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Trains & Tracks – Des mondes ferroviaires en musiques

Turner - Rain, Steam and Speed - The Great Western Railway
Europalia 2021-2022 se consacre à l'univers du train. Parmi une pléthore de témoignages musicaux, nous avons fait un choix qui – même s'il compte une vingtaine de propositions très variées – s'avère très, très sélectif au sein d'un corpus presque inépuisable...

Sommaire

Avant l'invention du train, c'était à la vitesse du pas d'homme ou de la foulée du cheval que l'on se déplaçait. Il a fallu attendre le début du XIXème siècle pour multiplier significativement les vitesses de trajet et réduire les distances. Si la toute première locomotive ne dépasse pas les 4 km/h en 1804, celle des Stephenson, 25 plus tard, atteindra une vitesse de croisière de 20 km/h et des pointes de 56 km/h. C'est une véritable révolution, un bouleversement dans le monde du transport d'abord minier et industriel, ensuite dans celui des personnes. On peut affirmer que l'invention du train a changé le monde occidental ! Victor Hugo, Honoré de Balzac en littérature, William Turner, Claude Monet en peinture furent parmi les premiers à s'emparer de l'invention de Richard Trevithick. L'Arrivée d'un train en gare de La Ciotat, de Louis Lumière en 1895 figure parmi les premières réalisations cinématographiques de l'histoire. Nous nous sommes penchés sur les compositions musicales évoquant les trains, toutes époques et tous genres confondus. En voiture !

Trans-Europe Express - Kraftwerk

Album à l’élégance feutrée et au charme rétro, Trans-Europe Express est pourtant un des albums les plus futuristes de la musique électronique. En un voyage reliant l’Europe d’avant-guerre et celle du futur, Kraftwerk établit les bases de la musique électronique de l’avenir, initiée par leur morceau Trans-Europe Express. Si ce morceau parlait avant toute chose du train lui-même, il est ensuite devenu le point de départ d’une évocation de l’Europe qu’il traverse. Joignant un certain style cosmopolite à une forme de nostalgie typique de la Mittel-Europa, l’album invoque d’une même voix Iggy Pop, David Bowie et Schubert. Il paraît aussi à l’aise dans la modernité de Düsseldorf City que dans la décadence chic de l’Allemagne de Weimar. Le disque, comme le groupe, ne se départit jamais de son élégance grâcieuse. En réaction à l’uniforme des musiciens de rock, cuir et jeans, Kraftwerk porte à cette époque des costumes trois-pièces, des cravates, et des chaussures de luxe, et leur image de dandy leur attire les quolibets de la critique. Malgré ses mélodies encore tour à tour élégiaques ou mélancoliques, l’album clôt une période dans la carrière de Kraftwerk et en entame une autre, celle qui fera d’eux les précurseurs de l’électro (Afrika Bambaata leur rendra hommage en samplant la plage titulaire) et de la techno (le Trio de Belleville les citera abondamment). (BD)

Last train to Trancentral – The KLF

Au début des années 1990, le groupe KLF développe le concept de stadium house, un genre qui mélangerait la musique house, alors encore underground, et le stadium rock, version commerciale à succès de la new wave, dont les principaux exemples étaient des groupes comme U2, Simple Minds ou Duran Duran. Empruntant à tous ces groupes la mise en scène pyrotechnique, parfois grandiloquente, de leurs concerts et surtout leur aspect de spectacle de masse, ils allaient développer une musique mettant avant tout l’accent sur l’efficacité, l’attrait populaire, et sur un ensemble d’éléments hétérogènes mais paradoxalement rassembleurs. Le résultat sera une suite de titres, présentés sous le nom de Stadium House Trilogy qui seront tous trois des hits internationaux : 3 AM Eternal, What Time Is Love et Last Train to Trancentral. Leur imagerie triomphaliste est renforcée par la production très cinématographique et l’ajout à la musique d’acclamations de foule en délire (empruntées au public d’un concert de U2). Leurs vidéos et leurs concerts seront des spectacles complets, des œuvres d’art total, mélanges de rave et de rituel religieux. Bill Drummond et Jimmy Cauty détourneront les clichés du rock et y adjoindront des ingrédients hétéroclites, contradictoires : guitaristes faisant de grands moulinets sur un sitar, chœurs gospel, rappeurs, lasers et stroboscopes, etc. Invoqués dans chacune des chansons de cette période, comme des déités, des figures tutélaires, les grands anciens, les Justified Ancients of Mu Mu seront une présence invisible permanente, un mythe sans cesse évoqué, sans cesse ressassé. La destination de ce dernier train, Trancentral, est présentée sur le même mode fantasmagorique, comme un lieu de renaissance spirituelle, une terre mystique paradisiaque. En phase avec leur goût de la mystification, Trancentral, le « foyer spirituel des KLF » est en réalité le nom que Jimmy Cauty avait donné au squat qu’il occupait au Sud-ouest de Londres, et dans lequel le groupe avait installé son studio. (BD)

