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Histoires de labels (9) : Freaksville

Freaksville 01.jpg
Quand l’indie ragrandit le rock, du garage à la pop, va des rétros à l’avant-garde, émerge de l’underground, élargit le rectangle, se joue des langues, et cuisine CD et vinyles au label Freaskville... Miam !

Sommaire

Label-famille, Freaksville relève à la fois de la manufacture de création musicale qui concentre les artisans-musiciens, et à la fois de pourvoyeur bienveillant de services, adaptés pour les artistes et le public.

15 ans déjà que Benjamin Schoos a donné naissance à Freaksville. Freaks, en référence au film de Tod Browning en 1932. Est-ce parce que le label réunit des phénomènes musicaux, fantastiques, atypiques, décalés, en marge des labels où domine le fric ? Ville appelle au cirque qui devient quartier. Et le freaks-village devient Freaksville, comptant plus de quarante habités, quarante passionnés.

Freaksville Tee-shirt

Freaksville

Freaksville est un label indépendant basé à Bruxelles, pour des raisons pratiques, administratives et d’image, mais qui traverse la Fédération Wallonie-Bruxelles et la Manche, sans devoir la faire car la société se gère sainement et se manœuvre davantage comme un petit bateau plutôt qu’un Titanic (1). Budget serré certes mais qui permet aux membres une implication directe, depuis la conception jusqu’à la réalisation d’un album, sa mise en valeur et sa diffusion.

Cette famille d’artistes est avant tout humaine. Très tôt le label a proposé des services aux musiciens, en aidant à faire émerger leurs ressources, en identifiant leurs besoins, en proposant des pistes pour progresser dans leur démarche artistique, tout en préservant leur liberté et leur indépendance. Cette approche innovante est une particularité du label qui se singularise ainsi des maisons de disques.

Autre différence, c’est l’originalité des artistes, leur décalage et leur autodérision. Adeptes d’un vite-fait-mal-fait (2) – mais tout de même réfléchi, bien ficelé et toujours réussi –, les chanteurs et musiciens belges et étrangers sont avant tout des créatifs, chacun dans leur domaine : synth-pop, rock underground, french-pop, chanson, garage, avant-garde…

15 ans déjà !

15 ans déjà !

2006, Benjamin Schoos et Jacques Duvall s’associent et accouchent de Hantises, album où l’illustre parolier (3) sabre de mots fermes les rêves qui le hantent. Slalomant entre sa belgitude « Ma vie n’est qu’une histoire belge, tout ce temps que je gamberge », l’humour noir sadique « J’ai ta main dans la mienne… cette main que j’ai coupée à la scie mécanique » ou masochiste « De tous les types qui ont subi sa loi, le seul qui en redemande, c’est moi ! », les titres laissent apparaître une certaine désillusion, tant amoureuse « C’est pas la musique qui m’a rendu fou, c’est pas la came, c’est toi, madame, qui m’a rendu fou » qu’existentielle « Et si la vie n’était qu’une illusion… pour quitter cette cellule, il doit y avoir un truc… ».

Phantom, groupe à géométrie variable, réunit entre autres Benjamin Schoos, Sophie Galet et Pascal Schyns qui inoculent une musique au son volontairement brut, lo-fi, imparfait mais ô combien capiteux : guitares primitives, vocaux surannés (shoobidoo), bruitages samplés, styles country, rock’n’roll et punk trafiqués, emballés de dérision omniprésente.

La même année, dans un style complètement différent, le tout nouveau label sort le premier album de Sophie Galet, Cyclus, un bijou pop-folk discret et intimiste. La voix douce et mélancolique se pose sur des guitares folk et une musique atmosphérique, plutôt automnale, comme le suggère la pochette.

Enfin, L’Histoire de William Bukner de Miam Monster Miam (alias Benjamin Schoos) réunit une partie des Phantom pour un album concept, direct, acoustique, composé de courtes chansons où prédominent la guitare et l’harmonica. À noter, la chanson « Le Faucon blanc » qui fait penser à Syd Barrett.

French-Pop

Une grande partie de la production discographique du label s’apparente à la pop française.

