C’est un café comme on l’a (presque) tous déjà rêvé. Sa localisation sur un semblant de place publique est révélatrice du projet qui, à l’image de cet espace, a le don de susciter les rencontres. C’est un diamant brut, même si retravaillé dès le début (courageusement) par ses huit fondateurs. En effet, les locaux qu’ils acquièrent il y a environ deux ans ont été totalement rénovés à partir de matériaux de récupération. C’est un peu ça la vieille Chéchette… Construire du nouveau à partir de choses usées.

Les grandes fenêtres laissent passer la lumière et invitent le promeneur à entrer. Quelques tables et des chaises dépareillées animent un décor où demeure un désordre familier. On s’y sent comme à la maison. Les étagères sont remplies de livres consultables sur place. Au premier coup d’œil, on aperçoit de la poésie, des romans graphiques et une section plus intrigante intitulée « mémoire des luttes ». Celle-ci regroupe une série d’ouvrages engagés qui nous donnent quelques indices sur l’essence du projet et l’univers dans lequel il baigne et évolue.

Dans l’arrière- boutique, les bouquins sont vendus à prix libre dans un souci d’accessibilité à tous et avec l’envie insatiable de les partager. Ils sont des centaines à avoir été sélectionnés parmi des milliers, délaissés, oubliés, parfois même reniés puis remis entre les mains de la vieille Chéchette. Certes, le choix de les intégrer à la bouquinerie est subjectif mais tous ont en commun leur qualité et une concordance avec la philosophie de la vieille Chéchette.

Dès nos premiers échanges, l’importance pour mon interlocutrice de se mettre en retrait au nom de la collectivité est formelle. La vieille Chéchette est un projet communautaire (une coopérative) où chaque individualité à la possibilité de s’épanouir et de se contenter, en se mettant toutefois au diapason avec les autres. Le nombre de coopérateurs a triplé depuis sa création. Ce sont des gens du quartier qui se sont appropriés l’endroit et qui ont voulu apporter leur contribution. Tous sont bénévoles, c’est une manière de préserver le plaisir de chacun dans le projet. La vieille Chéchette s’inscrit donc dans l’économie sociale et solidaire, son but n’étant pas de faire du profit, mais bien de créer un projet convivial et collaboratif, dont les bénéfices servent à garantir la pérennité du projet ou encore à financer d’autres initiatives locales.

Les activités qui y sont organisées sont multiples, elles touchent au domaine du social, du politique et du culturel et répondent à des besoins exprimés par les gens du quartier. Ateliers d’écriture, de philosophie, cafés politique, chorale, tables de conversation en français sont autant d’animations qui font vivre la vieille Chéchette.

Aussi étonnant que cela puisse paraître, à part le traditionnel bouche à oreille, aucun plan de communication n’est mis en place et cela fonctionne plutôt bien ! Ainsi, on retrouve aux animations, les passants croisés au détour d’une rue, les curieux qui se sont risqués à pousser la porte et enfin les voisins qui participent déjà à la vie de cette petite communauté.

Mais qui est donc cette « vieille Chéchette » ? Il s’agit en fait de l’héroïne d’un conte pour enfants écrit par Louise Michel, féministe, anarchiste et révolutionnaire française. Se sentant proche de cette « vielle sorcière » marginalisée, les huit coopérateurs ont voulu lui rendre hommage.

Dans le futur, la vieille Chéchette aimerait soutenir les petites éditions, une idée parmi les nombreuses qui bouillonnent dans ces têtes pensantes et promotrices d’une société vivifiée par un esprit de coopération, d’échange et de partage.

Alicia Hernandez-Dispaux

La vieille Chéchette
2 Rue du Monténégro 
1060 Saint-Gilles