O trenzinho do Caipira - Villa-Lobos

Composé en 1930, ce petit train du paysan fait partie des Bachianas Brasileiras n°2, une suite pour orchestre dont les quatre parties évoquent des scènes typiques brésiliennes du début du XXème siècle, peignant la débrouille, la pauvreté, mais aussi les rites et les paysages. La Toccata en est la page la plus célèbre. Par une accélération progressive du tempo, l’orchestre figure le démarrage du train de campagne et sa prise de vitesse, accompagnement de glissandi des cuivres. Les instruments à cordes entonnent alors une mélodie joyeuse et élégiaque. Cette excursion bucolique se poursuit avec de nombreux effets de percussions typiques de la musique brésilienne : ganzá (sorte de hochet rempli de graines), reco-reco (grattoir métallique), chocalho (cadre en bois enfermant un jeu de petites cymbales métalliques), crécelle, triangle et autres tambours. Des trompettes bouchées imitent les sifflets du train qui ralentit lentement avant son arrêt en gare. Une partition très colorée ! (NR)

Loading Coal - Johnny Cash

Johnny Cash est probablement un des musiciens country qui a enregistré le plus de morceaux inspirés des trains, reprenant notamment la célèbre ballade « Casey Jones ». En 1974, il a tourné un documentaire entrecoupé de chansons nommé Ridin the Rails – The Great American Train Story (visible intégralement sur You Tube) et a sorti une quinzaine d’années auparavant un album complet, Ride this Train (1960). Il y raconte en chansons et spoken word l’histoire d’un voyage au travers des États-Unis, de ses plaines et montagnes, de la région minière du Kentucky aux marais de Louisiane. Il ne s’agit pas à proprement parler de compositions sur les trains, mais ceux-ci sont omniprésents dans les effets sonores et emmènent l’auditeur d’une région à l’autre du pays. (ASDS)

La collection « country » de PointCulture propose divers albums sur la thématique des trains :

Il Tren Fantasma - Chris Watson

En 1999, Chris Watson travaille comme preneur de son pour l’émission Great Railways Journey, un programme télévisé de la BBC consacré aux grands trajets légendaires de chemins de fer. Pour cet épisode, l’équipe a passé plusieurs semaines à bord d’un train de la compagnie Ferrocarriles Nacionales de Mexico, qui reliait la côte Atlantique et la côte Pacifique du Mexique, de Veracruz à Los Mochis. Lorsqu’il tourne ces épisodes, la compagnie vient d’être privatisée et démantelée, et ce sont les derniers voyages de cette ligne. Des années plus tard, Chris Watson reviendra sur ses enregistrements pour en tirer une création radiophonique destinée à la BBC Radio 4. Dix ans après la fermeture de cette liaison, c’est un véritable train fantôme qui est alors évoqué dans un montage virtuose qui place l’oreille du spectateur à la fenêtre pour écouter défiler le paysage, pour sentir vibrer la machinerie de la locomotive, le rythme du convoi sur les rails. À plusieurs reprises, Chris Watson change la perspective et enregistre le passage du train dans le paysage, contrastant la nature environnante, bouleversée un instant, et la technologie humaine. Il tire de ces heures d’enregistrement une composition rigoureuse, dont la dynamique reproduit les différentes étapes du voyage, de gare en gare, de l’océan à la pampa, des montagnes à la côte. Profondément musical, sans cesse en mouvement, le collage est à la fois fiction et documentaire, souvenir d’une époque disparue, et évocation de l’imaginaire universel des voies ferrées. (BD)

