Les Femmes oubliées
Sommaire
Ida Lupino : The Hitch-Hiker (1953)
Le monde du cinéma d’Hollywood n’a que rarement laissé la place à des réalisatrices avant le dernier quart du XXe siècle. On peut cependant citer Dorothy Arzner, ou Ida Lupino, bien plus connue comme actrice, bien qu’elle ait réalisé des films comme The Hitch-Hiker en 1953. Thriller tourné en noir et blanc, il suit la prise d’otage de deux hommes par un auto-stoppeur tueur en série. Le film est sans concessions et d’une noirceur extrême : Ida Lupino met en avant une violence latente qui menace d’exploser dans chaque scène, violence encore augmentée par les huis-clos filmés à l’intérieur de la voiture. (ASDS)
Alice Guy : Alice Guy - vol. 1 (1897-1906)
Pionnière du cinéma longtemps oubliée, Alice Guy a pourtant grandement contribué à l’éclosion du genre. Secrétaire de Léon Gaumont, dont la société, au tournant du XXe siècle, est une des premières maisons de production, elle le convainc d’introduire au catalogue une nouveauté : la fiction. La Gaumont se limitait jusque-là à des films documentaires assez prosaïques, et Alice Guy trouvait, selon ses propres termes qu’« on pouvait faire mieux ». Les court-métrages qu’on lui permit de réaliser en marge de son travail, à la condition expresse que son courrier n’en souffre pas, ont ainsi établi les bases du Septième Art. (BD)
Daphne Oram : The Oram Tapes, Volume One (2011)
Daphne Oram est une des fondatrices du BBC Radiophonic Workshop, le laboratoire de musique expérimentale de la radio britannique. Elle est également l’inventeuse du système Oramics, un dispositif musical électronique produisant des sons au moyen de figures dessinées sur une plaque de verre. Pionnière de la musique électroacoustique à une époque où tout était à faire, elle a créé, sur les traces de la musique concrète, une nouvelle forme musicale. Travailleuse de l’ombre, son œuvre est aujourd’hui reconnue pour son caractère novateur et pour les possibilités uniques offertes par son instrument. (BD)
Eliane Radigue : Transamorem-Transmortem (2011)
Pionnière de la musique électroacoustique, Eliane Radigue a travaillé avec Pierre Schaeffer et Pierre Henry dont elle fut un temps l'assistante. Produisant une musique minimaliste et méditative, elle s’oriente très tôt vers une mise en contexte nouvelle de sa musique en découvrant le bouddhisme tibétain. Elle dirige alors ses expérimentations sonores en s’inspirant du Bardo Thödol et des écrits de grands maîtres comme Milarépa. Elle a longtemps exploré les possibilités d’un seul et unique instrument : un synthétiseur analogique Arp 2500, dont elle tire de longues pièces à la beauté ascétique. (BD)
John Palmer & David Weisman : Ciao! Manhattan (1973)
Sorti en 1972, ce film est un vrai/fausse biographie en docu-fiction sur Edie Sedgwick, une des icônes de la Factory d'Andy Warhol, devenue superstar éclair avant de sombrer dans la drogue et dans l’oubli. Elle y incarne le personnage de Susan, une sorte de double fictionnel.
Revenue chez sa mère, en Californie, abandonnée de tous, elle vit dans une piscine vide, entourée des reliques de son passé.
