Le Black Artist Group (BAG) est un collectif créée à Saint Louis (Missouri) actif de 1968 à 1972 dont le but était la défense, la promotion et l'enseignement des " arts noirs " intimement lié aux luttes d'émancipation des classes ouvrières afro-américaines. Le collectif, malgré sa brève existence, rassemblera un nombre important d'artistes toutes disciplines confondues et sera un foyer important de musiciens, foyer catalysé par un bouillonnement de concerts, événements et ateliers créatifs. Assez peu représenté toutefois à travers les supports enregistrés (et moins connu que l'AACM) le BAG exercera tout de même une certaine influence, due aussi en partie à un effet de reconnaissance internationale par la suite de certains de ses membres tels que Oliver Lake (World Saxophone Quartet) ou Joseph Bowie (Defunkt). L'influence du collectif s'exercera par la " voie off ", la voie underground du bouche-à-oreille, puisque la presse de l'époque négligera totalement cette dynamique culturelle.

L'enregistrement du présent disque a été réalisé durant l'automne 1972 alors que cinq musiciens étaient envoyés à Paris comme " représentants " du collectif. C'est la première fois (et la dernière) qu'on rencontre l'appellation Black Artist Group. Avant cela les différentes formations au sein du collectif se donnaient des noms changeants tels que Children of the Sun, Solidarity Unit ou encore Human Arts Ensemble.

C'est en 1995 que Thurston Moore (Sonic Youth) publie dans le magazine Grand Royal une liste influente : son top 10 du free jazz underground. Y figure cet enregistrement, faisant redécouvrir le nom à une plus large sphère, mais dont l'accessibilité au contenu restait limitée puisque le tirage original du disque était depuis longtemps épuisé. A l'origine le disque fut produit par un micro-label attenant au collectif, garantissant par là une indépendance et liberté d'expression. Le voici donc réédité pour le bonheur de tous. (Pour rappel ce disque fait partie des collections publiques de la Médiathèque de Belgique depuis 1975, disponible depuis cette date en location).

Cette prestation devant public est emblématique d'une façon de faire du free à l'époque chez les musiciens afro-américains : c'est l'émergence du poly-instrumentiste. En effet la scène est jonchée d'instruments divers (" miscellaneous instruments ") et chaque musicien au gré de l'improvisation mélange leur usage. L'autre facteur important dans cette façon de faire typique de ce genre de formation jazz est que l'énergie est placée au profit du groupe plutôt qu'aux envolées individuelles. Parfois un leadership apparait mais c'est pour mieux renforcer la cohésion du groupe.

La prestation ici s'effectue sans contrebassiste (empêché) et s'axe autour de rythmes colorés de dizaines de petites percussions (claves, cloches, tambourins, objets divers) sur lesquels les souffleurs fusionnent des développements raffinés, voire passages emportés/éxaltés, dans une promiscuité de style rappelant le groupe plus connu Art Ensemble of Chicago.

Avec ces mots du trompettiste Baikida Carroll : "nous étions tous dans le collectif à la recherche de quelque chose, quelque chose de philosophique, une réflexion sur le monde à travers la musique improvisée. "

Cultissime !

(BB)