Une histoire des musiques de film
Sommaire
L'histoire des musiques de film peut être contée en divers chapitres, qu'ils soient chronologiques ou thématiques. Ceux-ci se retrouvent dans une ligne du temps située sur la page d'accueil des musiques de film.
Le cinéma muet
Très
vite après l'apparition du cinéma est née l'idée d'accompagner les images de
musique, les moyens techniques n'existant pas encore pour enregistrer un son
synchronisé à l'image. Souvent, de petits orchestres ou un pianiste improvisaient dans les salles pendant que le film déroulait son histoire. Ils ponctuaient les moments clé, accentuant les émotions ou le suspense. Certains compositeurs de musique classique comme Camille
Saint-Saëns ou Arthur Honneger se sont également lancés dans l'aventure et leurs partitions nous sont parvenues. Depuis quelques dizaines d'années, de
nombreux films muets sont (re-)sonorisés, proposant des genres très différents, de la musique classique de Joe Hisaishi à la techno de Jeff Mills.
L'âge d'or des années 1930-40
Hollywood, années 1930-40: c'est l'ère des grands studios, des machines bien rodées qui produisent une quantité incroyable de films. Avec l'avènement du cinéma parlant, la musique de film évolue et son influence est grandissante. Chaque studio a son ou ses compositeurs attitrés, souvent des Européens. En effet, à cette période, beaucoup de musiciens quittent le continent, tout particulièrement l'Europe de l'Est, pour fuir la montée du nazisme. Ils influenceront durablement la composition des musiques de film à Hollywood, important un certain classicisme européen. Beaucoup d'entre eux ont reçu une formation par les grands noms de la musique classique. Ils forgent un nouveau style de partition, développant l'orchestre et utilisant de nouvelles techniques d'écriture. Une collaboration réalisateur – compositeur se développe.
L'après-guerre aux Etats-Unis: les années 1950-60
Les années qui ont suivi la Seconde Guerre mondiale ont vu le cinéma prendre une ampleur toute particulière: de divertissement pur, il est aussi devenu un puissant outil de propagande et les producteurs de l'après-guerre l'ont bien compris. Utilisé tour à tour pour amélioré l'image de marque de l'un ou l'autre gouvernement ou dénoncer les dérives de la société, il prend également des formes nouvelles qui influenceront l'avenir du septième art: c'est le début des comédies musicales, des films d'espionnage et des fresques à gros budgets.
Cette époque, qui semble être celle de tous les possibles, marque également le début de l'hégémonie américaine et il faudra attendre encore plusieurs années pour voir l'Europe s'imposer à nouveau.
Le cinéma d'animation
Le cinéma d'animation est un genre à part entière et il demande souvent une musique spécifique, souvent plus descriptive comme le "mickeymousing" qui consiste à reproduire en musique le rythme des actions des personnages. Il traverse l'histoire, des classiques de Walt Disney aux mangas, en passant par des succès français récents et a permis à de grands noms de la musique de film de se diversifier.
Le jazz
Dans les années 1950, le jazz fait irruption dans le cinéma, surtout dans les films noirs où il souligne particulièrement bien les tensions et drames de l'histoire. Les producteurs font appel à des stars, comme Miles Davis ou Duke Ellington. Après une suprématie dans les années 1960, le jazz se partagera la place avec d'autres styles comme le rock ou les compositions symphoniques, mais il est toujours présent dans certains films actuels.
Les années 1960 en Europe
Il faut attendre les années 60 pour que le vieille Europe reprenne du poil de la bête face aux productions américaines. Les studios multiplient alors les films à vocation populaire avec, en vrac, des polars britanniques, des westerns spaghetti, de la science-fiction allemande et de l'érotisme français (du meilleur au pire). Les musiques seront aussi variées que les films, permettant à certains compositeurs de se faire connaître d'un large public et si, dans la sélection de la ligne du temps, de nombreux films sont définitivement tombés dans l'oubli, leurs bandes originales valent réellement leur pesant de cacahuètes.
Les années 1970 aux Etats-Unis: disco et blaxploitation
Marquées
par les mouvements des droits civiques aux États-Unis et par l'avènement de
nouvelles formes musicales, les années 70 apportèrent leur lot de films dans
l'air du temps, faisant la part belle aux musiques populaires, du funk à la
disco.
Alternative noire aux grosses productions hollywoodiennes, la blaxploitation séduit un public afro-américain qui ne se reconnaissait ni dans l'image politiquement correcte d'acteurs comme Sidney Poitier, ni dans les actions radicales des Black Panthers. Ces films d'un genre nouveau ne proposèrent pas seulement des histoires plus proches d'une certaine réalité sociale, ils permirent aussi et surtout à des artistes engagés et peu adeptes de la langue de bois de se faire connaître d'un large public.
De son côté, la disco en était à ses balbutiements. Un phénomène de mode qui ne pouvait que plaire aux producteurs de cinéma…
L'avènement des synthétiseurs
Véritable phénomène de mode dans les années 80, les outils électroniques étaient pourtant déjà utilisés dans la musique auparavant. Du couple Barron qui composa pour Forbidden Planet la toute première bande originale entièrement électronique dans les années 50 au bien plus récent Solaris, il y a un tout un monde à explorer.
Soundtracks, des compilations d'un nouveau genre
Avant que ce ne soit la mode du tout-compilé au cinéma, le soundtrack (bande originale élaborée à partir de chansons populaires ou non) résultait d'un parti pris de la production et représentait parfois une prise de risque. En ce qui concerne la ligne du temps, nous avons pris le parti (et le risque, en quelque sorte) de faire une croix sur Pulp Fiction, Natural Bron Killers, O Brother et autres soundtracks qui ne sont rien d'autre que des compilations de luxe pour nous recentrer sur des albums, certes chantés, pour la plupart, mais dont le contenu dépasse de loin la simple collection de ritournelles. Celles-ci furent soit écrites tout spécialement pour le film, soit réenregistrées... à une exception près puisque nous nous imaginions mal rendre hommage aux soundtracks sans passer par la case Easy Rider.
Nouveaux symphonismes
Depuis les années 1980, les compositeurs de musiques de film sont retournés vers des scores plus orchestraux. Bon nombre d'entre eux ont eu une formation classique ou sont eux-même compositeurs (comme Michael Nyman). Ils utilisent leurs connaissances et tout le passé des grandes compositions hollywoodiennes comme source d'inspiration (voire parfois de plagiat).
Eclectisme
Au 21e siècle, il devient difficile de circonscrire un seul style de musique de film. Soundtracks, musiques symphoniques, rock et electronica se côtoient, se mélangent même par moments. Les artistes sont issus d'horizons divers, de la musique classique mais aussi du rock. Les compositions sont très diverses et souvent empreintes d'un sound design très travaillé tandis que d'autres restent dans l'esprit des grands orchestres.
Un texte de Thierry Moutoy, Catherine Thiéron et Anne-Sophie De Sutter, d'après une première version éditée en 2008 pour les 100 ans des musiques de film (avec la participation de Catherine De Poortere).
Crédit photo: Alfred Hitchcock, L'Homme qui en savait trop (version de 1956) - Bernard Herrmann chef d'orchestre (à l'arrière-plan), arrêt sur image de la bande-annonce