I Treni di Tozeur – Alice & Franco Battiato

En 1984, la télévision italienne demande à Franco Battiato de représenter le pays au Concours Eurovision de la chanson. Il propose une composition, écrite en collaboration avec Saro Cosentino pour le texte et Giusto Pio pour la musique, qu’il interprète en duo avec la chanteuse Alice, avec qui il avait déjà chanté en 1982 le morceau « Chan-son égocentrique », et pour qui il écrivait régulièrement. « I treni di Tozeur » (« les trains de Tozeurs ») est une composition atypique pour le concours, habitué à des interventions beaucoup plus pop. Mêlant glissandi de cordes néo-classiques, piano romantique et une rythmique cold-wave ultra-rigide, le morceau contraste la voix traînante, un peu fluette, de Battiato, avec la flamboyance de celle d’Alice. Durant toute la performance, trois mezzo-sopranos se tiennent immobiles sur le côté de la scène, elles ne devaient intervenir qu’au deux-tiers de la chanson et interpréter huit secondes empruntées au deuxième acte de « La flûte enchantée » de W.A.Mozart. Le duo finira à la cinquième place du concours mais le single connaîtra un grand succès commercial en Italie. Une autre version, chantée par Battiato en solo, figurera l’année suivante sur son album Mondi Lontanissimi, et des traductions anglaise et espagnole seront également produites. Alice publiera elle-aussi une version solo en 1987 pour son album Elisir.

Les trains de la chanson font allusion à la ligne de chemin de fer tunisienne qui reliait Meltaoui, dans le nord du pays, à Tozeur, dans le sud, une oasis aux abords du Sahara à la frontière avec l’Algérie. Projet grandiloquent, cette connexion avait été commanditée au début du 20è siècle par le Bey de Tunis pour relier la capitale à son palais d’hiver. Le train, parfois qualifié d’ « Orient express de l’Afrique du Nord » traversait le désert dans un luxe tapageur contrastant avec le paysage, et avec le quotidien de la population. La légende veut que pendant des années, entre son démantèlement et sa remise en fonction comme curiosité touristique, on continuait à voir, dans les mirages fréquents à l’approche de l’oasis, non pas les légendaires caravanes de chameaux mais le fantôme du fameux Lézard Rouge, le surnom de cette voiture royale. Battiato tire de cette évocation une métaphore complexe, reliant la lenteur du train du désert et la perspective de voyages intergalactiques, la nostalgie du souvenir et l’envie « de vivre à une autre vitesse ». (BD)

Locomotive Breath – Jethro Tull

On entend vibrer ici ce qu’on appelle « train d’enfer », soit la façon ultra rapide d’entrainer la vie vers un destin qui échappe à la volonté, sans possibilité de freiner ou de descendre. L’histoire d’un pauvre type ainsi trainé, remorqué fatalement dans le souffle puissant de la locomotive et qui voit ses proches le quitter, les déboires affectifs se multiplier, la guigne envahir toute sa vie. Finalement, il ne lui reste qu’à ramper dans ce souffle de la machine et sa scansion hypnotique. Oubli. (PH)

Pacific 231 - Arthur Honegger

Le mouvement symphonique Pacific 231 (1923) est issu d’une partition destinée à accompagner le très long métrage d’Abel Gance, La Roue, un film muet qui débute par le déraillement d’un train devenu hors contrôle. L’œuvre symphonique qui en est tirée retrace avec minutie les bruits du train au démarrage, par des tempi pesants, de longues notes se raccourcissant peu à peu tout en montant graduellement dans les aigus pour illustrer l’accélération. Les percussions et les cuivres – trompettes, trombones, tuba – sont grandement mis à contribution pour reproduire les bruitages de la lourde locomotive, de ses nombreux rouages, des grincements des roues de fer sur les rails et des jets de vapeur. Des glissandi aux instruments à cordes parachèvent la référence sonore au frottements métalliques. Vers le milieu de la pièce, le train a atteint sa vitesse de croisière et de petites phrases musicales en forme de gammes montantes et descendantes attestent d’un certain équilibre, d’une vitesse de croisière, avant une nouvelle accélération où cuivres et cordes s’emballent. Le freinage du train s’accompagne d’une cacophonie générale avant son arrêt complet, et le silence de l’orchestre.

« Pacific » est un type de locomotive qui fut importée de Nouvelle-Zélande dès 1901 par transport maritime traversant l’Océan pacifique, « 231 » correspondant à la disposition des essieux. (NR)

Mississippi Freight Train – James Cotton

Le Mississippi représente, depuis toujours, une voie majeure pour le transport des marchandises. Dès que le chemin de fer est apparu, celles-ci y ont été naturellement acheminées.

