Grâce à l'initiative de la productrice et comédienne Danièle Delorme, deux entretiens ont pu être réalisés avec le poète et dramaturge Jean Genet (1910-1986), et ce, quatre ans avant son décès. Ces deux entretiens font partie du patrimoine et l'homme s'y livre sous la forme d'un "testament audiovisuel" d'une façon inédite.

"Trapu dans son éternel blouson, le poète de "Haute surveillance" et le dramaturge des "Bonnes" fronce le sourcil. Il n'est pas homme à regretter d'être venu, mai il ne sera pas dit qu'il pactise avec l'Ordre. Le regard noir que me lance son oeil bleu, c'est celui qu'il devait adresser à ses juges, naguère. Quand il me dit "vous", pas question de me retourner, c'est toute la société qu'il vomit à travers moi, et moi à travers elle. Je suis le tortionnaire dont il a volé la langue pour échapper à la loi immonde. Il y a de la haine dans sa voix, feutrée de grande gentillesse, mais de la haine quand même." Bertrand Poirot-Delpech, Le Monde, avril 1986

1. Entretien avec Antoine Bourseiller (1981 - 52') - C'est en été 1981 que le metteur en scène de théâtre Antoine Bourseiller (1930-2013) débute en Grèce, à Delphes, cet entretien. Il s'achèvera en France, dans les Yvelines, chez Danièle Delorme. Jean Genet, âgé de 71 ans, temporairement guéri d'un cancer, participa de près aux choix des thèmes évoqués, aux lieux de tournage, puis au montage, auquel il assista tous les jours aux Studios de Billancourt, pour l'ordre des séquences et le choix des prises de vues. Pour des raisons de programmation en télévision, la durée du film sera ramenée à 52 minutes. De nombreuses séquences, illustrant l'oeuvre de Genet, furent réalisées et mises en scène par Antoine Bourseiller avec la participation de comédiens. Au fil du montage, le projet évolua, Genet devint plus présent et dirigea la structure littéraire et artistique du film qui sera composé de longs plans fixes sur lui.

2. Entretien avec Bertrand Poirot-Delpech (1982 - 46') - Cet entretien conduit par Bertrand Poirot-Delpech (1929-2006), journaliste et romancier, membre de l'Académie française, a été filmé le lundi 25 janvier chez Danièle Delorme. À la demande de Jean Genet, ces images ne seront rendues publiques qu'après sa mort. Six mois après son premier entretien avec Antoine Bourseiller, Jean Genet, pressé par la maladie, accepta de compléter ce "testament audiovisuel" en y abordant des sujets divers, comme la politique, et sur le rapport qu'il entretenait avec la langue française.