En embarquant sur un chalutier au large de la Nouvelle-Angleterre pour dresser le portrait d'une des plus vieilles entreprises humaines, Véréna Paravel et Lucien Castaing-Taylor témoignent, dans un flot d'images sidérant, de l'affrontement qui engage l'homme, la nature et la machine. Tourné à l'aide d'une dizaine de caméras numériques ballottées au gré du vent et des vagues, sanglées aux corps des pêcheurs, aux cordages du bateau, gommant tous repères, et où la mer et le ciel finissent par se confondre, ce documentaire de facture quasi expérimentale ne montre rien d'autre que la pêche industrielle - ses poissons éviscérés, ses pauses dans les coursives, ses manoeuvres, et toute la vie animale qui gravit autour - tout en révèlant la beauté foudroyante des entrailles de l'océan.

"Le film est comme une réaction physique à l'expérience en mer qu'il parvient si magistralement à restituer, entremêlant les perspectives des poissons, des mouettes, du bateau et des hommes qui ne forment plus qu'un avec l'océan. L'immersion dans ce chaos est totale, viscérale. La caméra fait corps avec le navire, charriée sur le pont glissant, ballottée par le roulis, flottant au milieu des cadavres éviscérés et décapités des poissons, asphyxiée dans les filets ou plongée dans les flots." Marie Lechner, in Libération, 23/01/2013

"Associés au sein du laboratoire d'ethnographie sensorielle d'Harvard (Sensory Ethnography Lab), où sont encouragées les nouvelles approches esthétiques de l'ethnographie, les deux réalisateurs étaient partis pour faire un film sur les traces de Moby Dick. Ce n'est qu'une fois sur place, à New Bedford (Massachusetts), où commence le roman de Melville, que, sans rien perdre de sa dimension mythique, leur projet a muté pour se centrer sur ce bateau. [...] Leviathan est un voyage mental, une expérience sensorielle aussi concrète que les monceaux de bêtes éventrées qui glissent devant la caméra, aussi métaphysique que le vertige né de la pensée du rapport de l'homme à l'univers." Isabelle Regnier, in Le Monde, 27/08/2013

Un livret de 20 pages accompagne cette édition : un texte de Cyril Neyrat intitulé "Le Sang des poissons, la beauté du monstre" et un entretien avec les réalisateurs.