À Tunica, dans une région agricole assez pauvre de l’état du Mississippi, le jeune James Cotton a observé sa mère jouer « Mississippi Freight Train » à l’harmonica. Si l’instrument est bien originaire d’Europe, il se révèle et prend toute sa dimension aux USA à travers le blues : un simple harmonica diatonique, simple, facile à transporter et bon marché. James commence à imiter le sifflet des trains qui circulent le long du fleuve…

Orphelin à neuf ans, il est instruit par Sonny Boy Williamson et, à quinze ans au début des années 1950, il rejoint le groupe de Howlin' Wolf. Il enregistre ses propres performances dès 1953, puis joue avec Muddy Waters et d’autres grands noms de la musique américaine, comme Otis Spann, Janis Joplin, Gregg Allman , Joe Bonamassa, Ben Harper… Il a développé une technique de respiration circulaire en inspirant par les narines tout en utilisant ses joues comme soufflet, son jeu enflammant un public toujours plus déchaîné.

Mississippi Freight Train (1933) imite fidèlement le bruit de la locomotive à l’harmonica, d’abord le sifflet, le départ du convoi puis le rythme de marche, accentué par la batterie, jusqu’à l’arrêt en gare. Tout un symbole, le train à vapeur stimule encore les harmonicistes en herbe, ainsi que les musiciens qui s’en sont inspirés : Doc Watson avec son « Freight train boogie » ou Sonny Terry et Woody Guthrie avec « Lonesome Train », Jean-Jacques Milteau, Willie Nelson, … De quoi nous permettre d’échapper un peu au train-train habituel. (DMo)

Locomotive d’or – Claude Nougaro

L’origine de ce poème-chanson est en partie dans la fascination exercée par la machine fabuleuse, dès ses premières apparitions, et dont rendent, en littérature, Emile Zola ou Joris Karl Huysmans. Mais Nougaro actualise et déporte cette fascination vers l’Afrique et en fait un chant tribal, mariant le rythme de la mécanique aux rythmes des danses africaines, dans une transe lumineuse. Le train est ici aussi moyen facile pour voyager et découvrir d’autres cultures, relier entre elles des imaginations culturellement différentes. (PH)

Kundalini Express - Love & Rockets

Sur ce second album de ces ex-Bauhaus intitulé Express (1986), on trouve en seconde position de la face un titre nommé « Kundalini Express » qui débute sa longue cavalcade saccadée de plus de 5min50 par le sifflement d’une locomotive à vapeur qui s’ébranle avant de laisser le champs à des guitares dantesques aux reliefs furieusement « T-rexiens », et de maintenir 5 minutes durant une mélodie sous-tension à coups de « hou-hou » façon doublés de klaxons, ressacs de riffs sinusoïdaux et de refrains à deux voix, pour se clôturer dans l’apaisement progressif d’un train qui s’éloigne dans le lointain. C’est que le duo anglais Daniel Ash et David J n’avaient pas son pareil pour refourguer son revendiqué héritage psychédélique ‘60s lesté d’une modernité toute ‘80s, et qui se laisse toujours écouter avec plaisir aujourd’hui. Les Américains qui firent un triomphe à ces ex-égéries batcaves ne s’y trompèrent pas. Pour les autres, il n’est jamais trop tard de reprendre un ticket pour réembarquer dans ce grand Express là. (YH)

Locomotives – Thurston Moore

C’est, à la guitare électrique, un exercice de style éprouvant et époustouflant. On pense à Zola décrivant la beauté suprême de la machine, nouvelle force enivrante, magique et maléfique. Thurston Moore met en tension la fascination initiale pour ces locomotives monstrueuses avec le devenir de millions de vies qui leur ont confié leurs déplacements. Il mêle fantasmes magnifiques de la naissance du train et images d’apocalypses, échos des catastrophes qui jalonnent son histoire. Il fait se heurter fabulations solaires des rencontres dans le train, de ce que le train relie, mais aussi ce que qu’il peut séparer, les déchirements sur les quais. Il entrechoque promesses de la vitesse et cauchemars que sont devenues ces promesses dans une société de plus en plus précipitée… (PH)

