Ce double album balaie 40 années de composition depuis l'empreinte sérielle jusqu'à la technique numérique et nous permet, à travers certaines oeuvres clefs, d'apprécier les progrès d'une architecture formelle qui a su se mettre au service d'un esprit d'ouverture exceptionnel. En effet, si, chez Reynolds, la formation scientifique initiale devait modeler une approche compositionnelle où il sera surtout question d'algorithmes, de progressions logarithmiques, de structures graphiques, la tentation de l'inexploré et l'appel de l'inconnu resteront les moteurs de sa démarche et, par delà un attachement fidèle à la forme et à la structure, tout ce qui constitue une frontière ou une limite, qu'elle soit géographique ou culturelle, disparaitra dans la tempête d'un langage innovant. A partir des acquis culturels, des mémoires collectives et des réflexes conditionnés, Reynolds saura dégager les constantes qui lui serviront de fondements pour une syntaxe universelle même si, avec les moyens techniques d'aujourd'hui, il devait voir dans le compositeur davantage un répartiteur de matériaux qu'un architecte. Dès le début, une volonté de pratiquer une musique vivante et de sortir des studios d'enregistrement le conduira à collaborer aux manifestations publiques comme le Festival Once de Ann Arbor en 1960 où Robert Ashley interprétera sa première composition pour piano " Epigram and Evolution "(interprété ici par Eric Huebner) ; on y reconnaitra l'héritage de Webern, tout comme on retrouvera celui de Schoenberg dans " Fantasy for Pianist " de 1964, mais surtout on devinera derrière ce sérialisme, au demeurant déjà bien réadapté, un travail au niveau des textures qui marquera toute l'oeuvre de Reynolds et dont on peut évaluer le niveau de complexité dans " Variations " de 1988 (Eric Huebner). ). Avec " Traces " en 1968, faisant écho peut-être aux expériences de Stockhausen, Reynolds s'intéressera aussi à la spatialisation et va recourir également au modulateur à anneaux. Par la suite, l'électro-acoustique et l'informatique ne cesseront de lui ouvrir de nouveaux territoires ("The angel of death ", 2001) même si " imAge/piano " et "imagE/piano " de 2007 renoueront avec une certaine simplicité linéaire (mais non moins énigmatique). Ces deux compositions sont dédiées à leurs interprètes respectifs, Yuji Takahashi et Eric Huebner. JL