterloo
1060 Bruxelles (Saint-Gilles)

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