Le petit train – Les Rita Mitsouko

Paru en 1988 sur leur troisième album, Marc et Robert, « Le petit train » des Rita Mitsouko est parmi leurs morceaux les plus mal compris. Comme pour leur tube « Marcia Baila », la musique enlevée et le ton enjoué du chant a distrait le public de la signification du texte. Le morceau commence de manière fort joyeuse avec l’évocation de ce « petit train » qui « S'en va dans la campagne/Va et vient/Poursuit son chemin/Serpentin/De bois et de ferraille ». On ne prête pas grande attention au fait qu’il soit couleur « Rouille et vert de gris » et roule sous la pluie. Ce n’est que bien plus loin que le refrain questionne : « Petit train/Où t'en vas-tu?/Train de la mort/Mais que fais-tu? /Le referas-tu encore? » et qu’on comprend qu’il ne s’agit pas de n’importe quel train. Si le morceau est inspiré d’une chanson écrite par Marc Fontenoy, interprétée en 1952 en mode rumba par André Claveau, le ton n’est pas le même ici. Là où l’on regrettait nostalgiquement les petits trains de campagne, destinés à finir « vers le tas de ferraille », les Rita Mitsouko évoquent d’autres trains du passé, ceux qui ont emporté, parmi de nombreux autres, le père de la chanteuse, Sam Ringer, un artiste peintre juif polonais, d’un camp de concentration à l’autre, jusqu’à sa libération par les russes en 1945. La nostalgie, c’est ici celle de l’ennemi, celui qu’on ne veut plus voir, et dont on craint constamment le retour, d’une époque à l’autre. Ce train qui conduisait aux flammes, le reverra-t-on un jour ? « Reverra-t-on une autre fois/Passer des trains comme celui-là? /C'est pas moi qui répondra » (BD)


Different trains - Steve Reich

Dans Different trains (1988), écrit pour quatuor à cordes et bande magnétique, Steve Reich met en œuvre pour la première fois une technique de composition qu’il utilisera souvent par la suite, celle de la mélodie du discours. Il capte des bribes de phrases et les transcrit en notation musicale. Les trains dont il nous parle dans cette pièce en trois parties sont évoqués sous différents angles : celui du temps, de la géographie et des témoignages humains qui s’y rapportent. Le premier mouvement évoque la période de 1939 à 1942, pendant laquelle le jeune Reich traversait l’Amérique de part en part, accompagné de sa gouvernante Virginia, entre le foyer de son père à New-York et celui de sa mère à Los Angeles. Il utilise ici la voix de sa gouvernante et celle d’un ancien employé de wagons-lits de cette même ligne. Etant juif, Steve Reich a réalisé qu’à l’époque où il prenait ces trains de l’insouciance, d’autres Juifs prenaient ceux de la mort. Le deuxième mouvement est consacré aux wagons à bestiaux menant ces derniers aux camps d’extermination, sur des extraits de conversations de survivants de l’Holocauste. Le dernier mouvement illustre l’espoir, avec l’immigration des Juifs après la guerre aux Etats-Unis. Evocation aussi de leurs souvenirs, représentés par des ruptures de rythmes et de brusques changements de tempi… Créée en 1988 par le Kronos Quartet, l’œuvre a reçu l’année suivante le Grammy Award for best Classical Contemporary Composition. (NR)

Last Train to San Antone – Peter Green

Décédé en 2020, Peter Green s’en est allé déjà il y a cinquante ans. Comment un génial guitariste, plein de créativité, au toucher délicat, à l'avenir plus que prometteur, a-t-il rejoint les personnages mystérieux, insondables des légendes obscures du rock et du blues ?

Peter Green a eu trois vies. La première l’a starisé guitar hero au sein des John Mayall's Bluesbreakers puis de Fleetwood Mac. La deuxième l’a maintenu dans un comma musical (1), entre deux notes, entre deux vies. La troisième lui a permis de réapparaître sur la pointe des doigts. Entre ces vies, un long purgatoire, schizophrénie et paranoïa, dépression et délires mystiques, … Ce parcours chaotique l’a détruit. Pour le public, cette mystérieuse tragédie en a fait une légende.

En 1971, alors qu’il a quitté Fleetwood Mac un an auparavant, il les aide à terminer une tournée américaine. Il entre dans une période de léthargie et de crises pour lesquelles il est soigné. Dix ans plus tard, il nous livre The Last Train to San Antone, une petite perle de laid-back, évoquant les rythmes hypnotiques du Fleetwood et de JJ Cale. On y retrouve le doigté subtil de ses débuts mais avec moins de passion, de force et d'imagination.

Écrites par le frère de Peter Green, les paroles évoquent le départ en train de la bien-aimée. La cheminée de la locomotive exhale la fumée qui absorbe et étouffe celui qui reste. Et ce n’est pas le merveilleux solo de Jeff Daly au saxophone qui empêche le train de s’évanouir, absorbant les amours, la musique et sa raison.