D’une musique volontairement décalée underground, aux sons garage, lo-fi ou punk, jusqu’aux musiques soignées, à la production impeccable, se déroulent une variété de sons, de tons, de noms, de ponts entre bons, bourbons et charbons. Les groupes et chanteurs sont atypiques, quasiment inclassables : humour et dérision (Juan d’Oultremont, Josy & Pony…), amours, désillusions, velours et passions (Isabelle Rigaux, Lisza, Charles Blistin, Sophie Galet, Karin Clercq, Auto Bianchin…), et presque toujours en filigrane Benjamin Schoos, Jacques Duvall et Marc Morgan.

Ce dernier, disparu l’an passé, a connu la célébrité en 1993 pour sa chanson « Notre mystère, nos retrouvailles ». Son dernier album, Beaucoup vite loin, paru chez Freaksville, est l’album de la maturité : sur une musique énergique, avec d’excellents riffs de guitare et une rythmique soutenue, les textes laissent plus de place à la réflexion, au doute et à la critique. Il est également le père de Juliette, de Mademoiselle 19 et de Maxime, musicien de The Mash et animateur de Radio Rectangle.

Synthélectro et autres

Il est doux de flâner dans Freaksville : sous les pavés en rock, l’underground ; au sud, le quartier mafieux chanté par Sabino Orsini, un coin garage à l’est limité par le secteur country (à l’ouest bien sûr) et, Tout au bord (4) de la cité, la bande à King Lee et Libertas Gentes qui rappent le sol face à Dragon Noir, l’electro-world-band.

Une cité moderne qui a depuis longtemps mis en avant l’électro-pop, l’electronica et le synth-pop, preuve en est le dernier album du label, Home de Rudy Léonet. Sorti fin 2020, cet album a été confectionné dans la maison de l’illustre animateur, spécialiste de la « pop-culture » à la RTBF.

Ni ambient, ni techno, les douze titres instrumentaux semblent liés aux impressions temporaires de l’artiste, quelquefois reliés à des thèmes et combinant les sonorités actuelles aux sons plus anciens des synthés analogiques.

Doué pour la science et même la prescience, le Professeur Alfred Müller a créé le premier robot-machine à émanations de plaisir intense, Müholos. Freaksville a permis la transmission de ses musiques synthétiques, qui rappellent Kraftwerk (rythmes saccadés, répétitifs, vocoder), avec cependant plus de souplesse et d’humour.

Viennent compléter ce panel synthé, l’acid-techno de Justin, la pop d’Android 80, l’avant-garde electronica de Man From Uranus et l’electro-pop déjanté de Jean-Jacques Perrey & David Chazam.

Radio Rectangle

Parallèlement à leurs réalisations musicales et leur travail au sein de Freaksville, Benjamin Schoos et Marc Morgan créent la webradio belge et francophone Rectangle (5), diffusant des émissions liées aux cultures pop, underground, populaires, alternatives ou du patrimoine musical. Sous forme de service audio à la demande (cinq par jour), les quelque trente animateurs bénévoles y partagent leurs contenus rédactionnels et leurs coups de cœur musicaux. Deux émissions mensuelles sont consacrées aux productions Freaksville, Freaksplanet et Freaksville Music Show, présentées par Benjamin Schoos.

Les disques freaksville rendent heureux

Le propre du label est de laisser l’artiste s’exprimer tel qu’il le désire, sans ligne de conduite ou de fil rouge imposé, lui laisser la liberté de se faire plaisir : s’écarter des conventions musicales actuelles, afficher sa différence ou simplement transmettre ses passions, sa folie, sa candeur ou son énergie.

Comme un dépliant de cartes postales, Freaksville déploie ses images musicales.

On adore ou on déteste. Et le public est toujours au rendez-vous, chacun y trouve ce qu’il ne cherche pas.

Et c’est bien comme ça !

On peut écouter les albums sur le site. Les disques de Freaksville rendent heureux, ne boudez donc pas votre bonheur quand vous achèterez les albums de ce label.

(1) Propos de Benjamin Schoos

(2) Apophtegme itératif de Benjamin Schoos (rapporté par Marc Morgan)

(3) Jacques Duvall a écrit entre autres pour Jane Birkin, Jeff Bodart, Alain Chamfort, Etienne Daho, Marc Lavoine, Enzo Enzo, Lio, Khadja Nin, Pierre Rapsat, les Sparks, Telex…

(4) Album de Laurent Ancion aux belles intros instrumentales.

(5) Rectangle en hommage au titre « Rectangle » de Jacno en 1979.