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New York – une ville – des cocktails

cocktail Manhattan - Anne-Sophie De Sutter

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publié le par Anne-Sophie De Sutter

Bien que le cocktail ne soit pas né à New York, la ville, et tout particulièrement Manhattan, est intimement liée à l'histoire de ces boissons. Dès les années 1820, les cocktails – à cette époque, un mélange d'alcool, de sucre et de bitter – étaient appréciés partout dans la ville.

Sommaire

Dans les décennies qui suivent, ils évoluent, passant d'un remède paradoxal contre la gueule de bois à un apéritif qui pouvait être bu à tout moment de la journée. La production industrielle de glace permet le rafraîchissement et la gamme des ingrédients se diversifie: citron (et leur zeste), absinthe et enfin vermouth - un vin aromatisé et fortifié, à la fois amer et sucré - qui arrive sur le continent à la fin des années 1870.


Le Manhattan

Le Manhattan est un des premiers cocktails qui utilise cette formule alcool / vermouth. Cette boisson apéritive est devenue un des cocktails les plus célèbres et les plus représentatifs de la ville, sans doute grâce à sa simplicité: trois ingrédients suffisent. Il apparaît à un moment clé de l'évolution des cocktails, vers 1880, et marque le passage de l'âge baroque à l'âge classique. La petite histoire raconte qu'il a été conçu lors d'un banquet organisé par Jennie Jerome, la mère de Winston Churchill, au Manhattan Club de New York pour célébrer l'élection de Samuel J. Tilden comme gouverneur. Or cette date correspond à la naissance de Winston en Angleterre. Mais alors, qui a créé ce cocktail ? Les sources sont peu nombreuses et peu précises et il est tout à fait possible que son créateur reste à jamais inconnu. La seule certitude est la ville: New York City et une période: quelque part entre 1870 et 1880.

La recette a évolué au cours du temps: ses premières mentions donnent la place principale au vermouth qui est juste agrémenté de whiskey. Le troisième élément constitutif, le bitter, est toujours présent mais certaines recettes spécifient de l'Angostura, d'autres du Boker's ou de l'Abbott's. C'est au cours des années 1890 que la recette prend sa forme actuelle, avec d'abord une quantité égale de whiskey et vermouth, puis une prédominance du premier.

Le Manhattan reste populaire après la Prohibition (1919-1933), contrairement à beaucoup de cocktails qui tombent dans l'oubli. Une enquête de 1951 le présente comme le cocktail préféré des Américains, avant de se faire éjecter de la première place par le Martini. Dans la série Mad Men, Don Draper, grand amateur de cocktails, en boit parfois, même s'il a une préférence pour l'Old Fashioned.

Les autres cocktails des quartiers de New York

Au fil des années, chacun des quartiers de New York City sera représenté par un cocktail qui porte son nom; Manhattan, Bronx, Brooklyn, Queens et Staten Island. Les trois premiers datent des années 1880-1910, les deux derniers sont plus tardifs. Le Brooklyn, créé autour de 1907, est une variation du Manhattan, combinant rye, vermouth sec, Amer Picon et liqueur de marasquin.

Très populaire avant la Prohibition, le Bronx est un mélange de gin, vermouth sec, vermouth rouge et jus d'orange. L'histoire raconte que son créateur, Johnny Solon, venait de visiter le zoo du Bronx et s'est dit que ses clients voyaient probablement des animaux bizarres après avoir bu quelques cocktails.

Le Queens, conçu dans les années 1930, est en quelque sorte un Bronx mais avec du jus d'ananas à la place du jus d'orange et associe vermouth sec, gin, vermouth rouge et jus.

Quant à Staten Island, c'est le quartier oublié, y compris dans le monde des cocktails. Il existe cependant un Staten Island Ferry qui combine rhum à la noix de coco et du jus d'ananas. Cette recette fort simpliste rappelle la piña colada et est un clin d'œil un peu moqueur: les ingrédients rappellent l'exotisme des îles des Caraïbes, exotisme peu présent dans le quartier.

Le monde du cocktail vit une renaissance depuis deux décennies et depuis, de nombreux barmans newyorkais se sont inspirés de leur quartier pour concocter de nouvelles créations comme le Red Hook, le Bensonhurst, le Greenpoint tandis que d'autres ont inventé des variations des classiques, ajoutant l'un ou l'autre ingrédient pour mettre en valeur l'une des composantes. L'univers du cocktail n'est pas figé, il permet d'infinies combinaisons, des plus simples aux plus travaillées.

La recette du Manhattan

-          6 cl de rye whiskey ou de bourbon (de préférence à 50° ou 100 proof)

-          3 cl de vermouth rouge

-          2 traits de bitters Angostura

-          un zeste de citron ou une cerise au marasquin pour décorer

 Placez tous les ingrédients dans un verre à mélange (un grand et large verre fera l'affaire). Remplissez de glaçons et remuez à l'aide d'une cuillère à long manche pendant vingt à trente secondes. Filtrez dans un verre à cocktail (verre à martini ou coupe) refroidi au préalable avec des glaçons que l'on aura jeté. Décorez d'un zeste de citron ou d'une cerise au marasquin.

Dégustez (avec modération – c'est un cocktail fort) et appréciez saveurs épicées et herbacées qui se mélangent.


Quelques mots sur les ingrédients

Préférez toujours des alcools de qualité pour le plaisir gustatif mais il ne faut pas pour cela dépenser des centaines d'euros. Les ingrédients de ce cocktail sont faciles à trouver en supermarché, sauf peut-être le rye (un genre de whiskey américain composé de minimum 51% de seigle) qui ne se vend que chez les cavistes. Il peut cependant être remplacé par du bourbon (composé à partir de minimum 51% de maïs et complété par du seigle ou d'orge). Le rye est plus sec et dominé par les épices alors que le bourbon a un goût de caramel et de vanille plus prononcé.

Le vermouth rouge peut être du Martini Rosso ou du Cinzano rouge, mais le cocktail obtiendra de nouvelles nuances en utilisant d'autres produits, comme du Carpano Antica par exemple. Le vermouth est en vogue pour le moment et diverses combinaisons sont possibles. Pour éviter l'oxydation, il se conserve au frigo et doit être consommé rapidement.

L'Angostura est le bitter plus connu et le plus populaire (mais il peut être remplacé par d'autres produits). Cherchez dans les rayons les petites bouteilles au bouchon jaune et à l'étiquette trop grande – sa marque de fabrique. Un bitter ? C'est un liquide fortement alcoolisé et très amer, composé de diverses plantes. Il permet de rajouter de nombreuses dimensions au cocktail et pourrait être considéré comme le poivre ou le sel d'un plat. 

Les cerises au marasquin sont ces choses vendues en bocal, d'un rouge fluo et au goût artificiel. Il est tout à fait possible de les éviter en les préparant soi-même ou en préférant le zeste de citron comme décoration pour cette recette.

Un livre et un site

François Monti vous initiera à l'histoire des cocktails et à ses recettes avec son livre 101 cocktails tandis que The Lady from Canton vous invite à la découverte d'une nouvelle recette par semaine – des classiques mais aussi des cocktails d'aujourd'hui, dans tous les styles.


texte et photo :
Anne-Sophie De Sutter

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