"À propos de son album précédent sur lequel il réunissait pour la première fois en studio Tyshawn Sorey et Linda May Han Oh, Vijay Iyer nous avait dit : « Il y avait autre chose dans ce trio que simplement un pianiste jouant avec une section rythmique, ça nous est apparu comme quelque chose de spécial, il y avait quelque chose d'excitant, un véritable feeling d'invention qui nous a amenés à enregistrer. » On pouvait dès lors s'attendre à ce que le trio poursuive son exploration sonore et rythmique passionnante sur une majorité de compositions du pianiste et trois thèmes repris avec une originalité étonnante. Commençons par l'ouverture qui donne son titre à l'album : « Compassion » s'ouvre pendant une minute sur un jeu de cymbales effleurées et quelques touches de balais avant l'entrée majestueuse du piano qui développe ses volutes sur trois minutes de ravissement. « Arch » est par contre essentiellement rythmique et Linda May Han Oh y tient un solo magistral en avant du piano et de la batterie. « Overjoyed » de Stevie Wonder ne laisse aucun doute sur la mélodie, Vijay Iyer la propose sans fioritures avec un côté à la McCoy Tyner très percussif sur une foison de rythmes apportés par Tyshwan Sorey. « Maelstrom » porte bien son titre avec la fulgurance centrale suivie de l'apaisement final, que poursuit «Prelude : Orison», sorte de chant intérieur quasi religieux. De contraste, il en est continuellement question dans le tissage sonore construit par le pianiste, le batteur et la bassiste dont l'apport est peut-être à l'essence même de la réussite de « Tempest » avec son intro. « Nonaah » de Roscoe Mitchell nous plonge dans un free intempestif entre batterie et piano. « Ghostrmental » s'étire comme un thème rock qui fait penser à « Smells Like Teen Spririt » avant l'impressionniste « It Goes ». Déjà sur l'album « Uneasy », « Drummer's Song » de Gery Allen est ici uni à « Free Spirits » de John Stubblefield. « Compassion » est une suite tout aussi, si pas plus, convaincante de la richesse de ce trio qu'on attend impatiemment sous nos latitudes (ECM ayant de plus en plus un pied, voire deux, à Flagey...)"

Chronique de Jean-Pierre Goffin pour Jazzmania