Grâce au flashback, on découvre le NYC d'Andy Warhol des années 60 avec ses fêtes et ses excès. Edie Sedgwick est remarquable dans son rôle et capture d'une manière poignante les tourments émotionnels auxquels Susan est et a été confrontée. (JDL)
Martina Kudlàcek & Marie Menken : Notes on Marie Menken (2006)
Notes On Marie Menken explore l'histoire presque oubliée de l'artiste légendaire Marie Menken (1909-1970) qui compte parmi les plus remarquables réalisatrices de cinéma expérimental underground new-yorkais des années 40 à 60, inspirant des artistes tels que Stan Brakhage, Jonas Mekas, Kenneth Anger, Gerard Malanga et Andy Warhol. Elle est une des premières à NY à filmer caméra à la main et faire du tourné/monté (le principe consiste à filmer tous les plans en continu sans aucun montage ultérieur) pour avoir une liberté de mouvement durant ses tournages et que ses films deviennent organiques. (JDL)
Compositrices : New Light on French Romantic Women Composers (2023)
Pourriez-vous facilement identifier des compositrices françaises de l’époque romantique ? Louise Farrenc ou Lili Boulanger, sans doute. Cécile Chaminade, peut-être. Mais Charlotte Sohy, Virginie Morel ou Clémence de Grandval ? Pourquoi toutes ces femmes ont-elles sombré dans l’oubli ? Et pourtant, le statut des femmes artistes en France était sans doute meilleur qu’ailleurs. Que l’on sache que dès sa création en 1795, le Conservatoire National de Musique et de déclamation fut mixte. Ce coffret de huit CD présente pas moins de 21 compositrices, autant de découvertes touchant à tous les genres. Une anthologie salutaire. (NR)
Barbara Strozzi : Virtuosissima compositrice (2009)
Adoptée par le notable et poète vénitien Giulio Strozzi, Barbara Strozzi (1619-1677) reçoit une solide éducation musicale avec Francesco Cavalli comme maître. Cantatrice renommée, elle intègre la société philharmonique fondée par son père. En 1644, elle fait éditer son premier livre de madrigaux. Ceux-ci, ainsi que ses cantates pour voix seules, s’inscrivent clairement dans la filiation de Monteverdi, dans le style de la seconda prattica. Toute son œuvre s’attache à rendre avec finesse l’expression des affects, créant des contrastes de rythmes et de tempi qui en font une musique pleine de vitalité. (NR)
Martin Provost : Séraphine (2008)
Séraphine Louis – dite de Senlis – tient une place à part dans le monde de la peinture moderne. Totalement autodidacte et sans aucune culture artistique, elle est employée de maison le jour et peint la nuit, concoctant elle-même ses couleurs avec du ripolin, de la cire volée à l’église, des plantes ou du sang, et usant de supports variés : cartons, vases, ampoules électriques… Par hasard, l’un de ses employeurs, le critique d’art Wilhelm Uhde remarque ses peintures. Le film de Provost rend hommage à ce talent brut mais éclatant, par l’entremise de Yolande Moreau, absolument magnifique dans ce rôle. (NR)
Fabrice Hourlier : Aile contre aile, le duel des Jacqueline (2014)
Au milieu du 20e siècle, deux femmes animées d’une même passion pour l’aviation s’affrontèrent à quelques milliers de kilomètres de distance. Jacqueline Auriol, première pilote d’essai en France, et l’Américaine Jacqueline Cochran, première femme à avoir franchi le mur du son, ont une même détermination : être la femme la plus rapide du monde. Ce double portrait documentaire raconte, au moyen d’archives, de séquences animées 3D (reconstitutions) et d’interviews, l’histoire d’une course effrénée au record de vitesse. Un duel qui dura 15 ans pour un enjeu majeur : le prestige respectif des ailes de leur pays. [MR]
Jorge Amat : Filles de Mai, de 1968 au féminisme (2019)
Le rôle majeur des femmes a longtemps été « oublié » dans l’histoire de Mai 68, presque exclusivement racontée par des hommes, comme si elles n’y avaient été que des figurantes. Pour donner à entendre un récit au féminin, Jorge Amat a convoqué 30 femmes actrices et témoins de ces années où a émergé un discours féministe autonome, moderne et structuré. Si le film ne se distingue pas par sa mise en scène, il regorge d’images d’archives et de témoignages précieux où se côtoient les petites et la grande histoire(s), restituant ainsi une mémoire ô combien fragile sur la société française des années 1960. [MR]
Florence Mauro : Gabriele Münter, pionnière de l’art moderne (2021)
Ce film montre comment Gabriele Münter (1877-1962), jeune artiste du début du 20e siècle, interdite d’académie des beaux-arts en Allemagne parce qu’elle est une femme, toujours vue dans l'ombre de son compagnon Vassily Kandinsky, devient une peintre éminente, jusqu’à occuper une place centrale au sein du mouvement expressionniste allemand : le Cavalier Bleu. Alternant commentaires de spécialistes, récit biographique et extraits lus d’écrits personnels, le film dresse le portrait d'une artiste singulière dont l'œuvre, intime et humaine, témoigne de la complexité de son temps autant que celle de sa propre existence. [MR]
Médiagraphie réalisée pour la journée internationale des droits des femmes par Jean De Lacoste, Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant, Marc Roesems et Nathalie Ronvaux.
Cet article fait partie du dossier Médiagraphies | 2022-24.
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