Cet enregistrement de la violoniste russe Nicola Benedetti accompagnée par le Bournemouth Symphony Orchestra conduit par Kirill Karabits est un portrait parlant de l'âme russe. C'est aussi une occasion de mesurer le passage du temps sur ce pays qui connut les plus grandes révolutions du 20ème siècle, révolutions qui eurent un impact fondamental sur la création.

Ainsi Glazounov peut être considéré comme le trait d'union stylistique entre la manière occidentale de Tchaïkovski et les influences orientales des membres du Groupe des Cinq. Dans ce Concerto pour violon écrit en 1904, le lyrisme est à l'oeuvre soutenu par une science consommée de l'orchestre amenant des sonorités luxuriantes.

Chez Chostakovitch, le ton change diamétralement. Entre les deux oeuvres, le régime tsariste a été renversé, la Révolution d'Octobre a eu lieu et s'est installé au pouvoir un des pires dictateurs qu'a connu l'Europe : Staline. Le Premier Concerto pour violon voit le jour en 1947-48, à un moment où le compositeur est la cible d'une campagne de dénigrement menée par Andrei Jdanov qui taxe la musique de Chostakovitch de formalisme. Ces allégations ont mené plusieurs artistes à devoir faire amende honorable au risque de finir leur carrière et parfois leur vie au fond d'un goulag. Par prudence, l'oeuvre n'est créée qu'en 1955 par David Oïstrakh, son dédicataire. En cinq mouvements,  Chostakovitch expose à la fois sa douleur et sa colère. Le Nocturne installe le décor que la burlesque du final viendra faire exploser par son énergie phénoménale. Entre les deux extrêmes, une passacaille, forme chère à Chostakovitch permet d'épuiser la question.