« Je t'ai perdu bébé. Maintenant, il n'y a aucun endroit où aller pour moi ». (DMo)

(1) En musique, le comma est un intervalle très petit. Les musiciens considèrent qu’un ton (par exemple entre do et ) vaut neuf commas.

Last Train To Satanville - Swervedriver

Vrai faux seconds couteaux de la vaguelette shoegaze dont ils représentaient le versant à la fois heavy et psyché, les Anglais de Swervdriver fourbissent un second album aux guitares toujours indociles mais aux chansons volontiers parcourues de sentiers mélodiques plus larges et plus exposées à davantage d’expérimentations. Sorti en single l’année suivante (Swervedriver est à l’affiche du Dour 1994), Last Train To Satanville, placé au centre de l’album Mezcal Head (1993), ressemble furieusement à une histoire de damnation sous forme de pacte faustien, un road trip en route vers un enfer aux couleurs de parc d’attraction abandonné sur des rails rythmiques à sens unique et à la répétitivité toute "krautienne". Comme pour souligner que malgré l’insuccès chronique de Swervedriver de son vivant, il faudra compter avec le spectre du groupe après son trépas (ils se sont reformés il y a 5-6 ans). À l’heure du retour des trains de nuit sur les réseaux européens, il est temps de rouvrir les réservations pour Satanville… (YH)

Hobo Blues – John Lee Hooker

Le train est omniprésent dans le blues, via le personnage du « hobo », travailleur sans domicile fixe se déplaçant en passager clandestin des trains de marchandises, à la recherche de boulots saisonniers. C’est ce que chante John Lee Hooker : « j’ai pris un train de marchandise comme ami ». Le dépouillement de la chanson restitue celui de la vie de ces errants, prière solitaire scandée par les secousses des wagons, l’angoisse de grimper et sauter sans se faire voir, livré au bon vouloir des rails. (PH)

Alabama train – Louisiana Red

De “Mystery train” à “Alabama train », Louisiana Red a chanté régulièrement la place du chemin de fer dans la vie des africains-américains. « Mystery Trains » parle de l’entraînement à prendre le train en marche, à la sauvette. Et ainsi, les jeunes disparaissent chercher du travail, ailleurs. Avec « Alabama Train », on suit l’état d’âme d’un hobo échoué en Alabama et qui n’aspire qu’à une chose : qu’un autre train le ramène chez lui, près de ceux qu’il aime. Le mal du pays tel qu’il taraudait en permanence ces vagabonds forcés. La vidéo est un beau montage de locomotives, rails à perte de vue, hobo dans la poussière… (PH)

Waiting for a train - Jimmie Rodgers

Dès les débuts de l’histoire de la musique country américaine, encore nommée « old time » ou « hillbilly » à l’époque, de nombreux musiciens se sont inspirés des trains, de la vie itinérante des hoboes et des divers accidents pour leurs compositions. L’un des plus célèbres, Jimmie Rodgers (1897-1933) a travaillé dans les chemins de fer, comme serre-freins (brakeman), mais il s’est tourné vers la musique après avoir attrapé la tuberculose. Les chansons des cheminots, Noirs et Blancs, ont influencé ses nombreuses compositions teintées de blues et de country, et rythmées par les yodels. Dans « Waiting for a train », enregistré en 1928, il commence par imiter les sifflements du train, puis continue avec du yodel pour ensuite décrire la vie nomade des serre-freins. La vidéo montre Rodgers, habillé en bleu de travail de cheminot, dans une rare apparition filmée. (ASDS)

Freight train blues – Bob Dylan

Ecrite par John Lair, interprétée par Dylan sur son premier album. Balancée, bien jetée, c’est l’histoire d’un homme né dans un bidonville près de la voie ferrée, dont toute la vie est bercée par les bruits des trains de marchandise, depuis toujours. Il en est hanté, givré (ce que rend bien Dylan par la voix et l’harmonica « qui déraille »). « J’ai le blues des trains de marchandise ». C’est comme une drogue et il n’imagine pas pouvoir s’en aller, bien qu’il en rêve. A comparer avec la version d’Elizabeth Cotten. (PH)

Le site d'Europalia Trains & Tracks pour tous les événements liés au festival

Ont participé à cette playlist: Philippe Delvosalle, Anne-Sophie De Sutter, Benoit Deuxant, Pierre Hemptinne, Yannick Hustache, Daniel Mousquet et Nathalie Ronvaux.

Image de bannière : J.M.W. Turner, Pluie, Vapeur et Vitesse – Le Grand Chemin de fer de l'Ouest (1844)

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