Ce film muet de John Grierson (1898-1972) raconte la vie et le travail quotidien des pêcheurs de harengs en Mer du Nord, en lutte contre les éléments. Premier et unique film réalisé par lui seul, "Drifters" dramatise avec lyrisme "l'homme au travail".

Étudiant en droit social et politique à Chicago, Grierson était fasciné par le travail de Robert Flaherty et fut l'un des premiers à penser que le cinéma n'était pas seulement un divertissement, mais aussi un moyen d'éducation. A partir de 1927, John Grierson, de retour en Grande-Bretagne, occupe la fonction de "Film Officer" au sein de l'Empire Marketing Board (EMB), une structure de production entièrement subventionnée par l'Etat, qui avait pour vocation la promotion de l'Empire britannique à des fins commerciales. Afin de légitimer ses ambitions pour le documentaire, il propose en 1929 une première production ayant pour sujet l'industrie du hareng. Il réalise alors "Drifters", dans lequel on peut voir l'influence de Flaherty dans la narration et le travail méticuleux de documentation et celle de Dziga Vertov dans le montage de plans serrés et rapides, donnant la sensation de vivre aux côtés des pêcheurs.

"Drifters" est emblématique de ce que seront les productions de l'école anglaise documentaire et représente en quelque sorte un manifeste du documentaire selon John Grierson: des films éducatifs et à forte portée sociale. Bien que leur vocation première - sociale et éducative - ainsi que les conditions collectives de leur élaboration rendaient toute velléité artistique secondaire - pleinement assumée par Grierson - les films qui forgèrent la réputation de cette école furent appréciés pour leurs qualités esthétiques.

En 1939, John Grierson est envoyé au Canada pour créer l'Office national du film (ONF). Les écoles anglaise et canadienne du documentaire, fondées par lui, serviront de modèles à toute une génération de cinéastes jusqu'à l'arrivée du cinéma direct dans les années 1960.