" Tempestuous ", troisième album du trio que composent le saxophoniste John Butcher, le clarinettiste Xavier Charles et le trompettiste Axel Dörner sous le nom The contest of pleasure, est un enregistrement live. Leur précédent album, Albi Days, enregistré à Albi, non pas en concert, mais en différents lieux de la ville (le grand hall du centre culturel L'Athanor, l'antichambre de la Chapelle, la Chapelle elle-même et le studio du GMEA), mettait à profit l'acoustique de chaque lieu, tous choisis à dessein pour leurs particularités réverbérantes ou non, leur son étouffé ou sec, etc. Cet album avait alors nécessité des mises au point particulièrement précises avec Laurent Sassi (musicien et preneur de son, membre du collectif Ouïe Dire), qui a enregistré le trio dans des conditions insolites, manipulant la prise de son comme modulation supplémentaire, dans un travail à la limite de la musique concrète. Si les 51 minutes de ce nouvel album ont été enregistrées telles quelles, live, sans (trop) de montage ni de manipulation, elles poursuivent néanmoins cet intérêt tout particulier du trio pour les conditions environnantes particulières. Capté durant le Huddersfield Contemporary Music Festival, en novembre 2006, le concert a eu lieu dans une ancienne église des environs, durant une venteuse nuit d'hiver. Le titre de l'album se réfère donc obliquement à cette tempête qui sévissait au dehors et s'engouffrait par instant dans la toiture du bâtiment, produisant une présence supplémentaire et s'ajoutant pour ainsi dire comme quatrième participant. Difficile de dire si c'est l'adjonction de cet autre " instrument à vent " qui a conditionné la performance, mais elle semble l'avoir poussé à s'éloigner de l'approche retenue et pointilliste à laquelle les trois musiciens nous avaient accoutumés. On perçoit toujours un goût pour les longs silences, proche de l'usage qu'en fait Radu Malfatti, par exemple, un goût pour le réductionnisme, une approche très particulière des instruments, passant de souffles imperceptibles à des éclats d'anches, de clapets, de clés. Mais si " Tempestuous " est également construit sur ces alternances calme/explosions, l'album poursuit celles-ci bien au-delà de la simple éruption, tirant en longueur des notes prolongées en hurlement de sirènes, en drones inquiétants qui, s'ils ne sont jamais vraiment dissonants, sont continuellement distordus. Ces longs passages extatiques, à la violence contrôlée, durant lesquels les trois instruments deviennent indiscernables les uns des autres, les montrent fondus en un seul et même déchirement, ne rompant l'unisson que pour parvenir à des harmonies stridentes, brutes. Ces moments alternés et répétés de souffle pur sont paradoxalement à la fois célestes et puissants, couvrant la plainte du vent au dehors, se faisant vocifération, clameur. On ne saura jamais s'il y a eu rivalité et lutte ce soir-là entre les musiciens et les éléments, ou bien jeu et conversation. Ni qui, du tumulte des hommes et de celui de la tempête, aura été le plus terrifiant.

Benoit Deuxant