Les « surfaces rotatives » de Pascal Battus sont des plateaux mis en mouvement par de petits moteurs électriques (moteurs de walkman) sur lesquels différentes matières sont frottées et font office de résonateur.

Abordant l'improvisation par les faces abruptes de sons stridents et suraigus il n'est pas facile dans un premier temps de s'accrocher à l'écoute du duo Christine Sehnaoui (saxophone alto) et Pascal Battus (surfaces rotatives pas le turntablism !). Ces musiciens élaborent un " entremêlat " bouillonnant et corrosif de sifflements, bourdonnements, palpitations et tournoiements dronatiques fusionnant dans de longs étirements nuptiaux*. Passé le cap des préliminaires l'écoute se révèle comme étant une expérience assez rare et intense, procurant même un certain plaisir. Matières sonores aux riches textures interrogent certains domaines du possible.

Suivant les explications du label Potlatch qui produit l'enregistrement : les surfaces rotatives ne sont pas un instrument prédéfini mais relèvent plutôt d'une chaîne opératoire variable composée de trois éléments plus ou moins différenciés. Les excitateurs, généralement issus des mécanismes de vieux Walkmans et constitués de petits plateaux mis en mouvement par des moteurs électriques sur lesquels viennent réagir vibrateurs et résonateurs tels que feuilles de papier, carton, plastique, métal, bois, fragments de polystyrène, gobelets, tiges, cymbales... Voici donc des " empêcheurs-de-tourner-en-rond " pour qui veut définir cette musique. Electro-acoustique hybride ? Bien que nécessitant l'électricité pour faire fonctionner les petits moteurs, j'aurais tendance à dire que cette musique est acoustique... Mais bien plus qu'un étiquetage qui au final ne ferait que diviser les opinions, ce qui nous intéresse ici c'est le propos et la pratique de ces deux musiciens bien connus depuis quelques années du milieu de l'improvisation libre qui nous font partager et rendent audible une conception du sonore élaborant une grammaire unique et personnelle.

Le titre du CD " Ichnite " est une empreinte de pied fossilisée comme un rappel (la mémoire) du passage d'un être vivant. Ecoute recommandée.

*lire à ce sujet le billet de Jean-Claude Gevrey à propos de ce disque sur le blog scalatympani sur les synchronisations de fréquences.

(BB)